C’est le plus gros paquet législatif jamais examiné en Europe. En juillet et en décembre 2021, la Commission européenne avait présenté une vingtaine de propositions législatives afin de permettre à l’Union européenne (UE) de tenir ses objectifs climatiques : réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % à l’horizon 2030 par rapport à 1990 afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Mercredi 8 juin, le Parlement européen devait se prononcer sur huit de ces textes, qui seront ensuite examinés par le Conseil, avant un trilogue. Tour d’horizon de ces législations techniques qui dessineront la feuille de route climatique des Vingt-Sept.
La réforme du marché carbone
Les eurodéputés ont rejeté un texte-clé sur le renforcement du marché carbone européen, jugé pas assez ambitieux par la gauche et trop par les souverainistes et l’extrême droite, ce qui va entraîner une renégociation complète de ce pilier du plan climat de l’UE en commission parlementaire. Les industries les plus polluantes (production d’électricité, sidérurgie, ciment…), qui représentent 40 % des émissions de CO2 de l’UE, sont assujetties depuis 2005 au système d’échanges de quotas d’émissions (Emissions Trading System, ETS), c’est-à-dire qu’elles doivent payer pour leurs émissions. Si ce principe du pollueur-payeur a fonctionné pour le secteur de l’électricité, il n’a pas permis à l’industrie lourde de réduire ses rejets carbonés. Elle bénéficie en effet de millions de quotas gratuits (qui couvrent 94 % de ses émissions), mis en place pour éviter des délocalisations, et le prix de la tonne de CO2 est resté longtemps trop bas pour être incitatif.
La Commission, qui a inclus le secteur maritime dans l’ETS, propose de mettre le marché sous tension, en réduisant progressivement le nombre de droits à polluer et en programmant la fin progressive des quotas gratuits, afin de faire monter le prix de la tonne de CO2 − aujourd’hui à environ 80 euros. Les débats au Parlement ont porté sur l’objectif de baisse des émissions imposé aux secteurs soumis au marché carbone et la date de fin des quotas gratuits (en 2030, 2032 ou 2034). « Il faut arrêter rapidement cette subvention à la pollution », appelle Thomas Pellerin-Carlin, directeur du centre énergie de l’Institut Jacques-Delors, rappelant que ce sont l’équivalent de 90 milliards d’euros qui sont allés à l’industrie par ce biais depuis 2008.
Le texte prévoit également la création, à partir de 2026, d’un deuxième marché carbone, pour le chauffage des bâtiments et le transport routier. En pratique, cela revient à imposer aux fournisseurs de carburants, de gaz ou de fioul d’acheter des droits à polluer, un surcoût qu’ils pourraient répercuter sur la facture des ménages. Pour limiter les impacts sociaux, particulièrement dans le contexte de guerre en Ukraine et de flambée des prix, et trois ans après le conflit des « gilets jaunes », les ménages ne seront à ce stade pas intégrés à ce marché – qui concernera donc les poids lourds et les immeubles de bureau – et le prix de la tonne de CO2 sera plafonné à 50 euros.
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