Pas de réforme de l’UE nécessaire face à un élargissement européen, selon un haut diplomate français

Toute modification du traité devrait passer par un processus de ratification, une démarche très risquée alors que l’UE traverse une « crise de la démocratie », a prévenu le diplomate. [Shutterstock/Pixelvario]

Les institutions européennes sont tout à fait à même de faire face à une nouvelle vague d’élargissement avec les pays Balkans sans qu’il soit nécessaire de réformer l’UE et ses traités, a déclaré à EURACTIV un haut diplomate français, sous le sceau de l’anonymat.

Toute modification du traité devrait notamment passer par un processus de ratification parlementaire dans chaque Etat membre, une démarche particulièrement risquée alors que l’UE traverse une « crise de la démocratie », a prévenu le diplomate.

Ce positionnement va à l’encontre du discours que tient l’Allemagne, qui a clairement fait savoir qu’elle souhaitait une réforme de l’UE avant d’autoriser de nouveaux membres à rejoindre l’Union.

Une « obligation historique »

Ce débat intervient alors que l’élargissement est de nouveau au cœur des priorités de l’UE, après la décision d’accorder à l’Ukraine et à la Moldavie le statut de candidat à l’adhésion en juin dernier.

La France s’est toujours opposée à un nouvel élargissement, préférant mettre l’accent sur l’« approfondissement » des relations avec les États membres actuels.

Le ton a toutefois changé depuis que la guerre a éclaté en Ukraine. L’élargissement est à nouveau d’actualité et l’UE a une « obligation historique » de réfléchir aux nouveaux liens politiques qu’elle peut tisser avec les pays voisins, a déclaré le Président français Emmanuel Macron au Parlement européen en mai dernier, dans un discours de clôture de la Convention sur l’avenir de l’Europe.

Des désaccords subsistent toutefois sur la meilleure marche à suivre, alors que l’élargissement ne se limite pas à l’Ukraine et à la Moldavie, mais pourrait bientôt s’étendre aux Balkans.

Lors d’une conférence organisée par EURACTIV Allemagne le 25 novembre, Jörg Kukies, secrétaire d’État à la Chancellerie fédérale et haut conseiller du chancelier Olaf Scholz, a souligné que la réforme de l’UE serait nécessaire « au moins en même temps que l’élargissement ».

Un point de vue partagé par le diplomate en chef de l’UE, Josep Borrell, qui « ne peut imaginer comment l’UE pourrait fonctionner avec les mêmes règles » et de nouveaux membres, lors d’une conférence de l’Institut Jacques Delors lundi (5 décembre).

Pas d'élargissement sans réforme de l'UE, selon un haut conseiller d'Olaf Scholz

L’Allemagne n’acceptera l’adhésion de nouveaux États membres que si ce processus s’accompagne d’une réforme de l’UE de manière à ne pas mettre en péril la capacité d’action du bloc, a déclaré le secrétaire d’État à la Chancellerie fédérale lors d’un événement EURACTIV.

Élargissement sans réforme, « on doit pouvoir y arriver »

Mais un diplomate français de haut rang, connaissant intimement les rouages de la politique européenne, a partagé un point de vue plus nuancé avec EURACTIV France. Il a affirmé que l’intégration de nouveaux membres ne nécessite pas une réforme profonde des traités européens : « on doit pouvoir y arriver » sans réforme conséquente.

Le fonctionnaire a prévenu qu’une modification des traités serait particulièrement complexe tant les sujets sont vastes et vont bien au-delà de la simple question de l’unanimité ou du vote à la majorité qualifiée.

Par exemple, « l’élargissement devrait s’accompagner de règles en matière d’État de droit plus mordantes », a déclaré le fonctionnaire à EURACTIV.

Il a ajouté que d’autres questions nécessiteraient également une réponse : « Quid des présidences tournantes ? Peut-on aussi donner plus de moyens au Conseil de l’Europe » pour traiter les demandes d’adhésion des pays à l’UE ?

Toute réforme institutionnelle reste en outre un exercice politique risqué. Compte tenu de la « crise de la démocratie » aiguë dans laquelle se trouve la France aujourd’hui, une réforme d’envergure n’est pas forcément la bienvenue.

Concernant la question complexe du vote à l’unanimité sur les Affaires étrangères, que M. Borrell souhaite voir disparaître en cas d’élargissement, le fonctionnaire a souhaité rappeler « l’unité » avec laquelle les États membres de l’UE ont accepté sept paquets de sanctions en l’espace de quelques mois – et ce à l’unanimité.

« Enlevez le vote à l’unanimité, et l’UE court le risque de ne plus parler d’une seule voix sur les questions géopolitiques », a souligné le diplomate.

« Tout ce qui peut être fait à traité constant, il faut y aller », a conclu le haut fonctionnaire.

Il est temps d’accueillir la Croatie, la Bulgarie et la Roumanie dans l’espace Schengen

La Commission européenne a réitéré son appel aux gouvernements de l’UE pour qu’ils se prononcent en faveur de l’entrée de la Bulgarie, la Roumanie et la Croatie dans l’espace Schengen de libre circulation des personnes lors d’un vote en décembre.

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