Le Premier ministre italien Enrico Letta a annoncé jeudi son intention de remettre sa démission, aussitôt après un vote de son parti réclamant un changement de gouvernement.

"Aujourd'hui, le Rassemblement national ne demande plus un retrait de l'UE, car cette position est devenue intenable", note Enrico Letta (ici en 2014).

afp.com/Filippo Monteforte

"L'élection présidentielle sera pour les Français l'occasion de trancher entre deux visions de l'Europe." Telle est la promesse formulée par Marine le Pen le 18 janvier, lors d'une conférence de presse dans laquelle elle a présenté sa vision pour l'Europe, qui se veut "l'antithèse de celle défendue par Emmanuel Macron".

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Dans son discours, Marine Le Pen critique durement l'UE bâtie par les européistes, "oublieuse des peuples et dominatrice des nations", en y opposant la conception d'une "alliance européenne des nations". Toutefois, ses arguments sont fallacieux. Une analyse plus attentive le démontre clairement.

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Tout d'abord, Marine Le Pen banalise et déforme les positions des proeuropéens, de façon à les rendre plus aisément contestables et détourner l'attention de ses interlocuteurs. Elle accuse l'UE de vouloir effacer toute identité nationale, car les différences culturelles seraient un obstacle aux échanges économiques. Dans cette narration, les proeuropéens concevraient l'Union tout d'abord comme un marché, aux intérêts duquel tout peut être sacrifié. C'est une description tout à fait trompeuse du débat.

Il est vrai qu'au cours des dernières décennies l'UE a progressé bien plus dans le domaine de l'intégration économique que dans la valorisation de son patrimoine culturel, mais la faute en revient aux forces eurosceptiques. Les proeuropéens auraient bien voulu rendre concret l'article 167 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, selon lequel "l'Union contribue à l'épanouissement des cultures des Etats membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l'héritage culturel commun". Si cela n'a pas été possible, c'est parce que les eurosceptiques ont obligé l'UE à limiter son champ d'intervention à l'économie, tout en critiquant en même temps cette démarche. La contradiction est éclatante.

Changement de position

Deuxièmement, Marine Le Pen n'hésite pas à appuyer ses critiques de l'Europe sur de fausses informations. Elle blâme l'approche idéologique de l'UE à l'égard de la pandémie et affirme que les Etats auraient obtenu des résultats bien plus efficaces s'ils avaient été laissés libres d'agir en dehors du cadre européen.

Mais il est faux d'affirmer que la décision de ne pas suspendre immédiatement Schengen a empêché de bloquer la circulation du Covid-19, car un virus ne s'arrête pas aux frontières ; de plus, nous savons aujourd'hui que le Covid-19 était arrivé en Europe bien avant le premier dépistage en Italie. Et il n'est pas vrai de dire que la stratégie européenne en matière de vaccins a ralenti et rendu plus chères les opérations. Il est paradoxal de voir Marine le Pen accuser l'UE d'être idéologique et en même temps utiliser des arguments idéologiques pour défendre ses thèses.

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En effet, malgré ses critiques, elle n'arrive pas à cacher le fait que l'Europe a bien travaillé au cours des dernières années. La démonstration en est qu'elle est obligée d'admettre d'avoir changé sa position à l'égard de l'Europe : aujourd'hui, le Rassemblement national ne demande plus un retrait de l'UE, car cette position est devenue intenable, mais la "réorientation en profondeur de l'Union européenne".

Des propositions aussi faibles que ses critiques

Marine Le Pen cherche à justifier ce demi-tour en disant que "nous avons toujours fait preuve de pragmatisme concernant les questions européennes", et qu'aujourd'hui il y aurait la possibilité de changer l'UE sans en sortir. Mais elle oublie de rappeler que les nouvelles politiques mises en place par l'UE (Next Generation EU, tout d'abord) ont été possibles grâce au travail sérieux des proeuropéens, et pas avec les critiques stériles des eurosceptiques.

Finalement, le point faible de la conférence de presse de Marine Le Pen est qu'on ne comprend pas pourquoi la vision de l'Europe qu'elle propose serait plus capable de défendre les intérêts des Français. Ses propositions sont aussi faibles que ses critiques : sa volonté d'amener des politiques protectionnistes et hostiles à l'immigration rappelle les discours de Donald Trump, dont tout le monde a vu les résultats.

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Mais, sur un point, Marine Le Pen a raison : quand elle affirme que, dans cette campagne électorale, deux visions de l'Europe se confrontent. L'UE est l'un des clivages politiques de notre époque, même après la pandémie. C'est pourquoi il est encore plus important aujourd'hui de faire un choix en faveur de l'Europe et de ses valeurs de paix.

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