Élections européennes : et si les Britanniques étaient obligés de participer au vote ?

Le parlement britannique pourrait se prononcer en faveur d’un report du Brexit, ce qui pourrait avoir des conséquences sur le scrutin européen qui aura lieu du 23 au 26 mai.

 Des manifestants pro-Brexit devant le parlement britannique le 13 mars 2019.
Des manifestants pro-Brexit devant le parlement britannique le 13 mars 2019. REUTERS/Peter Nicholls

    Le Brexit va-t-il brouiller encore plus un scrutin déjà peu lisible aux yeux des citoyens? L'échec des négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l'UE pourrait en tout cas avoir d'importantes conséquences sur les élections européennes. Car si le parlement britannique évite le no deal (l'absence d'accord, en français), ce mercredi soir, il sera contraint de demander un report de l'application du Brexit, au risque de venir cogner avec le vote du 26 mai.

    Et ce n'est pas les institutions européennes qui vont changer leur calendrier : reporter le scrutin n'est pas à l'ordre du jour. « On ne va pas bouleverser l'organisation des élections européennes dans 27 pays à cause de la cacophonie du parlement britannique », tranche Thierry Chopin, conseiller spécial de l'Institut Jacques Delors et professeur de sciences politiques à l'Université catholique de Lille.

    On n'en est certes pas encore là. Comme le rappelle le spécialiste, « il existe toujours la possibilité d'un Brexit dans les temps, avec un no deal » qui permettrait de faire respecter la date officielle de sortie de la Grande-Bretagne de l'UE fixée au 29 mars. Mais si cette option -présentée aux parlementaires britanniques ce mercredi soir- est balayée, la question du report du Brexit reviendra très vite, dès jeudi au Parlement. Theresa May, la Première ministre, peut en effet demander à retarder son application, sous réserve d'un vote à l'unanimité des 27. Mais jusqu'à quand peut-elle repousser l'échéance?

    Des sièges déjà redistribués

    La question du timing est cruciale car « si le Brexit est appliqué entre les élections européennes et le 30 juin, avant que le nouveau Parlement européen (PE) siège, il n'y aurait pas de raison que les Britanniques ne participent aux élections », explique Thierry Chopin. À l'inverse, si Londres a besoin de six ou dix mois supplémentaires, elle serait dans l'obligation d'organiser des élections puisque le royaume compterait toujours parmi les Etats membres.

    La Grande-Bretagne participerait alors au scrutin en tant que membre à part entière et présenterait des députés. Les Britanniques prendraient ensuite part aux décisions relatives au programme et à la composition de la nouvelle Commission européenne et au cadre budgétaire jusqu'en 2027. « Ce serait absurde d'un point de vue politique », reconnaît Thierry Chopin. « Les Britanniques veulent partir, on voit mal comment l'UE pourrait accepter qu'il reste au-delà du 30 juin », abonde Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert-Schuman.

    Surtout, une telle situation entraîne un véritable casse-tête institutionnel. Car depuis que le Royaume-Uni a notifié son intention de quitter l'Union européenne, le Parlement de Strasbourg a pris ses dispositions. En juin dernier, les eurodéputés ont voté la redistribution des sièges libérés par les députés britanniques en raison du Brexit, en vue des prochaines élections européennes en mai 2019. Parmi les 73 sièges britanniques laissés vacants, 27 seront réattribués à 14 pays de l'UE jugés « légèrement sous-représentés » dans l'hémicycle européen. La France, par exemple, récupère cinq sièges.

    « Les Européens sont capables de tout inventer »

    « Le Parlement européen sera composé de 705 eurodéputés lors de la prochaine législature. Toutefois, si le Royaume-Uni est membre de l'UE à ce moment, le PE sera composé de 751 d'eurodéputés comme actuellement », confirme-t-on au Parlement. Il est en effet difficile d'imaginer une nouvelle redistribution, les partis nationaux ayant pour la plupart déjà dressé leurs listes de candidats en fonction des sièges potentiellement gagnables.

    De son côté, Londres n'aurait pas le choix. « Si un État membre n'organisait pas d'élection, il serait en infraction par rapport aux traités existants », prévient-on au Parlement. Mais dans les faits, l'absence de scrutin au Royaume-Uni « n'empêcherait aucunement la constitution du Parlement en juillet. Nouvellement constitué, il pourrait exercer ses compétences telles qu'établies par les traités », assure-t-on.

    Pour Thierry Chopin, l'issue pourrait venir des députés « intérimaires », dans le cadre d'une prolongation courte. « L'idée pourrait être d'envoyer comme parlementaires britanniques des députés désignés directement par Westminster de manière intérimaire après avoir vérifié toutefois la validité juridique d'un tel dispositif », insiste Thierry Chopin. Selon Jean-Dominique Giuliani, « les Européens sont capables de tout inventer. L'idée, ce n'est pas de mettre en difficulté les Britanniques, mais de trouver des formules ». Et surtout des solutions, alors que les données du problème et les rapports de force évoluent chaque jour.