Les agriculteurs ne devraient pas supporter seuls les coûts de la transition écologique, selon Enrico Letta

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epa11284005 Enrico Letta, former President of the Italian Council and President of the Jacques Delors Institute and author of the High-Level Report on the future of the Single Market, gives a press conference before the Special European council in Brussels, Belgium, 17 April 2024. Over a two-day summit, EU leaders will discuss economy and competitiveness issues, Ukraine and the Middle East. EPA-EFE/OLIVIER HOSLET

Les coûts liés à la transition écologique de l’UE devraient être répartis « collectivement » afin de ne pas accabler certains secteurs, selon un rapport de l’ancien Premier ministre italien Enrico Letta, qui désigne les agriculteurs comme un groupe résistant aux réformes.

Ce rapport très attendu, qui propose des réformes du marché unique de l’UE, a été publié mercredi (17 avril) et sera présenté aux chefs d’État et de gouvernement du bloc lors du deuxième jour du sommet européen à Bruxelles jeudi (18 avril).

« Ne pas parvenir à réaliser cet effort collectif pourrait conduire à une résistance de la part de différents groupes », soutient M. Letta dans le document.

« Aujourd’hui, il peut s’agir des agriculteurs, demain des ouvriers du secteur automobile qui ont l’impression de supporter de manière disproportionnée les coûts de la transition sans bénéficier d’un soutien suffisant. »

Néanmoins, M. Letta souligne que l’UE doit atteindre ses « objectifs environnementaux ambitieux », car l’avenir de l’Union à 27 « dépend de ces engagements ».

Le rapport précise également que le coût de l’inaction est élevé, car les phénomènes météorologiques extrêmes liés au climat, qui ont souvent de graves conséquences pour le secteur agricole, se multiplient.

Selon le rapport, les conditions météorologiques extrêmes auraient causé 170 milliards d’euros de pertes dans l’UE ces cinq dernières années.

Pour relever ces défis, M. Letta propose de créer un fonds d’aide d’État à l’échelle de l’UE afin de financer la transition écologique de l’Union.

Ses avertissements interviennent après qu’un groupe d’experts a identifié les conditions météorologiques extrêmes comme une préoccupation majeure pour la sécurité alimentaire européenne en 2024, dans une évaluation publiée par la Commission européenne mardi (16 avril).

Pratiques commerciales déloyales

Le rapport aborde également les accusations de pratiques commerciales déloyales de la part des grands grossistes et détaillants formulées par le secteur agroalimentaire.

« Les agriculteurs et les transformateurs de produits alimentaires affirment que les grands distributeurs et les détaillants ont recours à des pratiques commerciales déloyales », peut-on lire dans le document.

Bien que M. Letta reconnaît que l’UE a tenté de résoudre ces problèmes en adoptant la directive sur les pratiques commerciales déloyales en 2019, il note qu’il est difficile d’appliquer les règles aux entreprises qui opèrent dans plusieurs États membres.

Il appelle donc Bruxelles à donner aux autorités nationales davantage de pouvoir pour s’attaquer aux violations présumées des règles de concurrence par le biais d’une procédure commune pour toutes les affaires transfrontalières.

La Commission a annoncé le mois dernier qu’elle procéderait à une évaluation approfondie des règles et proposerait, si nécessaire, des modifications législatives d’ici à 2025. Elle prévoit aussi de créer un observatoire chargé de surveiller les pratiques commerciales, les marges et les coûts dans les chaînes d’approvisionnement agroalimentaires de l’UE.

Aides d’État conditionnelles

Le rapport d’Enrico Letta suggère en outre de développer des solutions qui permettent des subventions publiques ciblées pour les secteurs qui en ont besoin, tout en veillant à éviter la fragmentation du marché unique de l’UE — en particulier depuis que Bruxelles a assoupli les règles sur les aides d’État en 2022 afin d’aider les entreprises à faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine.

En se penchant sur les différentes aides d’État accordées au secteur agroalimentaire dans l’UE, Euractiv a découvert d’importantes disparités entre les États membres.

La Pologne est le pays qui a accordé le plus de subventions dans le secteur agroalimentaire, à savoir de près de 4 milliards d’euros depuis l’invasion russe de l’Ukraine. Elle est suivie par l’Italie (2,3 milliards d’euros), la France (1 milliard d’euros) et la Roumanie (770 millions d’euros).

Colère agricole : les États membres accordent plusieurs milliards d’euros d’aide au secteur agroalimentaire

Les États membres de l’UE ont dépensé des milliards d’euros pour soutenir l’industrie agroalimentaire au cours des deux dernières années, suite à un assouplissement temporaire des règles sur les aides d’État pour soutenir les entreprises face à l’impact de la guerre en Ukraine.

« Si l’assouplissement progressif des aides d’État en réponse aux crises récentes a contribué à limiter les effets négatifs sur l’économie réelle […], il a également entraîné des distorsions de concurrence », avertit M. Letta.

Il note que ces distorsions pourraient être « amplifiées » en raison des différentes capacités de dépenses des États membres, et propose un « mécanisme de contribution aux aides d’État » en vertu duquel les différents pays alloueraient une partie de leur financement national à des initiatives et des investissements paneuropéens.

Néanmoins, M. Letta a mis en garde contre les « dépenses inutiles ou nuisibles », soulignant que les fonds publics devraient être soumis à des conditions et contribuer à des « objectifs communs de politique publique ».

Ne pas craindre un élargissement

Enfin, l’ancien Premier ministre italien a tenté d’apaiser les inquiétudes suscitées par la perspective de l’adhésion de nouveaux États membres à l’Union européenne, notamment l’Ukraine — grande puissance agricole — et son impact sur le programme de subventions agricoles de l’Union.

« Cet élargissement ne doit pas être perçu, ni par les gouvernements ni par les citoyens, comme une fin du soutien à la croissance et à la convergence — en particulier pour les pays ayant intégré le plus récemment [l’UE] — fourni par la politique de cohésion et la Politique agricole commune [PAC] », peut-on lire dans le rapport.

Un nouveau fonds pour compenser les effets de l’élargissement de l’UE est nécessaire, selon Enrico Letta

Selon un projet de rapport de l’ancien Premier ministre italien Enrico Letta, il est nécessaire de créer un nouveau fonds pour équilibrer les disparités susceptibles d’affecter certains États membres et secteurs de l’UE suite aux prochaines phases d’élargissement de l’UE.

Une étude interne du Conseil de l’UE a récemment révélé que l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne dans le cadre du système actuel de paiement à l’hectare de la PAC entraînerait une réduction de 20 % des subventions agricoles pour le reste des États membres.

Toutefois, une analyse récente du Parlement européen indique que ces estimations doivent être prises avec des pincettes.

En effet, l’analyse du Parlement indique que la PAC sera probablement réformée à la lumière de l’adhésion afin de limiter les subventions agricoles « pour empêcher les paiements aux plus grandes exploitations agricoles de l’Ukraine ».

L’adhésion de l’Ukraine à l’UE entraînerait la fin de la PAC actuelle, selon un fonctionnaire de Kiev

L’adhésion de Kiev à l’UE conduira probablement à la fin de la Politique agricole commune (PAC) telle que nous la connaissons aujourd’hui, selon le vice-ministre ukrainien de l’Économie, Taras Kachka.

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