Les ministres européens de l'énergie se réunissent ce vendredi 9 septembre pour tenter de mettre fin à l'explosion des cours, et la France compte bien se faire entendre. De fait, le gouvernement plaide depuis des mois pour réformer le marché de formation des prix de l'électricité sur le Vieux continent, un système « aberrant », selon le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire. L'exécutif souhaite ainsi mettre sur la table une option déjà retenue par l'Espagne et le Portugal en mai dernier : plafonner les prix du gaz afin de faire baisser les cours de l'électricité, puisque ces derniers s'ajustent mécaniquement au coût de fonctionnement des centrales à gaz, aujourd'hui très élevés.
« Cela fera partie des discussions de demain », assure-t-on au cabinet de la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher.
Mais ce n'est pas, pour l'heure, le choix privilégié par la Commission européenne : jeudi, sa présidente, Ursula von der Leyen, a présenté les cinq mesures que Bruxelles compte appuyer afin d'endiguer la flambée des cours, et une extension de cette fameuse « exception ibérique » n'en fait pas partie.
Des mesures n'entraînant pas de distorsion dans la construction du prix de l'électricité lui sont préférées, comme la ponction des profits « inattendus » des énergéticiens (en-dehors du gaz), afin de les redistribuer aux ménages et aux entreprises. En effet, un tel mécanisme ne modifierait pas le prix du mégawatteure (MWh) sur le marché au comptant, puisque le prix demandé par les centrales à gaz, et auquel s'alignent les autres moyens de production sur le marché, ne changerait pas. Il s'agirait donc plutôt de prélever a posteriori les marges dégagées par ces autres moyens de production, afin de limiter les effets des prix élevés sur les plus vulnérables.
Effets de bord
Pourtant, du côté du ministère de la Transition énergétique, on envisage justement de s'attaquer directement aux cours de l'électricité, devenus incontrôlables. Et le dispositif mis en place par l'Espagne et le Portugal le permettrait, selon le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher : « Sa vertu, c'est qu'il agit directement sur les prix de marché : les centrales à gaz qui forment le prix peuvent offrir une électricité moins chère grâce à ce mécanisme ! », défend une source interne. De fait, depuis plusieurs mois, les prix sur les marchés de gros des deux pays ont été nettement inférieurs à ceux du reste de l'Union européenne - entre 150 et 200 euros le MWh en moyenne, quand la France peine à descendre sous les 400.
Concrètement, Madrid et Lisbonne plafonnent le prix du gaz fossile à 40 euros le MWh afin d'abaisser largement le coût de fonctionnement des centrales à gaz, auquel s'ajustent les autres opérateurs (renouvelable, nucléaire ou au charbon). « Si le gaz importé en Espagne coûte 300 euros le MWh, l'Etat paie la différence entre 300 et 40 », explique Jacques Percebois, économiste et spécialiste de l'énergie. Reste qu'une extension de ce dispositif dans d'autres régions de l'Europe poserait de nombreux problèmes.
« Cela a pu être possible dans la péninsule ibérique, car elle se trouve relativement isolée du reste du continent en termes d'interconnexions. Et pourtant, des opérateurs de centrales à gaz en ont quand même réussi à vendre l'énergie subventionnée par l'Etat espagnol à prix d'or sur le marché français, afin de dégager d'importantes marges », note un connaisseur du secteur.
Incitation à consommer du gaz
Néanmoins, cet effet pervers n'est pas inévitable, selon le ministère français de l'Energie. « Le mécanisme doit être très coordonné au niveau européen, sinon ça modifiera la manière dont les flux électriques ont lieu en Europe. [...] Cela suppose que quasiment toute l'Europe s'y mette », explique-t-on au sein du cabinet d'Agnès Pannier-Runacher.
Une telle option reviendrait néanmoins à subventionner massivement l'électricité produite à partir de gaz fossile sur le Vieux continent. « Cela permet certes de réduire le prix du MWh, mais à un coût considérable. D'autant qu'en modérant la hausse du prix, on risque d'inciter à consommer toujours plus de gaz pour produire de l'électricité, et donc d'aggraver un peu plus les risques de pénurie », fait valoir Thomas Pellerin-Carlin, directeur du Centre Energie de l'Institut Jacques Delors.
Pour le chercheur, puisque l'offre risque de manquer cet été, mieux vaut faire en sorte de réduire la demande en électricité. Un point d'ailleurs retenu par la Commission européenne et qui sera, lui aussi, discuté vendredi à Bruxelles, lors du conseil extraordinaire des ministres européens de l'Énergie.
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