Plombée par le spectre de la récession, l'euro frôle dangereusement la parité avec le dollar

La devise européenne est passée sous le seuil de 1,01 dollar vendredi, pour la première fois depuis 2002, après être descendue jusqu'à 1,0072 un peu plus tôt. L'euro souffre des inquiétudes qui planent sur l'Union européenne quant à de possibles pénuries de gaz l'hiver prochain. En conséquence, tous les biens achetés en dollar vont coûter plus cher aux entreprises importatrices du Vieux continent.
Face à un euro pénalisé par les inquiétudes concernant l'économie des Vingt-Sept, le dollar renforce davantage son rôle de valeur refuge.
Face à un euro pénalisé par les inquiétudes concernant l'économie des Vingt-Sept, le dollar renforce davantage son rôle de valeur refuge. (Crédits : WOLFGANG RATTAY)

C'est la double peine. Alors que l'économie européenne est en proie à de sérieuses inquiétudes du fait de l'inflation record qui pourrait grimper davantage, poussée par les prix de l'énergie, elle voit sa devise se rapprocher dangereusement de la parité avec le dollar. L'euro est ainsi passé sous le seuil de 1,01 dollar ce vendredi, pour la première fois depuis 2002. Vers 10h35, la devise européenne perdait 0,49% après être descendue jusqu'à 1,0072 un peu plus tôt.

Autrement dit, la perspective d'une pénurie de gaz dans la zone euro pousse les investisseurs à délaisser la monnaie unique, ce qui fait chuter son cours. Résultat, pour l'Europe, tous les biens et services qu'elle achète à l'étranger en dollar risque de lui coûter plus cher, en plus de devoir encaisser la hausse des coûts de production pour ses entreprises.

La devise est plombée depuis plusieurs semaines par les craintes concernant une possible récession en Europe et une politique monétaire européenne plus modérée qu'aux Etats-Unis.

Aussi, la nouvelle hausse des cours du gaz, qui ont atteint jeudi un sommet en Europe depuis mars et le début de l'invasion en Ukraine, a renforcé les inquiétudes d'une pénurie sur le Vieux Continent. Ces craintes ont même poussé l'Allemagne, dépendante de la Russie pour 35% de ses importations de gaz, à activer le niveau 2, dit d' « alerte », de son plan d'urgence sur l'approvisionnement en gaz, devenu une « ressource rare », a prévenu ce jeudi le ministre de l'Economie et du Climat, Robert Habeck. Il s'agit du dernier palier avant l'organisation d'un rationnement par l'Etat, prévue dans la phase 3, afin de répartir les volumes entre particuliers, administration et industrie. La semaine dernière, le producteur Gazprom a diminué les flux via le gazoduc Nord Stream 1 de 40% puis de 33%, pénalisant lourdement l'Allemagne.

Au-delà de Berlin, c'est toute l'Europe qui pourrait devoir mettre en place un rationnement. Actuellement, les niveaux de stockage « tournent autour des 54% au niveau européen », précisait à La Tribune Phuc-Vinh Nguyen, chercheur au sein du Centre Energie de l'Institut Jacques Delors, fin juin. Un chiffre qui cache néanmoins de grandes disparités, puisqu'il s'élève à près de 98% au Portugal ou en Pologne, par exemple, contre 23% en Suède, selon les données de Gas Infrastructure Europe. Or, les Vingt-Sept cherchent à remplir dès maintenant au maximum leurs réservoirs de stockage pour pouvoir faire face à l'hiver, période plus gourmande en énergie pour les besoins de chauffage. Bruxelles avait d'abord fixé un seuil minimum à 90% de remplissage avant de se raviser et de l'abaisser à 80% face à l'ampleur du défi pour certains des Etats membres, qui comptaient jusqu'ici sur les livraisons russes pour compléter leurs réserves.

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Une inflation au plus haut

Autre sujet qui inquiète grandement le continent européen : l'inflation qui ne cesse de grimper un peu plus tous les mois. Après être monté à 7,4% en avril à 8,1% en mai, la hausse des prix atteignant 8,6% en moyenne dans la zone euro, en juin. Et si la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé un relèvement de ses taux directeurs de 25 points de base en juillet, puis une nouvelle hausse en septembre, elle hésite toutefois à les relever trop rapidement au vu des conséquences pour l'économie de la zone euro.

En effet, si un resserrement monétaire permet de freiner la consommation et donc l'inflation, il pénalise également la croissance, faisant planer le risque d'une récession en Europe. D'autant que, cette nouvelle politique peut entraîner une fragmentation des taux d'emprunt dans la zone euro pénalisant certains pays comme l'Italie qui pourrait rencontrer des difficultés à se financer. « L'euro risque de continuer de s'approcher de la parité tant que la BCE n'aura pas évoqué une mesure choc, comme une hausse de 0,50 point de pourcentage » lors de sa prochaine réunion, estime Ipek Ozkardeskaya, analyste chez SwissQuote.

Lire aussi 8 mnBCE : comment lutter contre une "fragmentation" de la zone euro ?

Seuls des chiffres très mauvais sur le front de l'emploi américain, dont le rapport mensuel sera connu ce vendredi, pourraient inverser la tendance. « Il faudrait un rapport vraiment décevant pour changer les perspectives à court terme sur les taux américains, donc le dollar ne devrait probablement pas réagir outre mesure » à la publication, explique Derek Halpenny, analyste chez MUFG. En effet, pour la Réserve fédérale américaine (Fed), « il est clair que le combat contre l'inflation prévaut sur tout », commente Guillaume Dejean, analyste chez Western Union. La fed a, elle aussi, engagé un resserrement monétaire pour lutter contre l'inflation. Début mai, elle a annoncé une hausse des taux de trois-quarts de points de pourcentage, soit la plus forte hausse depuis 1994. Cette annonce avait déjà fait grimper la valeur du dollar par rapport à l'euro. La devise européenne avait chuté à 1 euro pour 1.04 dollar, après avoir atteint 1.035 dollar.

(Avec AFP)

Commentaires 4
à écrit le 12/07/2022 à 20:01
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La stratégie de Mme Lagarde est suspendue à un fil. Il faut se décider et assumer. Temporiser me paraît vraiment une position intenable. L'heure de vérité a sonne.

à écrit le 09/07/2022 à 14:26
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Pourquoi dangereusement ? c tout bon pour l'export et l'investissement dans la zone €uro :)

à écrit le 08/07/2022 à 18:28
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Finalement le rouble vaut son pesant de matière première comme le dollar US mais l'euro qui devait protéger les européons de toutes les crises financières dont celle des subprimes en 2008 et qui n'est pas adopté pour les échanges commerciaux au se...

à écrit le 08/07/2022 à 14:19
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Dès l'introduction de l'euro celui ci c'était vautré vers 0.85... son ancêtre avait lui connu 0.70.. on paiera juste plus cher l'énergie, les matières premières, la foultitude de produits d'importation qu'on ne produit plus.. exporter plus faut pas ...

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