Brexit : les partisans du « no deal » galvanisés par l'échec de May

« C'est la première étape vers le choc économique ultralibéral », se félicite Boris Johnson. L'économiste Ruth Lea renchérit : les règles de l'OMC suffiront.

De notre correspondant à Londres,

Pour l’ex-secrétaire au Foreign Office Boris Johnson, un Brexit brusque ne peut que favoriser le libre-échange face à une Union européenne foncièrement protectionniste.

Pour l’ex-secrétaire au Foreign Office Boris Johnson, un Brexit brusque ne peut que favoriser le libre-échange face à une Union européenne foncièrement protectionniste.

© MATTHIAS BALK / DPA / dpa Picture-Alliance/AFP

Temps de lecture : 4 min

Au lendemain de la défaite cuisante infligée à la Première ministre Theresa May, une coalition entre les partis bénéficiant de la défection de tories europhiles entend imposer le report de la date de sortie de l'Union européenne à décembre ou à l'organisation d'un deuxième référendum. Économiste auprès d'une grande banque d'affaires londonienne, Arbuthnot Banking Group, et croisée du Leave, Ruth Lea croit au contraire que les Britanniques se dirigent vers un départ abrupt au 29 mars prochain.

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Le raisonnement de l'économiste est simple : l'absence d'accord avant la date-butoir fera passer le Royaume-Uni sous les auspices de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Aujourd'hui, les pays non membres de l'UE absorbent 55 % des exportations britanniques, proportion qui ne fait que s'accroître. Malgré l'augmentation attendue de certains doits de douane, les marchandises « made in England » continueront à avoir accès aux marchés européens en attendant la signature inévitable d'un accord de libre-échange avec Bruxelles. « Si cela fonctionne pour plus de la moitié de notre commerce, pourquoi cela ne fonctionnerait-il pas pour l'ensemble de notre commerce ? » insiste-t-elle. Le passage sous le statut de l'OMC, dont le Royaume-Uni est membre depuis 2016, ne posera aucun problème juridique spécifique, ajoute-t-elle. Autre atout aux yeux de Ruth Lea, les règles de l'OMC ne sont pas discriminatoires. Aussi, de nos jours, les taxes sont prélevées de manière électronique, ce qui limite les barrières administratives.

« C'est la première étape vers le choc économique ultralibéral »

De surcroît, la sortie du marché unique et de l'union douanière doit permettre au royaume de signer des accords de libre-échange avec les ex-colonies et anciens dominions ainsi que les pays émergents. Alors que l'Union européenne est pénalisée par son incapacité à se réformer, dans 10 ou 20 ans, les États-Unis, la Chine ou l'Inde domineront la planète. Et il est plus facile de négocier des accords bilatéraux quand on est seul qu'à 28. Enfin, Ruth Lea a beau jeu de rejeter le scénario catastrophe défendu par les adversaires du « no deal ». « C'est l'équivalent du projet Peur lancé par le chancelier de l'Échiquier, George Osborne, avant le référendum du 23 juin 2016, comme quoi, en cas de victoire du Leave, l'économie s'effondrerait. Il n'en a rien été, au contraire. »

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« C'est la première étape vers le choc économique ultralibéral que j'appelle de mes vœux », souligne, pour sa part, l'un des chefs de file du mouvement, l'ex-secrétaire au Foreign Office Boris Johnson, pour qui un Brexit brusque ne peut que favoriser le libre-échange face à une Union européenne foncièrement protectionniste, en particulier à l'égard des pays en voie de développement.

Soutien du ministre des Affaires étrangères et du Commerce international

À Westminster, l'option « no deal » dispose de relais importants au sein du Parti conservateur. Un bon tiers des députés et la moitié des adhérents tories sont partisans de cette solution. Aux brexiters purs et durs s'ajoutent des remainers rebutés par la position perçue comme intransigeante de la Commission européenne lors des négociations. Au sein du Cabinet, le largage des amarres sans arrangement est soutenu par le ministre des Affaires étrangères, Jeremy Hunt, son collègue de l'Intérieur, Sajid Javid, et le ministre du Commerce international, Liam Fox. Face à eux, le patronat souligne l'absence de préparatifs digne de ce nom au « no deal ». L'amateurisme criant des dispositions contre, par exemple, les embouteillages qui pourraient bloquer la frontière britannique ou les difficultés des chaînes d'approvisionnement faute d'accord avec l'UE.

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En outre, comme l'explique l'ancien directeur général de l'Organisation mondiale du commerce Pascal Lamy, « aucun pays ne va donner au Royaume-Uni, qui dispose d'un marché de 60 millions de consommateurs, les mêmes avantages qu'a l'UE, qui en a presque dix fois plus. En matière d'échanges, ce qui compte, c'est la taille ». Vu de Bruxelles, le statut OMC est le moins avantageux après le marché unique et l'union douanière, voire que celui de pays tiers comme le Canada, le Japon ou la Corée. Ruth Lea n'en a cure : « Allons-y sans solution. »

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Commentaires (17)

  • unpeudesens

    Les politiciens mettent les pays dans un drôle de pataquès. Ils mentent pour etre élus. Ils bobardisent avant et après les élections. Au bout du bout, les citoyens trinquent... Pourvu que ça dure !

  • justinien10

    Rappelons quand même que le Royaume-Uni était prospère AVANT le Brexit, et en ruines AVANT 1973 et son entrée dans l'Europe.
    Mais oublions le passé récent, et imaginons l'avenir : que va donc exporter le RU ?
    - des smartphones, des ordinateurs ?
    - des BMW, des machines-outils ?
    - du vin, du parfum, de la mode ?
    - des centrales nucléaires, des TGV ?
    - des avions, des hélicoptères ?
    - des lave-vaisselle, des télévisions ?
    Pour répondre, il faut d'abord poser une question : Vous connaissez beaucoup de ces produits «made in England» ?
    Rolls-Royce à été racheté par les allemands, Rover par les Indiens...
    Le seul avantage de la Grande-Bretagne était sa finance, qui pouvait gérer les capitaux européens. Ce ne sera plus possible...
    Le Royaume-Uni risque bien de ne pas devenir un «Hong Kong», mais une... «Argentine», un pays qui fut riche, dans le passé...

  • syrcins

    Comme dans chaque évolution "brutale" de l'économie, il y a des gagnants et des perdants, c'est une évidence... Nous en reparlerons dans quelques temps, et on verra si la situation de la Grande-Bretagne est si dramatique, enfin si ce Brexit réussi à se réaliser, car comme @Duagt l'évoque, ceux qui n'y ont pas forcément intérêt, oeuvrent contre, malgré un vote majoritairement "pour"...
    Ce vote "pour" le Brexit, de même que l'élection de Trump ont un peu été leurs "21 avril" à eux... Fallait aller voter le jour du vote les gars, plutôt que d'essayer de refaire les élections après coup...