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Pologne : le pari politique osé de Donald Tusk

L'ancien président du Conseil européen et actuel président du Parti populaire européen fait son grand retour sur la scène politique polonaise. La route s'annonce longue et semée d'embûches pour ce politicien doué, qui risque d'apparaître rapidement comme un homme du passé.

L'ex-président du Conseil européen s'est fait ovationner à l'issue de son discours anti-Pis, samedi dernier à Varsovie.
L'ex-président du Conseil européen s'est fait ovationner à l'issue de son discours anti-Pis, samedi dernier à Varsovie. (Wojtek RADWANSKI/AFP)

Par Catherine Chatignoux

Publié le 9 juil. 2021 à 09:51

Celui que l'on appelait « l'autre Donald » lorsqu'il dirigeait le Conseil européen, en référence au président américain, partage avec son homonyme la détermination et le franc-parler. A 64 ans, après sept années passées aux plus hautes fonctions à Bruxelles, l'ex-ministre polonais et cofondateur du parti libéral Plateforme civique est de retour à Varsovie pour se jeter dans une bataille « titanesque », selon l'ancien ministre des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski. Son ambition ? Mettre un terme au pouvoir du parti Droit et justice (Pis), un parti ultra-conservateur et eurosceptique présidé par son ennemi juré, Jaroslaw Kaczynski, qui incarne selon lui « le démon ».

Devant le congrès qui l'a nommé samedi dernier vice-président, en attendant un couronnement en bonne et due forme, Donald Tusk a éreinté la politique du Pis, l'accusant de provoquer des tensions avec ses partenaires européens et d'isoler le pays sur le plan international. « Je suis ici pour en finir avec ce cauchemar et ramener la confiance dans la victoire », a-t-il lancé devant le Congrès du parti qui l'a ovationné. Quelques jours plus tard, devant la presse, il a critiqué la déclaration que le gouvernement polonais venait de signer avec de nombreux partis souverainistes et d'extrême droite européens, estimant que « la seule personne qui sabre le champagne après cette déclaration est Poutine », la Pologne ayant rejoint un « camp dont l'objectif ouvertement déclaré est d'affaiblir l'Union européenne ».

Qualités de leader

Donald Tusk n'arrive pas en terrain conquis sur la scène politique polonaise, et rien ne permet de prévoir ses chances de succès. Il va d'abord devoir reprendre les rênes d'un parti affaibli qui ne parvient pas à proposer une alternative crédible au gouvernement social-conservateur du Pis. Il ne manque pas d'atouts pour y parvenir.

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Pour Anna Materska-Sosnowska, professeure à l'université de Varsovie, « c'est un concurrent de poids, un politicien expérimenté avec des qualités de leader et tout ce qu'il faut pour emporter l'adhésion des gens ». Mais il va devoir trouver un terrain d'entente avec celui qui visait aussi le leadership du parti, le jeune maire de Varsovie Rafal Trzaskowski, qui a failli décrocher la présidence de la République lors de l'élection de juillet 2020.

Aux ordres de l'Allemagne

« Ses fonctions à la tête du Conseil européen puis à la tête du Parti populaire européen lui ont donné une aura et une stature politique auxquelles aucun autre homme politique polonais ne peut prétendre… mais ce n'est pas forcément suffisant, tempère Lukas Macek, chercheur associé à l'institut Jacques Delors. « Cela fait des années que les dirigeants du Pis le discréditent, en expliquant qu'il s'est vendu à Bruxelles, qu'il est aux ordres de l'Allemagne et qu'il ne sert pas les intérêts de la Pologne. » Quand il s'est agi de renouveler son mandat au Conseil européen au printemps 2017, le gouvernement polonais a été le seul à tenter de s'y opposer, ce qui en dit long sur la haine qu'il suscite dans les rangs du parti ultra-conservateur.

Sur le plan économique, le parti aux racines libérales aura du mal à revenir sur la généreuse politique sociale et pro-famille que son successeur a mise en place ces dernières années. Il devra d'autant plus actualiser sa stratégie économique que son gouvernement a laissé de mauvais souvenirs au début des années 2010, marquées par une réforme des retraites très impopulaire.

Un homme du passé

C'est plutôt sur le terrain des relations avec l'Union européenne et la question de l'Etat de droit que le nouveau dirigeant de l'opposition va pouvoir passer à l'offensive. Mais il va aussi devoir s'attacher à rassembler l'opposition. Le principal risque est d'apparaître comme un homme du passé, voire dépassé, s'il se replace dans une rivalité systématique avec le chef du Pis, Jaroslaw Kaczynski.

« S'il joue le rôle de mentor prêt à se mettre au service d'une nouvelle génération, cela peut marcher. Mais s'il vise le poste de Premier ministre ou de président de la République, et qu'il s'agit juste d'un retour en arrière, je suis sceptique sur ses chances de succès », juge Lukas Macek.

Les premiers signaux en provenance de l'opinion publique sont prometteurs pour cet homme combatif. Quelques jours après son retour, les sondages plaçaient Plateforme civique en deuxième position, avec 18,6 % derrière le Pis et ses alliés au gouvernement (33 %), mais devant « Pologne 2050 », un parti de centre droit qui a émergé ces dernières années. Il est dirigé par un ancien journaliste et animateur de télévision, Szimon Holownia, qui a justement misé sur une troisième voie pour en finir avec l'éternelle bataille des deux ennemis héréditaires polonais.

Catherine Chatignoux

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