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Europe

Soupçons de corruption : Le Parlement européen frappé par un scandale désastreux pour son image

Avec l'arrestation de sa vice-présidente, la social-démocrate grecque Eva Kaili, soupçonnée de corruption par le Qatar, le Parlement européen est frappé par un scandale géant. Qui fragilise son image et celle des institutions européennes dans l'opinion.

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Eva Kaili

Eva Kaili, eurodéputée grecque et vice-présidente du Parlement de Strasbourg.

Eric VIDAL / EUROPEAN PARLIAMENT / AFP

"Qatargate". L’expression s’est imposée en quelques heures dans la bulle bruxelloise. En cause, un des plus gros scandales de corruption des dernières années. Vendredi 9 décembre, l’eurodéputée grecque et vice-présidente du Parlement européen Eva Kaili, 44 ans a été arrêtée par la police belge, en même temps que cinq autres complices, tous soupçonnés de s’être laissé graisser la patte. Les autorités ont saisi quelque 600.000 euros en liquide lors des perquisitions. Elue social-démocrate, l’Hellène aurait fait la promotion du Qatar moyennant rémunération, au moment où celui-ci, hôte du Mondial de football, était sous le feu des critiques pour ses atteintes aux droits de l’homme.

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De fait, la députée de Thessalonique a chanté les louanges du petit Etat, vantant notamment son droit du travail "progressiste". Auteur de plusieurs essais sur la pétromonarchie, dont le récent Les secrets d’une influence planétaire (Tallandier), le journaliste Christian Chesnot n’est pas surpris."Après la diplomatie de la Rolex et des petits cadeaux, on tombe dans la diplomatie de la valise. C’est la technique bien rodée du "tout s’achète ; il suffit d’y mettre le prix".  Pour les Qataris entre lobbying et corruption, la frontière est ténue. Il y a ceux qui succombent et les autres." 

"Cela jette un tel discrédit sur l'Europe et sur notre travail"

Patronne des socio-démocrates français du Parlement, Sylvie Guillaume ne décolère pas. Elle raconte qu’au cours de l’automne nombreux ont été les eurodéputés à recevoir un mail d’approche. Elle ne pensait pas que certains succomberaient. "Je suis furieuse, réagit-elle. Cela jette un tel discrédit sur l’Europe et sur notre travail. Imaginez combien le Hongrois Orban va ricaner quand on hésitera à lui accorder des fonds européens, à cause des soupçons de corruption." L’élue pointe aussi le cas de la Roumanie et la Bulgarie, pour lesquelles certains subsides sont en suspens pour le même motif. Sans compter les populistes qui déjà se frottent les mains…

Bien sûr ce n’est pas le premier scandale qui secoue le Parlement de Strasbourg, mais jusque-là il s’agissait de davantage de dérapages individuels, comme cet eurodéputé hongrois qui avait assisté à une partie fine pendant le confinement, ou cette autre vice-présidente grecque socialiste mise en cause en 2014 pour harcèlement moral. Il y avait eu aussi des affaires financières, mais jamais de cette ampleur. Conseiller spécial à l’Institut Delors, le politologue Thierry Chopin évoque "des allégations graves qui risquent d’affecter l’image du Parlement européen et plus largement de l’Union dans un contexte où la défiance des citoyens est forte vis-à-vis de l’ensemble des institutions ; cela est d’autant plus probable que, dans un pays comme la France notamment, l’Union Européenne est souvent critiquée comme étant un terrain de jeu pour les lobbyistes et autres groupes d’intérêt." 

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Jeu d'influence du Qatar et de l'Azerbaïdjan 

Ex-ministre des affaires européennes, Noëlle Lenoir, qui a été déontologue de l'Assemblée nationale, estime pour sa part que "le Parlement européen est une proie pour les lobbyistes. Mais ce ne sont plus les entreprises qui font pression, mais bien les Etats qui exercent un jeu d'influence, souvent par l'intermédiaire d'ONG et de voyages organisés par l'intermédiaire des groupes d'amitié." Il y a quelques années, la juriste avait dressé la liste des déplacements et noté que le Qatar et l'Azerbaïdjan étaient des destinations très prisées des élus de Strasbourg.

Pourtant, avec la pandémie d’abord (où a été mise en place la commande groupée de vaccins), puis avec la guerre en Ukraine (où s’est affirmée la solidarité européenne), la cote d’amour des institutions commençait à légèrement se redresser. Et même si Thierry Chopin observe que "le bilan du parlement en matière de déontologie est bien meilleur que celui de la plupart des parlements nationaux", ce 12 décembre, jour de la nouvelle session à Strasbourg, le Parlement faisait le dos rond. Tandis que les groupes politiques réclamaient davantage de transparence, et une lutte plus intense contre les ingérences étrangères, chacun s’attendait à de nouvelles révélations, la police belge ayant perquisitionné d’autres appartements d’eurodéputés et ayant inculpé un ancien élu: l’Italien Pier Antonio Panzeri désormais à la tête d’une ONG… fight (combattre) impunity.

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