L'UE dépasse ses divisions et s'accorde sur un plafonnement des prix du gaz

Après plusieurs semaines d'intenses négociations et malgré de profonds désaccords, les pays membres de l'Union européenne ont approuvé, ce lundi, un mécanisme permettant de plafonner les prix de gros du gaz dès qu'ils dépasseront 180 euros le mégawattheure (MWh) pendant trois jours consécutifs.
Le montant adopté par les 27 est bien en deça de celui qui avait été proposé par la Commission européenne.
Le montant adopté par les 27 est bien en deça de celui qui avait été proposé par la Commission européenne. (Crédits : Reuters)

Après de longues semaines de négociations, les Vingt-Sept sont finalement parvenus à se mettre d'accord. Les Etats membres de l'Union européenne ont, en effet, approuvé, ce lundi 19 décembre, un mécanisme permettant de plafonner les prix de gros du gaz dès qu'ils dépasseront 180 euros le mégawattheure (MWh) pendant trois jours consécutifs.

C'est ce qu'a annoncé un communiqué du conseil européen. Les ministres européens de l'Energie, réunis à Bruxelles, « ont trouvé un accord important qui protégera les citoyens de la flambée des prix de l'énergie, avec un mécanisme réaliste et efficace, qui comprend les garanties nécessaires pour la sécurité de l'approvisionnement et la stabilité des marchés financiers », s'est ainsi félicité le ministre tchèque Jozef Sikela, dont le pays exerce la présidence tournante de l'UE.

Un mécanisme applicable

Il s'agit d'un montant bien en deçà de celui initialement proposé par la Commission européenne. Cette dernière avait suggéré de plafonner les contrats mensuels sur le marché de référence TTF dès lors qu'ils dépassaient 275 euros/MWh pendant deux semaines consécutives, entre autres conditions. Or ces facteurs n'ont jamais été jamais réunis, même au plus fort de la flambée des cours en août dernier. Par exemple, le contrat pour livraison dans un mois s'échangeait ce lundi sur le TTF autour de 110 euros/MWh. Le TTF, une plateforme néerlandaise, est de facto la Bourse de gaz de l'UE et son cours sert de référence à la majeure partie des transactions de gaz sur le continent.

« Avec un niveau de déclenchement à 180 euros, il est tout à fait probable que le mécanisme de plafonnement puisse être mis en œuvre », relève Phuc Vinh Nguyen, chercheur sur les politiques française et européenne de l'énergie à l'institut Jacques Delors. Au cours des derniers mois, le cours du TTF « a été supérieur à 180 euros au moins une trentaine de jours », souligne-t-il.

Le chercheur se montre toutefois « assez sceptique », sur la pertinence d'un tel dispositif. « Nous n'avons aucune certitude sur les conséquences et les effets qui découleront de la mise en place de ce plafonnement. C'est très interventionniste. Quelle est notre légitimité à modifier les règles du jeu une fois que nous sommes en train de jouer ?», s'interroge-t-il.

Lire aussi : Énergie : plafonner les prix du gaz dans l'UE, une équation impossible

Divisions au sein de l'UE

Le sujet a donné lieu à d'âpres négociations pendant plusieurs semaines au terme desquelles les ministres des Vingt-Sept s'étaient déjà mis d'accord, le 13 décembre, sur certaines modalités du mécanisme, qui s'appliquera aux contrats à terme sur les marchés gaziers, mais il leur restait à s'entendre sur le prix où le plafonnement s'enclenchera.

Une partie des Etats membres, dont l'Espagne, la Pologne, la Grèce ou encore l'Italie avaient réclamé un net assouplissement des conditions d'activation du mécanisme. A l'inverse, d'autres, à l'instar de l'Allemagne, des Pays-Bas ou encore de l'Autriche, se montraient réticents à toute intervention et exigeaient des « garde-fous » drastiques pour éviter qu'un plafonnement menace les approvisionnements européens. Le risque étant que les fournisseurs de gaz naturel liquéfié (GNL) délaissent l'Europe au profit de clients asiatiques payant leur gaz à des prix plus attractifs.

Pour y remédier, les États se sont entendus pour n'activer le plafond que si la différence entre le prix du TTF et le prix mondial du gaz naturel liquéfié (GNL) est égale ou supérieure à 35 euros.

De nombreux garde-fous

Le mécanisme peut également être désactivé à la demande de la Commission européenne en cas d'urgence. D'autres dispositions prévoient, par ailleurs, sa suspension automatique, notamment si la demande de gaz augmente de 15 % en un mois ou de 10 % en deux mois, si les importations de GNL diminuent de manière significative, ou encore si le volume négocié sur le TTF diminue de manière significative par rapport à la même période de l'année précédente.

« Le fait que le mécanisme puisse être levé dans le cas où la consommation de gaz augmente trop fortement est intelligent sur le principe car le risque d'un plafonnement est d'envoyer un mauvais signal prix aux consommateurs et donc de ne pas inciter à la sobriété », relève Phuc-Vinh Nguyen, qui estime toutefois qu'une augmentation de la consommation de 15% ou 10% demeure trop élevée.

La France a, elle, salué cet accord, se réjouissant qu'il comporte « des garde-fous pour préserver notre sécurité d'approvisionnement en gaz et la stabilité financière des acteurs du marché », a assuré la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. « Il nous faut à présent agir dans la durée : la réforme du marché de l'électricité est un enjeu clé des prochains conseils pour permettre le découplage structurel des marchés du gaz et de l'électricité », a-t-elle ajouté.

Deux autres textes d'urgence adoptés

L'accord trouvé, ce lundi, permet, en outre, aux Etats d'adopter formellement deux autres textes d'urgence destinés à amortir l'impact de la crise énergétique. Le premier prévoit des achats groupés de gaz, auxquels participeraient des consortiums d'entreprises, afin d'obtenir ensemble de meilleurs prix, et un mécanisme de solidarité assurant automatiquement l'approvisionnement énergétique des pays menacés de pénuries. Le second simplifie les procédures d'autorisations pour les infrastructures d'énergies renouvelables.

« Avec le règlement sur l'accélération des énergies renouvelables et la mise en place d'une plateforme d'achats communs de gaz, nous avons ainsi adopté un paquet complet de mesures nous permettant de mieux anticiper les défis énergétiques des mois à venir », a commenté Agnès Pannier-Runacher.

Enfin, cet accord démontre « l'unité européenne », pointe Phuc-Vinh Nguyen. Le texte a été voté à la majorité qualifiée. La Hongrie a voté contre. L'Autriche et les Pays-Bas se sont abstenus tandis que l'Allemagne, qui était initialement opposée à ce plafonnement, a voté pour. « Le fait que l'Allemagne ait fait un pas est très encourageant », souligne le chercheur.

(Avec AFP)

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