Le ministre français des Affaires étrangères et européennes, Stéphane Sejourné, et le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, marchent sur la place Saint-Michel, dans le centre de Kiev, le 13 janvier 2024

Le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné a effectué son premier déplacement à Kiev samedi 13 janvier 2024, ici aux côtés de son homologue ukrainien Dmytro Kuleba.

AFP

Dès les premières minutes, le ton était donné. "Cela ne vous surprendra pas, l’avènement de l’Europe puissance sera ma priorité", a lancé le tout nouveau ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, lors de sa passation de pouvoir avec Catherine Colonna. Il faut dire que Stéphane Séjourné est passé en quelques heures seulement des couloirs fonctionnels du Parlement européen aux dorures du Quai d’Orsay. Depuis octobre 2021, le désormais ex-député européen dirigeait à Bruxelles et Strasbourg le groupe parlementaire centriste, le troisième plus important de l’assemblée : 102 hommes et femmes issus de 24 pays différents. Une expérience qui le distingue de ses prédécesseurs récents, à l’exception de Michel Barnier, nommé en 2004, alors qu’il était Commissaire européen à la politique régionale.

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Le ministre de 38 ans arrive donc avec une connaissance fine des préoccupations de nos voisins et des rapports de force politiques à travers l’Union. Il venait d’ailleurs de terminer un tour des capitales pour préparer les élections européennes de juin prochain et détaillait, il y a quelques jours encore, la situation dans certaines d’entre elles devant des journalistes bruxellois : la montée des partis d’extrême-droite retenait particulièrement son attention. Comme président du groupe Renew, il orchestrait aussi les rencontres régulières des dirigeants centristes et libéraux.

Kallas, Rutte, de Croo, von der Leyen...

Ses fonctions lui ont permis de côtoyer aussi bien l’Estonienne Kaja Kallas que le Néerlandais Mark Rutte ou le Belge Alexander de Croo, dont le pays assure actuellement la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne. Elles l’ont aussi mis en contact direct avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Un carnet d’adresses à travers le continent qui va s’avérer précieux.

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Le passage par la case Strasbourg a aussi fourni à l’ancien conseiller politique d’Emmanuel Macron l’opportunité de s’imprégner de la fameuse culture européenne du compromis, aux antipodes des mœurs politiques hexagonales. Chez les 27, aucun texte n’est adopté sans l’accord de plusieurs groupes politiques. "Le groupe Renew a joué un rôle pivot pour construire des majorités pendant cette mandature, rappelle Christine Verger, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors. Pour faire avancer les dossiers législatifs ou budgétaires, Stéphane Séjourné a dû négocier en permanence avec des gens de toutes nationalités, à l’extérieur et à l’intérieur de son groupe." La famille centriste et libérale est effectivement connue pour ses personnalités fortes et parfois incontrôlables. Le nouvel occupant du Quai d’Orsay n’a aucune expérience dans la diplomatie, mais il a réussi à tenir ses troupes. "J’ai intimement le sentiment qu’il est possible de réunir tous les points de vue les plus opposés par le dialogue ainsi que par l’effort de convaincre et comprendre l’autre", a-t-il expliqué lors de sa première prise de parole à Paris.

Revivifier le triangle de Weimar

De l’avis général, Stéphane Séjourné semble plutôt doué pour les contacts interpersonnels, y compris dans ce contexte multiculturel. Au Parlement européen, malgré un anglais hésitant (mais un excellent espagnol), il jouit d’une réputation de simplicité et d’humilité rare pour un Français. "Ce n’est pas un érudit ou un grand penseur avec une vision, mais en trois minutes, il est capable d’établir un lien aussi bien avec un assistant parlementaire qu’avec un dirigeant, raconte un familier de l’institution. Une capacité qui va de pair avec un vrai sens tactique et une réelle expérience de la négociation." Des qualités dont il aura bien besoin pour faire avancer les intérêts de la France à l’étranger.

Après un premier déplacement réservé à l’Ukraine ce week-end, le nouveau patron de la diplomatie se rendra à Berlin ce dimanche et à Varsovie le lendemain afin de revivifier le Triangle de Weimar. Ce sera l’occasion de retrouver le nouveau ministre polonais de centre-droit, Radek Sikorski, qui, lui aussi, était encore assis sur les bancs du Parlement européen il y a quelques mois.

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