Quel bilan pour la présidence française de l'Union européenne, bouleversée par la guerre en Ukraine ?

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  • La France a assumé son leadership européen pendant six mois.
    La France a assumé son leadership européen pendant six mois. MAXPPP - Alexandre MARCHI
Publié le , mis à jour
Manuel Cudel

La présidence française de l'Union européenne, entamée le 1er janvier 2022, s'achève ce 1er juillet, avec un passage de relais à la République tchèque. Quels ont été ses succès et ses échecs ? Comment a-t-elle fait face à la guerre en Ukraine qui a bouleversé son agenda ? Notre décryptage avec Sébastien Maillard, le directeur de l'Institut Jacques-Delors.

La présidence française de l’UE, qui a pris fin aujourd’hui, a été bouleversée par la guerre en Ukraine. A-t-elle été à la hauteur de l’enjeu ?

Oui, on mesure le succès d’une présidence à sa capacité à faire avancer des dossiers législatifs complexes. Et à sa capacité de réaction face à l’inconnu. Ce fut le cas au-delà de tout scénario imaginable en Ukraine et la France a su, sous sa présidence, faire aboutir six trains de sanctions infligées à la Russie. C’était sa responsabilité et ce n’était pas donné à n’importe quel pays. Mais ce que la France a le mieux réussi a été de préserver l’unité des Vingt-Sept.

Qu’a-t-elle moins bien réussi ? Quelles ont été les limites de cette présidence ?

La taxation minimale à 15 % des multinationales est une priorité qui n’a pas pu aboutir, ils ont tout essayé, mais il y a eu un veto hongrois. Dans le tableau de chasse, c’est le trophée qui manque et il n’est pas certain que la République tchèque (à laquelle la France transmet ce 1er juillet le relais de la présidence de l’UE, Ndlr) se mobilise autant sur cette question.

La France a aussi essayé de faire avancer, sans succès, la législation immigration, l’idée de répartir les demandeurs d’asile en cas de flux intense entre pays. Le sommet du 11 mars à Versailles ne s’est, lui, pas passé du tout comme prévu. Cela devait être un sommet pour revoir notre modèle économique et c’est devenu, en raison de la guerre, celui de l’affirmation de l’autonomie stratégique européenne.

Mais l’idée qui restera aussi de cette présidence, c’est la proposition, le mai, de créer une communauté politique européenne. Il y aurait déjà un projet de premier sommet en octobre à Prague.

L’Europe a-t-elle trouvé une autre raison d’être ?

Oui, celle de s’affirmer comme une puissance dans le monde et d’assurer la paix sur le continent. C’est ce que disait Robert Schuman, "on n’a pas fait l’Europe, on a eu la guerre". L’Europe retrouve son sens originel. L’élargissement, un peu au point mort, s’est remis en branle, avec les demandes d’adhésion de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie. Cela va bouleverser l’Europe qui sera aussi beaucoup plus politique.

La guerre a également jeté une lumière crue sur le chemin qui reste à parcourir en matière de souveraineté...

Oui, la souveraineté militaire (avec une Europe de la défense en chantier, NDLR), énergétique pour ne plus dépendre autant du gaz russe, technologique avec la DSA (Digital services act) et DMA (Digital market act (DMA), qui sont à mettre au crédit de la France, pour imposer nos règles au marché numérique (et aux Gafam, NDLR), ou nos chargeurs universels. La souveraineté se décline dans de nombreux domaines.

D’autres avancées sont aussi à mettre au crédit de la France, comme l’encadrement des salaires minimums européens, même si elle avait récupéré un dossier déjà bien ficelé, la présidence slovène avait mâché le travail. Un accord a aussi été trouvé sur le paquet législatif européen pour contrer le réchauffement climatique, c’est un joli tour de force.

Dernier bon résultat dont la France peut être fière, il y aura des quotas de femmes dans les conseils d’administration des sociétés européennes.

La France avait ciblé dans ses objectifs des lois consensuelles qui passent bien dans l’opinion publique.

Pourtant, près de la moitié des Français n’arrivaient pas à déterminer en mai si cette présidence a été une réussite ou un échec…

Oui, la guerre en Ukraine a rendu l’Europe plus évidente, mais elle a aussi éclipsé avec les élections françaises, les résultats impressionnants de la présidence française.

Quels dossiers attendent la République tchèque ?

Il y aura notamment la question de l‘élargissement, mais elle hérite aussi du paquet migratoire.

Jusqu’où ira l’élargissement de l’Union européenne ?

Avec les Balkans, l’Ukraine, la Moldavie, on peut passer potentiellement de 27 à 36, mais cela ne sera pas avant longtemps. Cela donne le temps de réformer la gouvernance de l’Europe, revoir nos procédures de décision pour qu’elles soient adaptées à cette échelle en limitant notamment la règle de l’unanimité, déjà très difficile à obtenir aujourd’hui.

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