L'Europe face à la difficile réforme des règles budgétaires européennes

Deux camps s'opposent. Si certains pays exigent un cadre légal plus strict, d'autres souhaitent au contraire plus de flexiblité.

German Chancellor Olaf Scholz and European Commission President Ursula von der Leyen arrive for a signing ceremony for three agreements by the heads of government of the six Western Balkan countries during the Berlin Process 2022 Western Balkans Summit at the Chancellery in Berlin on November 3, 2022. (Photo by Britta Pedersen / POOL / AFP)
L'Allemagne et son chancelier Olaf Scholz font partie des pays "frugaux" réclamant davantage de fermeté au niveau budgétaire. ©AFP or licensors

La Commission européenne doit dévoiler mercredi ses pistes de réformes des (vieilles) règles budgétaires de l'Union européenne, afin de permettre des investissements massifs tout en renforçant le sérieux des comptes publics.

"Il est temps d'avancer. Si on ne le fait pas maintenant, on le fera quand ?", a averti le commissaire européen à l'Economie, Paolo Gentiloni.

Ces règles, rassemblées dans le Pacte de stabilité et de croissance, ont été suspendues début 2020 pour éviter un effondrement de l'économie européenne touchée par la pandémie de Covid. Face à une récession historique, il fallait laisser filer les déficits.

L'orage passé, et malgré la guerre en Ukraine, le Pacte doit être réactivé fin 2023 alors que la crise a fait exploser la dette des pays les plus fragiles et qu'il n'est plus applicable en l'état.

Un Pacte vieux de 25 ans

Le Pacte de stabilité est un instrument adopté par les pays de la zone euro en 1997, en vue de l'arrivée de la monnaie unique au 1er janvier 1999. Répondant au souci de l'Allemagne d'éviter que des pays membres mènent des politiques budgétaires laxistes, il impose l'objectif de comptes à l'équilibre.

Ce "corset" budgétaire reprend notamment des critères du traité de Maastricht (1992), avec deux chiffres emblématiques devenus des totems intouchables: un déficit des administrations publiques limité à 3% du PIB national et une dette plafonnée à 60% du PIB.

En cas de dépassement, le texte prévoit une procédure de déficit excessif qui peut théoriquement conduire à de lourdes amendes. Mais ces sanctions n'ont jamais été appliquées. Elles reviendraient à infliger à des pays en difficulté financière des sanctions qui les aggraveraient encore. Or l'UE a appris des risques d'explosion de la zone euro après la crise financière de 2008.

Pour revenir dans les clous, les Etats doivent proposer une trajectoire corrective sur plusieurs années qui fait l'objet de négociations avec la Commission. Théoriquement, l'excédent de dette au-dessus de 60% doit être réduit d'1/20e par an, mais cette règle est jugée inapplicable. Elle imposerait une cure d'austérité destructrice aux pays les plus endettés.

Le Pacte limite également le déficit "structurel", c'est à dire corrigé des variations de la conjoncture, à 0,5 % du PIB pour les pays dont la dette dépasse 60%. Tout dépassement doit être réduit de 0,5 point par an.

Pourquoi une réforme ?

Deux camps s'opposent. Les pays dits "frugaux" d'Europe du Nord, menés par l'Allemagne, estiment que le Pacte de stabilité n'est pas appliqué de façon assez stricte. Son cadre rigide a progressivement laissé place à des règles politisées dont l'interprétation par la Commission est jugée trop accommodante.

Les pays du Sud surendettés, comme l'Italie dont la dette atteint 150% du PIB, jugent le carcan trop sévère. Ils estiment qu'il pénalise l'investissement public à un moment où les Etats européens doivent dépenser massivement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, rattraper leur retard dans le numérique ou se réarmer face à la menace russe.

"Ces deux pôles qui réclament, pour l'un, plus de règles automatiques, pour l'autre, plus de flexibilité, définissent les grandes lignes de la réforme attendue", résume Andreas Eisl, chercheur à l'Institut Jacques Delors. Tous critiquent la complexité des règles actuelles.

Quels changements ?

Le nouveau cadre doit permettre "simplification, plus grande appropriation par les Etats membres et meilleure mise en oeuvre" avec l'objectif de garantir à la fois "une dette soutenable et une croissance durable", selon Paolo Gentiloni.

La principale piste proposée est d'imposer aux pays membres la définition d'un plan à moyen terme basé sur l'évolution des dépenses, plutôt que le niveau de déficits, pour ramener leur dette à un niveau "soutenable".

Cette cible de dépenses, plus lisible du grand public, a aussi l'avantage d'être plus facile à contrôler. L'idée serait de donner aux Etats plus de marges de manœuvre sur ce plan qui inclurait aussi des engagements d'investissements et de réformes.

Bruxelles conserverait une carotte et un bâton. Le respect des engagements permettrait d'obtenir une plus longue période d'ajustement, leur non respect entraînerait des contraintes plus sévères.

Les prochaines étapes

La communication de mercredi doit présenter des idées qui seront discutées début décembre lors d'une réunion des ministres des Finances de l'UE.

L'espoir de la Commission est qu'ils s'accordent sur le cadre rénové qui serait validé dans la foulée lors d'un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement. Une proposition législative serait ensuite élaborée l'an prochain, puis adoptée dans les deux ans qui viennent.

Dans cette attente, Bruxelles devrait interpréter dès 2024 les règles existantes en tenant compte de l'esprit de la réforme.

Le débat s'annonce houleux. "On peut facilement se mettre d'accord sur des principes" mais le diable se cachera dans les détails techniques "qui définiront à quel point les règles seront contraignantes", estime M. Eisl.

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