Alors qu’une partie de l’Europe se reconfine face à la menace de la seconde vague de coronavirus, des centaines d’Italiens, d’Espagnols, et plus récemment de Français, sont descendus dans les rues ces derniers jours pour marquer leur opposition aux nouvelles restrictions. Ces mouvements, parfois violents, remettent en cause les mesures sanitaires qu’ils jugent liberticides.

Une angoisse sociale et économique

À l’origine de cette colère ? « Une réaction face aux mesures draconiennes, à une insécurité économique et à un ressentiment social fort », note Thierry Chopin, professeur à l’Université catholique de Lille et conseiller spécial à l’Institut Jacques Delors. Alors que le premier confinement a suscité l’adhésion d’une majorité de la population, de nombreuses émotions sont venues s’ajouter les unes sur les autres.

Covid-19 : nouveaux affrontements en Espagne entre police et manifestants

« Les discours rationnels des experts et des gouvernements ont du mal à prendre en compte cette agglomération de peur, de défiance, de vulnérabilité, de ressentiment et de colère, passions politiques sur lesquels les populistes, au contraire, risquent de capitaliser », estime Thierry Chopin. « Selon les contextes nationaux, il y a un risque que se renforce ce type de protestations si la crise dure. Le facteur temps est essentiel. »

Difficile pour l’instant de voir une formation organisée de ces protestations. En Espagne, une composition hétéroclite faite de néonazis, de groupes d’extrême droite comme d’extrême gauche ou encore d’indépendantistes catalans et de commerçants est descendue manifester dans les rues. Dans certaines villes, les manifestations ont été suivies de pillages et d’actes de vandalisme.

La colère fait le lit des mouvements populistes

Mais certaines révoltes ont déjà commencé à basculer au profit de l’extrême droite. En Italie, le mouvement né le 24 octobre à Naples de petits entrepreneurs, restaurateurs et commerçants en colère contre les restrictions portées contre leurs commerces, s’est rapidement radicalisé. Dans la nuit du 27 octobre, 200 militants néofascistes du groupe Forza Nuova ont déclenché une guérilla urbaine à Rome contre les forces de l’ordre. De nouveaux affrontements ont suivi dans la semaine.

→ ANALYSE. Confinement, le petit commerce cherche les moyens de survivre

S’ils ne sont pas représentatifs d’une majorité des Italiens (64 % d’entre eux considèrent que les mesures gouvernementales sont adéquates ou trop faibles, et seulement 25 % les jugent excessives, selon un sondage SWG du 25 octobre), ils occupent tout de même le champ médiatique.

Au Royaume-Uni, Nigel Farage, l’artisan du Brexit, a déjà flairé un « marché électoral ». Lundi 2 novembre, il a annoncé la reconversion de son parti pro-Brexit en parti anticonfinement, baptisé « Reform UK ».

« Les partis d’extrême droite ont toujours été très critiques de l’action des gouvernements depuis le premier confinement. Ils fustigent leur manque de capacité à prévoir, à s’organiser. Cette critique n’a rien d’étonnant. Mais aujourd’hui on note que l’extrême droite traditionnelle est fortement alimentée par les groupuscules complotistes qui ont une facilité à propager leurs messages dans cette crise », analyse Anaïs Voy-Gillis, docteure de l’Institut Français de Géopolitique (IFG).

« On est peut-être à un moment de bascule par rapport au début de la crise », observe Thierry Chopin, qui voit dans la fermeture des frontières et dans le repli des pays sur eux-mêmes à la faveur de la crise une forme de légitimation des idées populistes qui pourrait « renforcer le discours néosouverainiste contre les autres ».