"Le seul Euro qui m'intéresse, c'est celui de foot" : les gens se fichent-ils vraiment des Européennes 2024 ?

Vues comme des élections de second ordre, les élections européennes ont traditionnellement moins mobilisé les électeurs en France. Mais depuis 2019, un changement s'opère.

Les élections européennes sont organisées dimanche 9 juin prochain de 8h à 18h. Afin de pouvoir prendre part au vote, il est indispensable de s'inscrire sur les listes électorales.
En 2019, le taux de participation aux élections européennes était en France de 50.5%. (©Frédéric Bourgeois)
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« Pendant longtemps, je m’en fichais des élections européennes. Ça me paraissait loin, pas concret. Mais ma femme s’y intéresse plus et donc je me suis plus plongé dedans. » Basile, 31 ans, ira bel et bien voter le 9 juin prochain pour les élections européennes. Alors qu’il y a cinq ans, ce n’était pas le cas.

Élections riment avec abstention, et c’est d’autant plus vrai quand on l’accorde avec européennes. Vraiment ? Depuis le premier scrutin européen en 1979, le taux de participation n’a fait que baisser, passant sous la barre symbolique des 50%, certes.

Mais en 2019, la participation est remontée pour la première fois, à 50.5% en France. Et cette tendance à la hausse pourrait se confirmer cette année. Cependant, le désintérêt pour cette élection est bien réel, notamment chez les jeunes.

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« Une occasion de nous rappeler notre devoir citoyen »

« Les élections européennes boudées, ce n’est plus tout à fait vrai », affirme Thierry Chopin, politologue spécialiste de l’Union européenne et conseiller spécial auprès de l’Institut Jacques Delors.

La participation en hausse aux dernières élections, il y a cinq ans, n’est pas partie pour être une erreur de parcours. Selon l’Eurobaromètre publié le 17 avril 2024, 71% des Européens et 67% des Français voteraient pour ces élections si celles-ci se tenaient la semaine prochaine.

Youenn était un peu jeune en 2019, mais il votera bien le 9 juin prochain. À deux mois du scrutin, le jeune homme de 22 ans commence à s’intéresser à l’échéance. « Je n’ai encore regardé aucun débat, mais je suis la campagne grâce aux réseaux sociaux, notamment en suivant des comptes de médias ou des politiques eux-mêmes. »

Il l’avoue, l’Europe lui paraît « plus lointaine », il se renseigne « moins bien que pour une Présidentielle », mais les élections européennes restent un jour de vote à ne pas manquer.

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Toute élection est importante. Et c'est important d'aller voter à chaque scrutin, car chacun d'eux est une occasion de nous rappeler notre devoir citoyen.

Youenn

L’Europe, on sait à quoi elle sert

La politique européenne connaitrait regain d’intérêt qui s’explique par deux raisons, selon Thierry Chopin.

D'abord l'importance qu'a prise le changement climatique dans le débat, au moment des marches pour le climat et les jeunes se sont mobilisés notamment par le vote. Puis les campagnes digitales de l'Europe ont été efficaces auprès des jeunes.

Thierry ChopinPolitologue

Et pour le politologue, les crises de ces dernières années ont permis de se rendre compte de l’importance de l’Union européenne. Par exemple, lors de la pandémie de Covid-19, c’est l’Union européenne qui a acheté les vaccins pour les États membres.

« Et dans un monde aussi instable, avec la guerre en Ukraine, une possible réélection de Donald Trump aux États-Unis, les citoyens se disent qu’il vaut mieux être dans l’Union européenne. On est sorti du simple clivage pour ou contre l’Europe. »

En effet, Youenn voit bien à quoi sert l’Europe, « sur les questions commerciales, agricoles. Bon, moins sur l’éducation par contre ».

C'est une institution qui a un impact sur notre vie quotidienne. On l'a vu par exemple lors des manifestations des agriculteurs, on a vu qu'ils en voulaient à l'Europe et pourquoi.

Youenn

Si la jeunesse semble plus renseignée sur l’Europe, Thierry Chopin tempère : « Il y a des jeunesses. La variable diplôme reste très importante et a des effets puissants sur l’intérêt ou non pour ce scrutin, tout comme il y a un effet d’âge ou de génération. »

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Un regain d’intérêt à tempérer

Certes, la participation en 2019 avait augmenté. Mais on ne parle que de 50.5%. Et si l’Eurobaromètre du printemps 2024 montre que 60% des Européens sont intéressés par le scrutin à venir, en France, le chiffre est beaucoup plus faible : seulement 47%. Moins d’un Français sur deux.

« C’est compliqué et flou », résume Ionim, 29 ans, qui ne comprend pas à quoi servent les eurodéputés. « Leur rôle est assez peu clair : quel pouvoir ? Quel rôle ? Qui décident de quoi ? Comment ça s’applique à l’intérieur de chaque État ? »

Un constat partagé par Basile : « Pour moi, l’Union européenne, c’est tout ce qui est économie ou normes. Je ne vois pas quel impact elle a sur notre quotidien. »

Une institution lointaine, floue. Où la représentation est peut-être moins assurée. En France, un député européen représente 700 000 personnes. À titre de comparaison, un député national représente 115 000 habitants. « Mais dans les petits pays, il y a plus d’eurodéputés par habitants », tempère Thierry Chopin.

Mais d’où vient ce sentiment persistant ?

On continue à considérer les élections européennes comme des élections de second ordre, moins prioritaires par rapport aux enjeux nationaux.

Thierry ChopinPolitologue

Une élection reléguée en deuxième division. Entre autres, parce qu’elle n’est pas assez valorisée par les premiers rôles eux-mêmes : les politiques.

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Les enjeux nationalisés des élections européennes

Avant d’en arriver là, il y a une raison simple au manque d’intérêt pour le scrutin européen : notre propre tradition politique.

Le Parlement européen reste une institution législative. Or, en France, ce qui compte chez nous, c'est l'exécutif, c'est le Président. C'est aussi pour cela qu'il y a une relégation du scrutin européen.

Thierry ChopinPolitologue

Mais cette relégation du scrutin pourrait être en partie corrigée par un travail de pédagogie auprès des citoyens. Pour le politologue, « c’est de la responsabilité des médias, des partis politiques de participer à ce travail de structuration partisane de l’Union européenne, de présenter le projet européen ».

Mais ce n’est pas trop ça en France. « Le scrutin est réduit à un clivage entre la majorité présidentielle et le Rassemblement national. »

Et le RN fait tout pour nationaliser le scrutin et en faire des élections de mi-mandat avant la présidentielle de 2027.

Thierry ChopinPolitologue

Demeure alors une méconnaissance du projet européen, des programmes des partis eux-mêmes pour cette échéance propre. « Concrètement, on ne sent pas à quoi on sert en tant que votant, à part à participer un peu plus à la guerre entre parti politique, qui est déjà assez épuisante au quotidien », illustre Ionim.

Il y a donc encore beaucoup de travail pour faire des élections européennes et plus globalement de la politique européenne des thèmes d’intérêt propre. « Le seul Euro qui m’intéresse cet été, c’est celui de football », sourit le jeune homme.

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