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L’Europe doit « choisir la sobriété » en place du gaz russe

(Montel) L’Europe a besoin de mettre en place des mesures de sobriété « immédiates » pour faire face à une possible coupure totale du gaz et du pétrole russes, alerte deux spécialistes du secteur de l’énergie.

Alors que les chefs d'État européens se réunissent jeudi à Versailles pour deux jours de discussions compliquées – car elles ont pour but de parvenir à un accord sur la manière de réduire les importations de gaz russe de l’Union européenne (UE) – ces experts estiment que la Russie pourrait fermer le robinet d’approvisionnement très prochainement.

« Il faut être prêts à ce que Poutine coupe le robinet [du gaz et du pétrole], et si cela doit arriver cela se fera dans les quinze jours qui viennent », a déclaré à Montel Correntin Sivy, spécialiste des énergies renouvelables.

Selon lui, la Russie pourrait décider de se passer de la manne de plusieurs centaines de millions de dollars par jour que représente la vente du gaz et de pétrole à l’Europe, en représailles aux sanctions occidentales.

« Le pays a des réserves et pourrait se tourner davantage vers les pays asiatiques pour vendre son énergie », a-t-il estimé, ajoutant qu’une telle mesure permettrait également au président russe de consolider son pouvoir à l’intérieur du pays dans un front anti-Europe.

Thomas Pellerin-Carlin, directeur du Centre Énergie de l’institut Jacques-Delors, abonde en ce sens, car les menaces de la Russie de couper les transits de gaz vers l’Europe, qui constituent environ 40% de l’approvisionnement européen, ne sont « pas du bluff », selon lui.

« Cela serait un très mauvais calcul économique, mais cela était également un très mauvais calcul économique de la part de Vladimir Poutine d’envoyer ces troupes en Ukraine », note-t-il.

Baisser son chauffage

Pour les deux experts, l’Europe peut se passer « immédiatement » du gaz, du pétrole et du charbon russes en optant notamment pour la sobriété énergétique. Et elle doit faire ce choix « collectif », même si la Russie continue à alimenter les flux, par solidarité envers l’Ukraine.

Cela signifie qu’elle doit inciter ses habitants à baisser un peu leur chauffage, à réduire leurs déplacements en voiture et leur vitesse et installer massivement des pompes à chaleur, qui consomment moins d’énergie, ainsi que des matériaux isolants.

Le continent devrait également « rationner » l’énergie pour les industries non essentielles et accélérer la production d’énergie renouvelables, selon eux.

D’autant plus que l’énergie renouvelable est beaucoup plus compétitive sur les marchés, autour de EUR 60/MWh, alors que les prix des énergies fossiles flambent, ayant franchi la barre des EUR 100/MWh, souligne M. Sivy.

En France, pays qui n’importe que 17% de son gaz de Russie, de telles mesures permettraient de se passer du gaz et du pétrole dès cet hiver, selon les deux spécialistes. Pour certains pays de l’Est, qui en consomment jusqu’à 100% ou l’Allemagne, qui se fournit à plus de 40%, ce n’est toutefois qu’une partie de la solution, admettent-ils.

« Cela sera plus douloureux pour certains pays mais c’est le prix à pays pour arrêter Poutine. Si l’on n'arrête pas de financer la guerre, jusqu’où ira-t-il ? », interroge M. Pellerin-Carlin, en précisant que même si l’UE achète moins de gaz, les prix ont tellement grimpé sur les marchés que la Russie gagne plus qu’avant la guerre.

Accord « difficile »

Dans le cadre de son plan pour faire face à de possibles perturbations d’approvisionnement, la Commission européenne a annoncé mardi vouloir réduire ses achats de gaz russe de deux tiers d’ici la fin de l’année.

Lors de la réunion de Versailles, les discussions s’annoncent « difficiles », selon le secrétaire d'État français aux affaires européennes, Clément Beaune. Il n'y a pas d'accord entre les pays de l'UE sur la manière d'y parvenir, a-t-il déclaré sur les ondes de « France Inter » jeudi.