Paris : la quête d'une "autonomie stratégique" : épisode • 3/4 du podcast L’avenir de l’Europe vu par...

Au Pays-bas, Emmanuel Macron a pu trouver un allié en la personne du Premier ministre Mark Rutte pour défendre ses projets d'Europe-puissance, le 12/04/2023 ©AFP - Ludovic Marin
Au Pays-bas, Emmanuel Macron a pu trouver un allié en la personne du Premier ministre Mark Rutte pour défendre ses projets d'Europe-puissance, le 12/04/2023 ©AFP - Ludovic Marin
Au Pays-bas, Emmanuel Macron a pu trouver un allié en la personne du Premier ministre Mark Rutte pour défendre ses projets d'Europe-puissance, le 12/04/2023 ©AFP - Ludovic Marin
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Faire de l'Europe une voix audible dans le bras-de-fer entre la Chine ou les États-Unis, telle est la vision européenne défendue par Paris. Encore faut-il parvenir à convaincre les partenaires de l'Union, attachés à préserver les relations avec les Américains.

Avec
  • Nicole Gnesotto Vice-présidente de l’Institut Jacques Delors, professeur émérite au Conservatoire national des arts et métiers
  • Arancha Gonzalez Laya Doyenne de la Paris School of International Affairs de Sciences Po, ancienne ministre espagnole des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la Coopération

Être l’allié des Etats-Unis sans en être vassal... Cette vision de l’Europe, Emmanuel Macron l'a défendu à plusieurs reprises, au risque d’alimenter la polémique, comme lors de son récent voyage en Chine en avril 2023. Le chancelier allemand lui a répondu le 9 mai, devant le Parlement européen, en se démarquant de son homologue français : “Les Etats-Unis restent l’allié le plus important de l’Europe”.

La France tient pourtant cette position depuis le début de la construction européenne. Elle veut faire de l’Union une puissance géopolitique, agissant selon ses intérêts propres. Sur le plan militaire, bien sûr, au risque d’inquiéter des partenaires très attachés à l’OTAN, mais aussi industriel, technologique, commercial, notamment vis-à-vis de Pékin.

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Dès son arrivée au pouvoir, le président Macron a affiché, lors d’un discours fondateur à la Sorbonne, sa volonté de poursuivre et d’accentuer les efforts de la France en ce sens. Dans un contexte marqué par le Brexit et l’isolationnisme de Donald Trump, son appel a renforcé la souveraineté européenne a soulevé un certain enthousiasme. La crise du covid est venue rappeler la nécessité d’une autonomie européenne également sur le plan sanitaire. Mais la guerre en Ukraine révèle aujourd’hui à quel point l’Europe de la défense soutenue par la France reste un projet inabouti, Washington demeurant en première ligne pour défendre Kiev.

Comment la vision française de l’Europe a-t-elle évolué et s’est-elle renforcée, du plan Fouchet de 1961 à la défense macronienne de l’autonomie stratégique ? De quels arguments la France dispose-t-elle pour tenter de rallier ses partenaires à son projet ? Dans quelle mesure la guerre en Ukraine peut-elle en accélérer ou ralentir la mise en œuvre ?

Julie Gacon reçoit Nicole Gnesotto, la vice-présidente de l’Institut Jacques Delors et professeur émérite au Conservatoire national des arts et métiers.

Selon Nicole Gnesotto, il y a deux constantes concernant la vision européenne de la France : la promotion d’une autonomie notamment diplomatique et militaire et l’isolement de la France sur ce positionnement. “Depuis le général De Gaulle, on considère en France qu’on peut à la fois être un allié fidèle dans l’alliance atlantique et un État souverain dans cette même alliance. Pour nos partenaires, être à la fois alliés et autonomes des Américains, c’est difficile à comprendre et on soupçonne souvent la France de vouloir affaiblir l'Otan pour prendre la place du leadership américain.

Nicole Gnesotto admet les erreurs des diplomaties de la France et de l'Allemagne vis-à-vis de la Russie, mais estime que les propositions de développement d’une défense européenne étaient pertinents : “C’est vrai que la France et l’Allemagne se sont trompées sur Poutine avec lequel elles pensaient pouvoir établir un dialogue stratégique jusqu’à juin 2021. Inversement, la Pologne s’est aussi fourvoyée en refusant toute défense européenne par peur de voir les Américains quitter l’Europe. Pourtant, l’OTAN n’était à l’époque aucunement capable d’assurer la sécurité de l’Europe.

Pour aller plus loin :

Le Billet politique
4 min
Les Enjeux internationaux
10 min

Seconde partie : le focus du jour

L’axe Paris-Madrid : un nouveau moteur au service de la souveraineté européenne ?

Les dirigeants espagnol Pedro Sanchez et français Emmanuel Macron ont signé un traité lors d'un sommet franco-espagnol à Barcelone, le 19/01/23
Les dirigeants espagnol Pedro Sanchez et français Emmanuel Macron ont signé un traité lors d'un sommet franco-espagnol à Barcelone, le 19/01/23
© AFP - Pau Barrena

Avec Arancha Gonzalez Laya, doyenne de la Paris School of International Affairs de Sciences Po et ancienne ministre espagnole des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la Coopération.

Réunis à Barcelone le 19 janvier 2023 les dirigeants français et espagnols ont signé le premier traité "d’amitié et de coopération" entre les deux pays. Un texte qui vise à renforcer les liens dans de multiples domaines comme l’énergie, la défense, les transports ou la culture et dont la signature aura été aussi l’occasion de rappeler les convergences de vue de l’Espagne et de la France sur l’avenir de l’Europe : à commencer par l’attachement à l’autonomie stratégique et “capacitaire” de l’Union.

Si le Président socialiste Pedro Sanchez se montre sensible à l’idée de préservation de la souveraineté européenne, jusqu’où suivra-t-il – et sera-t-il un soutien – d'Emmanuel Macron dans sa vision ? Quelles sont les priorités de l’Espagne pour l’avenir de l’Europe et quel sens donne-t-on à l’idée d’autonomie stratégique du côté de Madrid ?

Selon Arancha Gonzalez Laya, le couple franco-allemand reste indispensable pour donner à l’Europe une capacité d’agir de manière autonome, mais il est insuffisant et nécessite donc d’autres moteurs : “ Le moteur franco-espagnol pourrait soutenir cette dynamique notamment sur la question du changement climatique qui touche particulièrement l’Espagne, mais aussi sur la question de la frontière sud, la Méditerranée et au-delà le Sahel, une frontière très troublée et source de défis pour l’Union européenne.

Concordance des temps
58 min

Références sonores & musicales

Une émission préparée par Mélanie Chalandon.

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