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OTAN – Russie : le choc des blocs

La dégradation actuelle des relations entre la Fédération de Russie et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) reflète les tensions bilatérales avec les États-Unis. Mais elle ne s’y réduit pas : entre l’OTAN et la Russie se nouent des enjeux stratégiques non seulement transatlantiques mais également proprement européens.

L’ère de la coordination continentale, commencée en 1997, est révolue. La guerre d’Ukraine a en effet conduit l’OTAN à déclarer en 2022 la Russie comme « la menace la plus importante et la plus directe » pour la sécurité européenne. Quant aux autorités russes, elles affirment depuis l’été 2022 que l’OTAN est de facto entrée en guerre contre la Russie en raison de son soutien militaire à l’Ukraine.

Trois décennies tumultueuses

Les relations entre la Fédération de Russie et l’OTAN ont a exactement 30 ans : de la création de la Fédération par la Constitution (1993) à la guerre en Ukraine (2022-aujourd’hui), ces relations ont traversé de nombreuses vicissitudes. Plusieurs tendances se sont affirmées et contrebalancées. D’un côté, la coordination a été bien réelle, notamment au sein du Partenariat pour la paix (PPP) (1) depuis 1994 et du Conseil OTAN-Russie (COR) depuis 1997, mais elle n’a jamais débouché sur une coopération effective. D’un autre côté, la défiance et les tensions se sont régulièrement manifestées, jusqu’à la confrontation indirecte à partir du début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022. Trois décennies après la fin du Pacte de Varsovie et de l’URSS, en 1991, la géopolitique européenne est de nouveau structurée par l’affrontement de la plus grande alliance militaire intégrée du monde, l’OTAN, et de la puissance russe en reconstruction et en opération tous azimuts depuis 2008.

Les relations Russie-OTAN reflètent largement les relations bilatérales entre États-Unis et Russie mais elles ont leurs spécificités. Pour les Européens, il en va de leur système de sécurité collective appuyé sur l’OTAN, le COR, le Partenariat pour la paix (PPP) et l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE). Pour la Russie, l’OTAN est non seulement un forum américain mais également une structure où agissent plusieurs États de l’ancien bloc de l’Est.

Les récriminations croisées ont peu à peu érodé la confiance et donc les possibilités de coordination entre les deux partenaires. Enfin, la guerre en Ukraine a marqué un réveil de l’OTAN en Europe qui peut évoluer vers une confrontation militaire directe, d’ores et déjà annoncée par les autorités russes. Aujourd’hui, la tension est à son comble. Côté russe, la nouvelle doctrine de sécurité nationale russe du 2 juillet 2021 (2) (qui remplace le document du 31 décembre 2015) désigne l’OTAN comme une menace à la sécurité de la Fédération. Côté Alliance atlantique, la Russie a été qualifiée de « menace la plus importante et la plus directe » (3) pour les Alliés au sommet de Madrid les 29 et 30 juin 2022. Facteur aggravant : les outils de la coordination militaire (COR, OSCE, PPP) sont bloqués. Et la logique de bloc préside également à la politique d’alliance de la Russie notamment à travers l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC). Les trois décennies de relations OTAN-Russie atteignent aujourd’hui leur étiage en termes de confiance et leur sommet en ce qui concerne les risques stratégiques. 

Les bases d’une entente

Lorsqu’en 1991 l’URSS et le Pacte de Varsovie sont dissouts par les autorités de la Fédération de Russie alors en gestation, l’OTAN apparaît tout à la fois comme la grande gagnante de la nouvelle géopolitique européenne et comme privée de sa raison d’être — contrer la menace militaire communiste sur le Vieux Continent. Comme l’avait alors souligné Pascal Bruckner, la disparition du « meilleur ennemi » de l’Alliance atlantique ouvrait un véritable vertige de vocation.

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