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Super-profits : les propositions d’Ursula von der Leyen peuvent « vaincre les réticences d’Emmanuel Macron »

Mercredi, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a proposé la création de deux mécanismes de régulation des super-profits réalisés par les entreprises de l’énergie à la faveur de la guerre en Ukraine. Ce qui pourrait faire évoluer la position française alors qu’Emmanuel Macron avait refusé de trancher.

Lou Roméo , Mis à jour le
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors de son discours, mercredi à Strasbourg.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors de son discours, mercredi à Strasbourg. © Frederick Florin/AFP

Du nouveau sur les super-profits. Alors qu’en France, l’opposition de gauche réclame une taxation, Emmanuel Macron avait préféré déplacer le débat au niveau européen, appelant de ses vœux un « mécanisme de contribution européenne » après un échange avec le chancelier allemand Olaf Scholz. C’est chose faite : Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a proposé mercredi, lors de son discours annuel devant le Parlement européen, la création de deux mécanismes de régulation des super-profits réalisés par les entreprises de l’énergie et à même de faire évoluer le gouvernement. Il y a donc de quoi être « confiant », affirme auprès du JDD Sébastien Maillard, président de l’Institut Jacques Delors.

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« Les propositions d'Ursula von der Leyen peuvent vaincre les réticences initiales d'Emmanuel Macron, dans la mesure où elles s'appliquent à toute l’Union européenne et où les entreprises françaises ne seront pas les seules concernées », explique-t-il. 

D’une part, un mécanisme déjà présent en France

La première des propositions de la présidente de la Commission européenne rejoint de fait une mesure déjà mise en place par Emmanuel Macron, selon Cédric Philibert, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (Ifri). « Ursula von der Leyen propose de plafonner les prix de l’énergie issue du renouvelable [et du nucléaire] à 180 euros par mégawattheure. Or, Macron et son gouvernement ont déjà imposé une taxation à 100 % des renouvelables, qui va bien plus loin », note le chercheur auprès du JDD. La mesure n'apportera donc rien très nouveau en France, où les bénéfices du nucléaire, via les dividendes d’EDF, et des énergies renouvelables, reviennent déjà largement à l’État.

Lire aussi - Taxation des super-profits : ces pays européens qui ont déjà sauté le pas

Au niveau européen, le mécanisme pourrait néanmoins rapporter 117 milliards d'euros. Sur le marché de l’électricité, en effet, le prix de gros est le plus souvent aligné sur celui du gaz. Si la mesure est adoptée, l’argent perçu par les entreprises, au-delà de 180 euros par mégawattheure, sera redistribué aux États membres. Un seuil justifié par l’importante marge réalisée par des opérateurs bénéficiant d'un prix de vente élevé allié à de faibles coûts de production. 

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D’autre part, une contribution plus élevée que celle proposée par la Nupes

Le second volet des propositions, visant les énergies fossiles, apporte, lui, une nouveauté. La « contribution temporaire de solidarité » suggère de prélever 33 % des super-profits - les bénéfices supérieurs de plus de 20 % à la moyenne des années 2019-2021 - réalisés par les groupes producteurs et distributeurs de gaz, de pétrole et de charbon.

TotalEnergies a par exemple vu ses bénéfices doubler depuis l’invasion de l’Ukraine, pour atteindre 5,7 milliards d’euros au deuxième trimestre 2022. Le groupe français pourrait donc en reverser une partie, contrairement à ce qu’avait laissé entendre le gouvernement français, qui privilégiait la voie d’un mécanisme de contribution volontaire. Le niveau de prélèvement suggéré par Bruxelles dépasse même ceux proposés par la Nupes et les centristes et rejetés de peu par la majorité , souligne Cédric Philibert. Ceux-ci proposaient, par contre, de taxer également les concessionnaires d'autoroute et les sociétés de transport, des secteurs non concernés par les propositions d'Ursula von der Leyen. 

La mesure, chiffrée à environ 25 milliards d'euros, revêt un indéniable aspect symbolique. « Cela aurait tout de même été un drôle de message de taxer les énergies renouvelables et pas les énergies fossiles, souligne Sébastien Maillard. Il est important, dans le climat actuel, de montrer qu’il y a une répartition de l’effort. De telles mesures peuvent aider à calmer la colère qui monte, à soulager les consommateurs et à prévenir les mouvement sociaux qui menacent en Europe. »

140 milliards d'euros à redistribuer

Comme Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen a soigneusement évité d’employer le mot « taxe ». Une façon, explique Sébastien Maillard, de déjouer les règles européennes, car la fiscalité est une compétence des États membres et requiert l’unanimité pour être adoptée. Un consensus difficile à obtenir sur un sujet aussi sensible. La proposition de la Commission pourrait donc plutôt être adoptée à la majorité qualifiée.

Si c’est le cas, Bruxelles chiffre à « plus de 140 milliards d’euros » l’apport de ces mécanismes, à répartir ensuite entre les Vingt-Sept. Un prélèvement européen pour une répartition nationale, qui permettrait de soulager les factures d’énergies des ménages et des entreprises les plus vulnérables. 

Les États membres se réuniront à nouveau le 30 septembre pour se prononcer sur le plan d’urgence proposé par la Commission. « A priori, les propositions ont des chances d’être acceptées par la majorité des États membres. La France ne sera pas une force bloquante », espère Sébastien Maillard. Reste également à déterminer les critères de distribution de la manne financière... et à ne pas trop tarder à la mettre en place. En cas d'accord, le calendrier européen table pour le moment sur une entrée en vigueur en janvier 2023.

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