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Tribune

Opinion | Plan de relance : le Conseil européen au pied du mur

La crise du Covid-19, par son impact, impose à l'Europe d'avoir une réaction très forte, montrant son unité, écrit Thierry Chopin. Le plan de relance présenté par l'UE est ambitieux. Il ne doit pas être remis en cause.

Le président du conseil européen Charles Michel , le 15 juin 2020.
Le président du conseil européen Charles Michel, le 15 juin 2020. (Francisco Seco/Pool via REUTERS)

Par Thierry Chopin (professeur de science politique à l’Université catholique de Lille, Espol)

Publié le 17 juin 2020 à 11:15

La succession des crises depuis dix ans (à l'exception du Brexit) a montré les fragilités de l'Union européenne et a accru la défiance des opinions publiques vis-à-vis de la construction européenne. La situation créée par le Covid est cependant d'une autre nature. Par sa soudaineté, son impact global et par sa portée tragique, elle impose une réaction forte des Etats membres, montrant que l'unité européenne n'est pas une fiction. Soyons clairs, ils ont échoué initialement, au moins s'agissant de la perception par les peuples et du climat de défiance qui a semblé régner entre eux. « Le climat qui semble régner entre les chefs d'Etat et de gouvernement et le manque de solidarité européenne font courir un danger mortel à l'Union européenne. Le microbe est de retour », constatait Jacques Delors fin mars.

Endettement commun

Les institutions européennes - Commission, Banque centrale européenne (BCE), Banque européenne d'investissement, Parlement européen - ont pourtant pris l'initiative dans le cadre de leurs rôles respectifs, sans attendre un consensus entre les Etats membres. Certains d'entre eux ont initialement semblé vouloir freiner ou limiter ces initiatives, limitant leur portée et leur efficacité. Mais le plan de relance, proposé par la Commission européenne et soutenu par une impulsion franco-allemande retrouvée, est ambitieux et brise deux tabous : celui des transferts financiers ; et celui d'un endettement commun. Plusieurs Etats membres ont néanmoins manifesté leur opposition à cette proposition, notamment les Etats dits « frugaux ». Politiquement, un échec des négociations alimenterait les tendances nationalistes ; sur le plan économique, la grave récession et la hausse du chômage ne peuvent se passer d'une réponse collective pour remettre l'économie sur les rails et la moderniser par la même occasion. Et compte tenu des enjeux et interdépendances commerciaux, financiers et géopolitiques, la bonne santé de tous est dans l'intérêt de chacun.

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Fondamentalement, la gouvernance européenne souffre d'un déséquilibre entre diplomaties nationales et démocratie européenne. Si les Etats se considèrent toujours comme les dépositaires de la souveraineté et les arbitres en dernier recours des décisions à prendre en période de crise, les faiblesses de la gouvernance européenne révélées par la gestion initialement calamiteuse de la crise par un Conseil européen dysfonctionnel doivent conduire à une analyse des conditions d'un leadership politique à l'échelle européenne. Si l'Union est certes une Union d'Etats, elle est aussi une communauté de citoyens et la création d'un véritable leadership européen passe nécessairement par le renforcement de l'unité du corps politique européen. Or, si la légitimité de l'action nationale des 27 leaders des Etats membres ne saurait être contestée, il en est tout autrement de leur action collective au niveau européen.

Solidarité européenne

Pour le dire autrement, l'addition de légitimités politiques nationales ne produit pas une légitimité politique européenne ; et l'addition de mandats politiques nationaux ne crée pas un mandat politique européen. Un véritable leadership politique européen suppose une légitimité populaire plus forte, fondement sur lequel il doit reposer. Ce qui est en jeu réside dans le fait de réaliser un transfert, même partiel, de la source de légitimité de l'Europe des Etats vers les citoyens.

Le Conseil européen saura-t-il faire la preuve qu'il est capable d' incarner politiquement la solidarité européenne et d'agir de manière unitaire « au nom des Européens » ? Les citoyens n'attendent pas des divisions mais une décision, c'est-à-dire un acte de souveraineté !

Thierry Chopinest professeur à l'Université catholique de Lille (Espol), conseiller spécial à l'Institut Jacques Delors.

Thierry Chopin

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