Géopolitique

Sur le bateau UE, le nouveau pacte budgétaire doit régulariser les passagers clandestins

Les 27 ministres européens de l’économie et des finances se sont accordés sur une réforme du Pacte de stabilité et de croissance, mercredi 20 décembre. Des règles plus souples doivent ramener les passagers clandestins dans les clous budgétaires.

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Les ministres français et allemand de l'Economie, Bruno Le Maire et Christian Lindner, le 10 octobre 2023.

Les ministres français et allemand de l'Economie, Bruno Le Maire et Christian Lindner, le 10 octobre 2023.

© Kay Nietfeld/ZUMA-REA

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Le corset se relâche. Dans un accord qualifié d'« historique » par Bruno Le Maire, les ministres de l’Économie et des finances de l’Union européenne se sont accordés sur une réforme des règles budgétaires en vigueur dans l’Union.

Pour la présidence espagnole du Conseil de l’UE (institution qui réunit les ministres européens), cette réforme du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) doit « garantir le redressement des finances publiques sans compromettre les investissements ».

Le PSC est un point de crispation entre les États membres de l’UE depuis sa mise en place dans les années 1990. Deux groupes de pays s’opposent sur ce sujet. D’un côté un groupe de pays menés par l’Allemagne, dits « frugaux », qui défendent un contrôle rigoureux des dépenses budgétaires. De l’autre, des pays dits « dépensiers », dont fait partie la France, moins regardant sur l’orthodoxie budgétaire.

Alors que l’on pensait un compromis quasiment impossible entre ces deux groupes, un événement a tout changé ces derniers jours : l’entente dans le couple franco-allemand. Le 19 décembre, Paris et Berlin ont annoncé être tombés d’accord sur la réforme du PSC. Une dynamique qui a mené au succès du Conseil de l’UE, le lendemain.

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Le Pacte de stabilité et de croissance est l’un des instruments de l’UE pour coordonner les politiques budgétaires des pays membres de l’UE. Il est instauré en 1997 afin de permettre, 10 ans plus tard le lancement de la monnaie unique. Il reprend les critères de Maastricht censés contrôler les dépenses budgétaires et éviter les politiques trop dépensières des membres du marché unique.

Il édicte que le déficit budgétaire ne doit pas dépasser 3 % du PIB et la dette publique 60 % du PIB. En cas de manquement à la règle, des sanctions peuvent être prononcées contre l’État fautif. Ce "corset budgétaire" est désactivé depuis 2020, pour permettre aux États de relancer leur économie ralentie par la crise du Covid-19 et la Guerre en Ukraine. Mais ces règles seront de nouveau en vigueur le 1er janvier 2024.

Une réforme semblait nécessaire, à la fois pour les frugaux et les dépensiers. Car, dans les faits, même avant la crise du Covid, ces règles budgétaires étaient régulièrement transgressées. Et l’Union européenne n’a jamais prononcé de sanction contre les fautifs. Cette situation ouvrait la voie aux passagers clandestins, que la réforme cherche à corriger.

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Le concept de passager clandestin désigne un individu ou une entité qui bénéficie d’un bien ou d’un service sans avoir à en payer le coût ou sans y contribuer équitablement. Dans le cas de l’Union européenne et de son Pacte de stabilité et de croissance, il fait référence aux pays qui ne respectent pas les règles budgétaires tout en profitant des bénéfices du marché unique et de l’union monétaire.

La réforme du PSC doit permettre à ce que « les règles [soient] être mieux respectées, ce qui a trop souvent été un problème dans le passé », selon les mots de la ministre des Finances néerlandaises, Sigrid Kaag, citée par Le Monde (les Pays-Bas font partie des pays dits « frugaux »). Comprenez : avec cette réforme plus d’excuses pour les passagers clandestins pour ne pas respecter les règles.

Pour ce faire, l’accord des 27 entend introduire de la flexibilité dans le cadre actuel. La règle des 3 % et des 60 % reste inchangée. Cependant, désormais, chaque État membre pourra présenter sa propre trajectoire d’ajustement de ces règles sur une période de quatre ans au minimum. Si les efforts de réforme budgétaire et d’investissement sont jugés efficaces par Bruxelles au bout de cette période, alors cette trajectoire d’ajustement peut être allongée à sept ans.

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Cette concession a été faite aux pays « dépensiers » comme la France. En contrepartie, l’Allemagne a demandé la présence d’un garde-fou : les pays en déficits excessifs sont contraints de les réduire de 0,5 point de PIB par an.

Ce compromis doit donc permettre aux passagers clandestins de fournir les efforts demandés, tout en gardant la main sur le rythme de réduction de leurs déficits.

En tout cas, c’est ce que propose la version du texte du Conseil de l’UE. Une version qui doit encore être négociée avec le Parlement européen, avant d’entrer en vigueur.

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fiche_ue_psc_citation.png« L’intention est de faire respecter les règles budgétaires en les rendant moins contraignantes. L’enjeu est aussi de savoir à quel point les nouvelles règles seront suivies. Car l’objectif de la réforme était aussi de se doter d’une gouvernance économique plus simple, plus crédible et de plus d’harmonie entre les États membres. »

Andreas Eisl, chercheur à l’Institut Jacques Delors, dans Ouest-France

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