Des députés brandissent des panneaux contre le Tafta (TTIP en anglais), au parlement européen de Strasbourg le 7 juillet 2015

Trois ans après avoir été enterrées, les négociations sur le Tafta, aussi appelé TTIP, ont été rouvertes.

afp.com/PATRICK HERTZOG

Des fiançailles de raison pour apaiser l'ire du président américain. Le 15 avril, l'Union européenne (UE) acceptait officiellement de rouvrir les négociations sur le Tafta, le traité de libre-échange transatlantique, dans l'espoir de mettre fin à l'escalade des tensions commerciales avec les États-Unis. Avec succès, puisqu'un mois plus tard Donald Trump annonçait qu'il accordait un répit de six mois, avant de décider de relever, ou pas, les droits de douane sur les importations de voitures et de pièces détachées européennes vers les Etats-Unis de 2,5 % à 25 %.

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Si Bruxelles a accepté de relancer un chantier enterré depuis 2016, "la portée de l'éventuel accord ne sera en rien comparable au projet initial", tient à rappeler Elvire Fabry, chercheuse à l'institut Jacques-Delors. De fait, "le futur traité ne concernera que le volet industriel et les obstacles non tarifaires, comme les normes techniques, afin que les produits puissent s'échanger plus facilement", complète Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Robert-Schuman. Pour mémoire, le Tafta, aussi appelé TTIP, portait également sur une ouverture des secteurs agricoles, des marchés publics et des services. De quoi créer la plus vaste zone de libre-échange au monde, couvrant plus de 45 % du PIB mondial, censée doper l'activité économique de part et d'autre de l'Atlantique.

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Une union ambitieuse dont les négociations s'étaient embourbées, suite au refus des Américains d'ouvrir leurs marchés publics, tandis que les Européens rechignaient à ouvrir leur marché agricole aux boeufs aux hormones, aux OGM et autres boeufs aux hormones. Le tout sur fond de mobilisation citoyenne, largement défavorable au traité des deux côtés de l'Atlantique.

L'Europe cherche à gagner du temps

Si le nouvel accord n'a plus grand-chose à voir avec le Tafta version 1, il permet à l'UE de donner un gage de libre-échange à Trump, et ainsi de gagner du temps. "Les Vingt-Huit ne désespèrent pas qu'il finisse par comprendre que sa guerre commerciale est également néfaste pour l'économie américaine, ou, à défaut, qu'il ne soit pas réélu en 2020", décrypte Sébastien Jean, le directeur du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii).

Pour le moment, renouvellement des institutions européennes oblige, tout est gelé. "Nous sommes empêtrés dans la guerre des postes - qui prendra la présidence de la Commission, du Parlement, du Conseil... ? Le temps de trouver un accord et que les nouvelles équipes arrivent, rien ne bougera avant octobre-novembre", pointe Franck Proust, eurodéputé sortant, qui a été membre de la Commission du commerce international.

Macron pourrait mettre son veto ?

Mais il n'est pas dit que les choses se décanteront après cette date. "Trump veut à tout prix étendre le traité au volet agricole, ce qui est hors de question pour les États membres", souligne Philippe Martin, président délégué du Conseil d'analyse économique (CAE). Mais on connaît la véhémence de l'homme à la blonde houppette : s'il n'obtient rien côté chinois, la pression sur l'Europe risque de devenir étouffante. "Trump vient de lancer sa campagne de réélection, il va bien falloir qu'il montre à son électorat qu'il a réussi à arracher des accords favorables à l'économie américaine", analyse Elvire Fabry.

En attendant, un tel accord doit être voté à l'unanimité au Conseil européen. Et la France pourrait bien y opposer son véto. Le président Macron a en effet été le seul, en avril dernier, à voter symboliquement - le scrutin était à la majorité qualifiée - contre une reprise des négociations, estimant que les Vingt-Huit ne pouvaient pas négocier avec un pays qui s'était retiré de l'accord de Paris sur le climat. Au risque de concentrer toute l'ire de Trump sur l'Hexagone...

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