Les ambiguïtés de Valérie Pécresse face à Emmanuel Macron sur l'Europe
La candidate LR s'affiche très critique sur la politique européenne d'Emmanuel Macron. Plus sur la forme que sur le fond.

"On ne peut pas avoir une Europe passoire", a lancé Valérie Pécresse lors de son passage, ce 15 janvier, dans un camp pour migrants installé sur l'île de Samos, en Grèce.Et d'accuser Emmanuel Macron d'avoir, sur cette question, "mis la poussière sous le tapis". Pour la deuxième fois en quelques jours, la candidate LR à la présidentielle a donc haussé le ton sur un sujet européen. Le 1er janvier, après que l'Elysée eut décidé de faire flotter le drapeau européen sous l'Arc de triomphe, elle avait saisi l'étendard de la révolte: "Présider l'Europe oui, effacer l'identité française non!"
L'opposition est vocale. Mais il s'agit avant tout de masquer, sur le fond, une grande proximité avec les idées défendues par Macron, comme la taxe carbone aux frontières ou les grands projets industriels européens. "S'il y a une chose qui fonctionne en ce moment chez LR, c'est la photocopieuse, tacle l'eurodéputé Nathalie Loiseau, qui menait la liste de la majorité présidentielle aux élections européennes il y a trois ans. Les 10.000 hommes supplémentaires que réclame Valérie Pécresse pour Frontex, l'agence de protection des frontières, figuraient déjà dans notre programme de 2019."
"Retours de bâton"
Michel Barnier, en charge de l'international au sein de l'équipe Pécresse, attaque d'ailleurs moins le président pour ses propositions que sur la forme de ses interventions: "Le discours d'Emmanuel Macron au Parlement européen, ce 19 janvier, ne représente qu'un discours de plus, estime l'ex-Monsieur Brexit de la Commission. C'est le problème: il y a depuis le début du quinquennat, en matière européenne, trop de mots, trop d'esbroufe, pas assez d'actes. Emmanuel Macron fait une erreur en donnant une telle dimension à sa présidence de l'Union: si les 26 autres Etats-membres ont le sentiment qu'ils sont instrumentalisés, il y aura des retours de bâton."
Promis, Valérie Pécresse serait, elle, dans le "faire", dès sa prise de fonction, pour boucler les dossiers. Cette tactique consistant à dénoncer une présidence européenne empêchée pour Macron n'est cependant pas sans risque. "Si un accord politique entre les Vingt-Sept se dégage dans les prochaines semaines sur la taxe carbone et sur le renforcement des frontières de l'Union européenne, par exemple, la candidate LR se retrouverait dans une position délicate", pointe Sébastien Maillard, directeur de l'Institut Jacques-Delors. Devra-t-elle applaudir? Critiquer l'insuffisance des accords, au risque de la mauvaise foi? L'exercice sera inconfortable.
D'autant qu'un second front n'est toujours pas stabilisé, pour Valérie Pécresse. La division passe cette fois à l'intérieur de son parti. Quoi de commun entre la proposition fédéraliste du candidat à la primaire Philippe Juvin, visant à élire au suffrage direct le président du Conseil de l'Union européenne et la volonté souverainiste, martelée par Eric Ciotti, d'une "sortie du machin bruxellois qui est un carcan qui paralyse les Etats"? Barnier se veut confiant: "Comme Nicolas Sarkozy après le référendum de 2005 sur la Constitution européenne, qui avait divisé la droite, Valérie Pécresse saura rassembler."
Grand écart
En attendant, le grand écart n'a pas échappé à ses opposants. "Ce que je souhaiterais savoir, c'est ce que pense Valérie Pécresse elle-même sur l'UE. Et je n'y parviens pas", attaque Nathalie Loiseau. Prochaine épreuve: la candidate LR veut être reçue par le chancelier Olaf Scholz. La rencontre ravira les tenants de l'axe franco-allemand et hérissera le poil des souverainistes. Jusqu'au bout, le chemin européen promet d'être tortueux.
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