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Marine Le Pen pourrait-elle vraiment réduire la contribution de la France au budget de l'UE ?

Publié le 14 avril 2022 à 18h04, mis à jour le 15 avril 2022 à 9h17

Source : JT 20h Semaine

Marine Le Pen entend si elle élue réduire la contribution de la France au budget de l'Union européenne.
Pour la candidate du Rassemblement national, il s'agit d'économiser environ 5 milliards d'euros par an.
En pratique, il serait quasi impossible de prendre une telle décision, sauf à quitter l'UE.

Marine Le Pen et ses soutiens l'expliquent : il n'est aujourd'hui plus question de prôner une sortie de l'Union européenne dans les rangs du Rassemblement national. Ce qui n'empêche par la candidate de souhaiter réduire la contribution de la France au budget de l'UE, comme l'a rappelé sur RTL l'eurodéputé Jordan Bardella.

"Les sommes que nous versons à l'Union européenne, dans le puits sans fond de l'Union européenne, sont considérables", a-t-il lancé. "En temps de crise, on demande des efforts aux Français, aux classes moyennes, aux classes populaires. On peut aussi demander des efforts aux commissaires européens et aux technocrates européens que personne ne connaît et qui ne sont pas élus." Concrètement, à quoi s'attendre si le RN arrive au pouvoir ? "Nous abaisserons la cotisation [...] de 9 milliards à 5 milliards", a-t-il ajouté, soit "4 à 5 milliards" d'économies. La France, a conclu le président par intérim du parti, se montre "beaucoup trop généreuse avec l'UE", d'où l'envie de revenir à une somme annuelle versée similaire "à la moyenne de contribution des autres pays".

Impossible ou presque à mettre en pratique

Dans le chiffrage officiel de son programme, Marine Le Pen met en avant ces 5 milliards d'économies. Jordan Bardella ne présente donc pas ici une nouvelle mesure durant cet entre-deux-tours. Il n'en demeure pas moins que pour l'appliquer une fois au pouvoir, une multitude d'obstacles viendraient se dresser. Sollicité par TF1 info, Eulalia Rubio note en préambule que les 9 milliards auxquels il est fait référence correspondent à "un solde net, c'est-à-dire la différence entre ce que verse la France et ce qu'elle reçoit". Le total de la contribution annuelle française s'élève ainsi "à environ 25 milliards", précise la chercheuse de l’Institut Jacques Delors, spécialiste des mécanismes budgétaires européens.

Peut-on décider du jour au lendemain de réduire sa contribution car on l'estime trop élevée ? "Pas du tout", tranche-t-elle, du fait que l'UE ait opté pour un système "où les États contribuent tous à hauteur d'un même pourcentage de leur richesse. Si la France verse plus que d'autres, c'est simplement parce qu'elle est plus grande et plus riche." En aucun cas, les sommes en jeu ne sont décidées "à la carte".

Des plans de financement sont discutés pour des périodes de sept ans, "à l'unanimité". En pratique, il s'agit de budgets "adoptés par tous les États et ratifiés par les parlements nationaux", sur lesquels il n'est pas possible de revenir d'un simple claquement de doigts. Les accords conclus pour la période actuelle portent ainsi jusqu'à 2027. Ne pas payer (ou payer moins que prévu) serait plus que risqué pour la France : "En cas de non-paiement, la réaction naturelle que l'on pourrait attendre de la Commission européenne serait le lancement d'une procédure d'infraction, portant l'affaire devant la Cour de justice de l'UE. Cette dernière, par un arrêt, aurait alors la possibilité d'imposer des sanctions sous forme d'amendes", résume Eulalia Rubio.

Une action possible et encore plus rapide de la Commission consisterait à couper les versements effectués à la France. Ceux liés à la PAC notamment, dont bénéficient grandement les agriculteurs français. Un jeu dangereux, à n'en pas douter, auquel la France aurait sans nul doute beaucoup à perdre. 

Dès lors, que pourrait faire Marine Le Pen ? "Négocier", estime la chercheuse, à l'instar de ce que d'autres pays de l'UE ont pu faire par le passé, la Grande-Bretagne en tête avant sa sortie de l'UE. "Les États les plus riches, depuis longtemps déjà, se plaignent de payer trop. Certains ont obtenu au fil des ans des réductions, des 'corrections' qui furent le fruit d'intenses négociations". La France pourrait tout à faire tenter d'obtenir une correction à son tour, selon Eulalia Rubio, jugeant même "tout à fait envisageable qu'elle l'obtienne". 

En revanche, il lui semble "impossible" que les sommes économisées, hypothétiques rappelons-le, puissent atteindre des montants similaires à ceux souhaités par le RN. 5 milliards d'euros ? Ce serait simplement "inenvisageable" aux yeux de la spécialiste. Gare, d'ailleurs, à l'effet domino qui pourrait découler de telles négociations, puisque si la France obtient une forme de "ristourne", elle donnerait probablement à d'autre pays l'envie de faire de même. Les économies promises par Marine Le Pen se heurtent ainsi en pratique au fonctionnement des institutions européennes, qu'elle connaît pourtant bien en tant qu'ancienne eurodéputée. 

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Thomas DESZPOT

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