C’est parti ! Emmanuel Macron a donné le 2 décembre le coup d’envoi d’une séquence politique et diplomatique qui va mêler étroitement le calendrier national et celui de l’Union européenne. Tous les six mois, un État membre de l’UE préside les multiples conseils des ministres qui participent à l’élaboration des lois et prennent des décisions au nom des Vingt-Sept. Au premier semestre 2022, ce sera le tour de notre pays. Un rendez-vous que le chef de l’État attendait avec impatience. Européen convaincu, il avait fait campagne en 2017 en affirmant que la transformation de la France passait par un approfondissement de l’Union. Cette fois, les thématiques européennes imprégneront encore plus intimement le discours et les actions d’un président qui sera sans doute bientôt candidat à sa réélection, en avril prochain.

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Il lui faudra aller vite pour faire passer ses idées, parmi lesquelles celle de l’Europe puissance. Ce qualificatif n’est jamais attribué à l’UE, sauf en matière économique et commerciale. Or, face à des États qui ont la taille de continent et dont la rivalité s’affirme de plus en plus brutalement, l’Europe apparaît comme le seul niveau d’initiative ou de résistance possible. La présidence française de l’Union cherchera à accélérer cette prise de conscience. Un sommet sur la défense sera organisé. Mais la nécessité d’être collectivement plus fort s’impose dans de nombreux autres domaines : la santé, comme l’a montré la lutte contre le Covid-19 ; le numérique et le développement de l’intelligence artificielle, qui doivent être accompagnés d’une stricte protection des libertés publiques et des données personnelles ; le commerce et le libre-échange, dont les principes doivent dorénavant prendre en compte la protection de la biodiversité et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Imposer une taxe carbone aux frontières à la Chine, à l’Inde, voire aux États-Unis, ne peut se faire qu’au niveau de l’UE.

Discrètement, la réinvention du projet européen a été défendue lundi 6 décembre par une voix devenue rare : celle de Jacques Delors. C’était lors d’une soirée marquant le 25e anniversaire de l’institut de recherche qui porte aujourd’hui son nom et qu’il avait créé après son double mandat à la tête de la Commission européenne (1985-1995).

Lui-même n’était pas là, dans l’écrin tendu de velours rouge de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, à Paris. Mais son message a été lu par Pascal Lamy, qui fut un de ses plus proches collaborateurs. « L’Europe au commencement a été pensée comme un projet de paix, a-t-il notamment expliqué. Elle doit aujourd’hui aussi se penser comme une puissance ; une puissance en devenir, responsable et généreuse dans le monde. »

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Au premier rang de l’assistance se tenait Emmanuel Macron. Au fil de son message, Jacques Delors approuva les trois éléments d’un triptyque qui sera martelé durant la présidence française de l’Union : « Relance, puissance, appartenance. » « L’Europe nous appartient autant que nous appartenons à l’Europe, a-t-il notamment prévenu. Pour tous nos pays, appartenir aujourd’hui à l’Europe, c’est refuser de se laisser appartenir à la Chine, à la Russie, ou même de s’aligner docilement sur les États-Unis. Sans ce sentiment d’appartenance à l’Europe, notre projet s’écroulera comme un château de cartes. » Une validation précieuse à l’orée de mois décisifs pour l’UE… et la France.