L’Union européenne (UE) entre dans une nouvelle ère d’approvisionnement en énergie plus propre et mieux utilisée. Or nos politiques ont été conçues dans un contexte fondé sur des énergies fossiles relativement bon marché et abondantes. En amont des élections européennes, le rapport de l’Institut Jacques Delors pour une Union de l’énergie 2.0 appelle à l’adoption de nouveaux outils de solidarité et de coopération européenne pour faire face aux défis actuels.
En 2021-2022, l’instrumentalisation des livraisons de gaz par la Russie, sur fond de dépendance excessive de l’UE, a engendré une grave crise des prix de l’énergie et de coûteuses mesures d’urgence. Au plus fort de la crise, les prix de l’électricité payés par les industriels européens étaient deux fois plus élevés qu’en Chine ou aux Etats-Unis. La faible coordination des réponses à la crise énergétique a augmenté le risque de fragmentation du marché intérieur. Enfin, la domination écrasante de la Chine sur les chaînes de valeur mondiales pour les technologies propres pose la question de la sécurité énergétique de l’UE à l’heure de la transition climatique.
Face aux crises, la politique énergie-climat de l’UE a fait des progrès notables. En témoigne l’adoption d’un plan de relance européen exceptionnel post-Covid de près de 800 milliards d’euros, qui comble en partie le déficit d’investissement public vert. Un nouveau cadre réglementaire pour 2030 rehausse les objectifs de déploiement des renouvelables et de baisse de la demande, et introduit un Fonds social pour le climat pour soutenir la transition des plus vulnérables. A la suite de l’invasion russe en Ukraine, les Européens se sont accordés pour une sortie accélérée des énergies fossiles russes.
Question de gouvernance
« Face à une crise, il faut le pompier mais aussi l’architecte », aimait à dire Jacques Delors, qui appelait dès 2010 à renforcer la politique énergétique commune de l’Europe. Or les instruments européens sont encore trop temporaires, trop nationaux, insuffisamment contraignants et ne soutiennent pas de façon adéquate la réalisation des objectifs de l’UE. Cette dernière doit sortir d’une posture réactive et se donner les moyens d’anticiper et d’amortir les prochaines crises.
Pour cela, il est nécessaire de renforcer les financements communs, par exemple au travers d’un fonds de souveraineté européen qui contribuerait à soutenir l’émergence d’une économie bas carbone et résiliente. Les financements du plan de relance européens s’arrêtent en 2026. Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, a récemment évoqué la nécessité d’un nouvel emprunt européen pour financer la transition. L’UE doit également préserver sa compétitivité et augmenter sa résilience en matière de technologies propres, dans un contexte de forte concurrence internationale. Le manque de volonté politique qui résulte des discussions du Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023 est à cet égard inquiétant.
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