Pénuries : l’épine dans le pied de la reprise mondiale

Pénurie d'essence à Atlanta (Etats-Unis) en mai 2021. Les prix du pétrole a augmenté de 19% entre avril et septembre 2021 ©AFP - Megan Varner
Pénurie d'essence à Atlanta (Etats-Unis) en mai 2021. Les prix du pétrole a augmenté de 19% entre avril et septembre 2021 ©AFP - Megan Varner
Pénurie d'essence à Atlanta (Etats-Unis) en mai 2021. Les prix du pétrole a augmenté de 19% entre avril et septembre 2021 ©AFP - Megan Varner
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Dans un contexte de reprise économique forte, le cours des matières premières s'envole. Faut-il y voir un rattrapage conjoncturel du niveau des prix ou les prémisses d'un "super-cycle" de raréfaction qui impacterait durablement la production mondiale?

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Depuis le début de l'année, le marché des matières premières se caractérise par une certaine envolée des cours. Le symbole paroxystique de cette situation constitue le franchissement, pour la première fois de l'histoire de la London Metal Exchange (LME), de la barre des 10 000 dollars la tonne pour les cours du cuivre et du fer en mai 2021.   

Cette plus grande volatilité et instabilité des cours des matières premières, éléments absolument structurants pour l'ensemble des secteurs qui animent l'économie mondiale, déstabilisent les marchés boursiers internationaux, les économies des pays rentiers et soulignent aussi la situation de forte dépendance à ces matériaux dans laquelle se trouve la production industrielle de la planète; alors que celle-ci se place dans une situation de reprise économique forte en 2021 et voit ses besoins en matières premières augmenter.  

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Ce que l'on est en train de vivre aujourd'hui, ce sont les secousses des asymétries liées au confinement et au déconfinement, ainsi que de la relance économique différée des pays dans le monde. Tous ces éléments ont ainsi entrainé [des mouvements de ] perturbation de tout le système logistique à l'échelle mondiale.  Elvire Fabry

Ces tensions autour des cours mondiaux ont ainsi de nombreuses conséquences sur les chaines de valeurs mondiales étant donné qu'ils entrainent une augmentation des couts de production pour les entreprises, à l'image des prix des transports maritimes - par lesquels transitent 80% des biens de consommation mondiaux - qui se sont envolés de +440% entre juillet 2020 et février 2021; situation alors largement imputable à l'instabilité et la hausse des prix des matières premières. 

Cette nouvelle donne pose alors de profondes questions autour de la nature même de cette tendance haussière. S'agit-il d'une situation conjoncturelle, alimentée par le redémarrage économique mondial après un an d'arrêt quasi complet lié au contexte sanitaire ou bien s'agit-il du reflet d'une tendance structurelle et irrémédiable, liée à des pénuries de plus en plus fortes de  matières premières? 

On assiste aujourd'hui à une généralisation de la hausse des prix d'un certain nombre de matières premières. C'est ce caractère massif qui inquiète. Pour le moment, on voit bien qu'il y a un aspect conjoncturel très fort, avec la sortie de crise et la modification de certaines politiques et de certains besoins au travers des plans de relance. Cela crée naturellement des tensions. Cependant, cette pandémie a aussi entrainé de profondes modifications des comportements économiques et de la demande, qui sont, elles, de nature beaucoup plus structurelles que temporaires.  Sarah Guillou

Alors que 30,5% des métaux précieux présentent des "risques de marchés", de par une production insuffisante et de potentielles pénuries et que la Chine occupe une place géopolitique prépondérante dans le marché des matières premières [elle consomme par exemple plus de la moitié du cuivre mondial],  l'idée d'un nouveau "super cycle" et de tensions structurelles fortes sur les marchés, qui pourraient alors durablement déstabiliser l'économie voire la sécurité mondiale, semble alors émerger. 

La transition énergétique va entrainer de nouveaux besoins en matières premières. Celle-ci est essentiellement fondée sur le passage de l'énergie majoritairement fossile à de l'énergie électrique et sur le métal. Les besoins vont donc évoluer mais vont rester très important dans les années qui viennent. Derrières certaines pénuries, il y aura nécessairement des augmentations de prix. Sylvie Matelly 

Effet rattrapage ou "super-cycle", dépendance économique ou souveraineté productive, tensions boursières ou reflet d'enjeux géostratégiques liés à la puissance chinoise, pour répondre à ces questions, nous avons le plaisir de recevoir Sylvie Matelly, Économiste et directrice adjointe de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), Sarah Guillou, Économiste, Directrice - département Innovation et concurrence de l’OFCE et Elvire Fabry, Chercheuse en charge de la politique commerciale à l'institut Jacques Delors, spécialiste de l'action extérieure de l'UE et de sa politique commerciale. 

Références sonores

* Olivier Salleron, Président de la Fédération Française du Bâtiment, BFM TV, 6 septembre 2021
https://www.bfmtv.com/immobilier/construction/le-batiment-constate-de-nouvelles-hausses-de-prix-chez-ses-fournisseurs-a-la-rentree_AN-202109060126.html

* Pénuries alimentaires et de jouets, interview du Président de Système U, Dominique Schelcher, 14 septembre 2021
https://www.europe1.fr/emissions/linterview-eco/inflation-la-rentree-2021-est-la-plus-chere-depuis-des-annees-4066545

* Le recyclage de lithium encore très rare en Europe, interview de Dieter Offenthaler, Directeur de Batrec Industrie, 5 février 2020
https://youtu.be/7bIlrGgma4w?t=391

* Témoignages de Thomas Mercier, délégué CFDT et d'Abdel, ouvrier assembleur depuis 19 ans chez Toyota Valenciennes, RFI, 13 septembre 2021
https://www.rfi.fr/fr/podcasts/reportage-france/20210912-industrie-automobile-la-p%C3%A9nurie-de-semi-conducteurs-entra%C3%AEne-du-ch%C3%B4mage-partie

Références musicales

Matière première - Tire le Coyote (2019)
https://www.youtube.com/watch?v=LjhqnHpVIUY

All I ever wanted - Yebba (2021)
https://www.youtube.com/watch?v=cFAARmBeUT8

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