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Prix du gaz : l'Europe accroît la pression sur la Norvège

Oslo promet de « réduire les prix », sans engagement concret pour l'instant. Les négociations entre l'Union européenne et le royaume scandinave, difficiles, s'intensifient. Les revenus gaziers de la Norvège ont été multipliés par huit avec la flambée des cours.

Le gaz devrait rapporter cette année 193 milliards de dollars à la Norvège, estime Rystad Energy. Soit huit fois plus qu'en 2019, dernière année «� normale » avant la pandémie.
Le gaz devrait rapporter cette année 193 milliards de dollars à la Norvège, estime Rystad Energy. Soit huit fois plus qu'en 2019, dernière année « normale » avant la pandémie. (Ole Berg-Rusten/AFP)

Par Vincent Collen

Publié le 7 oct. 2022 à 14:45Mis à jour le 7 oct. 2022 à 16:38

Combien de temps encore la Norvège vendra-t-elle son gaz à prix d'or aux Européens ? La pression des Vingt-Sept sur le royaume scandinave est de plus en plus forte, au fur et à mesure que la crise énergétique s'aggrave. Au sommet européen de Prague qui vient de s'achever, Oslo a annoncé des mesures pour « réduire les prix excessivement élevés de façon significative, à court terme et à long terme ».

Une déclaration d'intention qui reste vague. Les négociations doivent maintenant « s'intensifier » pour que la Norvège accepte de vendre son gaz à un prix plus raisonnable, a insisté la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, dans une lettre envoyée aux Etats membres.

« Il y a un truc qui ne peut pas marcher très longtemps »

« On va dire avec beaucoup d'amitié à nos amis américains, nos amis norvégiens, vous êtes super, vous nous fournissez du gaz, mais il y a un truc qui ne peut pas marcher très longtemps, c'est qu'on ne peut pas payer, nous, le gaz quatre fois plus cher que vous, vous le vendez à vos industriels », a déclaré de son côté Emmanuel Macron.

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L'immense majorité des exportations norvégiennes sont indexées sur les cours de marché européens. La Norvège a donc pleinement bénéficié de l'envolée des prix.

Thierry Bros Professeur à Sciences Po

Le gaz devrait rapporter cette année 193 milliards de dollars à la Norvège, estime le cabinet Rystad Energy, basé à Oslo. Soit huit fois plus qu'en 2019, dernière année « normale » avant la pandémie. « L'immense majorité des exportations norvégiennes sont indexées sur les cours de marché européens, ce qui n'est pas le cas d'autres producteurs comme l'Algérie . La Norvège a donc pleinement bénéficié de l'envolée des prix », explique Thierry Bros, professeur à Sciences Po.

Premier fournisseur de l'Union européenne

Le royaume est devenu le premier fournisseur de l'Union depuis l'effondrement des exportations russes. C'est donc lui qui tire le plus de bénéfices de la crise gazière, devant les producteurs de GNL comme les Etats-Unis ou le Qatar.

A première vue, le pouvoir de négociation des Européens paraît réduit. Les Vingt-Sept ont déjà demandé à la Norvège de produire au maximum, ce qui l'a obligée à extraire moins de pétrole (l'extraction des deux hydrocarbures est en partie liée). « L'Union européenne ne pourrait absolument pas se passer du gaz norvégien aujourd'hui, ce qui la place a priori dans une position de faiblesse », explique Phuc-Vinh Nguyen, de l'Institut Jacques Delors.

Impossible de réorienter les flux

« En réalité, les Européens ont de bons arguments à faire valoir pour obtenir un rabais », analyse Anne-Sophie Corbeau, chercheuse au Center on Global Energy Policy de l'université de Columbia. D'abord, l'immense majorité des exportations norvégiennes se fait par gazoduc vers l'Europe. Il est donc impossible de réorienter les flux rapidement vers d'autres acheteurs, contrairement au GNL acheminé par navire.

« La Norvège n'a en outre aucun intérêt à ce que la demande gazière s'effondre chez ses principaux clients, poursuit l'experte. Or des secteurs industriels ont déjà commencé à réduire leurs commandes car ils ne peuvent pas absorber des prix aussi élevés. La Norvège est soucieuse de l'évolution de la consommation gazière européenne à long terme pour sécuriser ses revenus ».

Intérêt stratégique et géopolitique

Enfin la Norvège, même si elle ne fait pas partie de l'UE, est liée aux Vingt-Sept par de nombreux traités commerciaux, dans le cadre de l'Association européenne de libre-échange par exemple. « Elle ne peut pas faire exactement ce qu'elle veut dans tous les domaines. Il y a un intérêt stratégique et géopolitique pour Oslo à conserver de bonnes relations avec l'Union », reprend Thierry Bros.

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Le gouvernement norvégien serait donc prêt à réduire ses prix, mais les Européens ne s'attendent pas à un rabais extraordinaire. « Il ne faut pas attendre monts et merveilles de cette négociation », prévient Phuc-Vinh Nguyen. En échange, la Norvège pourrait demander une forme d'engagement de la part de l'UE sur les volumes de gaz à livrer. C'est pourquoi Ursula von der Leyen a évoqué « un partenariat énergétique de long terme » avec Oslo.

Après le gaz, l'hydrogène

« Il est important pour les Norvégiens d'avoir de la visibilité, afin de piloter leurs investissements. Au-delà du gaz, la Norvège compte beaucoup sur l'hydrogène, qu'elle prévoit de produire massivement à un horizon plus lointain », explique Anne-Sophie Corbeau.

« Cela ne sera pas évident à mettre en place, car ce sont des sociétés privées comme le français Engie ou l'allemand E.ON qui signent les contrats avec la Norvège, pas les Etats », prévient Thierry Bros.

Vincent Collen

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