Selon un sondage effectué en Italie, France, Allemagne, Suède et Espagne, la majorité des européens interrogés seraient favorables à "plus d'Europe".

Après 2001 et 2009, la Suède a récupéré pour la troisième fois la présidence tournante de l'UE pour six mois, le 1er janvier 2023. (Photo d'illustration)

L'Express

C’est la troisième présidence suédoise de l’Union européenne depuis son adhésion à l’UE en 1995. Après 2001 et 2009, Stockholm a à nouveau récupéré depuis le dimanche 1er janvier la présidence tournante de l’UE pour six mois.

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Au-delà de la compétitivité économique, ce pays qui ne fait pas partie de la zone euro a plusieurs priorités affichées : maintenir l’unité des Vingt-Sept sur l’Ukraine face à l’agression russe, alors que la Suède - ainsi que la Finlande - a déposé sa demande de candidature pour entrer dans l’Otan, le climat ainsi que la défense des "valeurs fondamentales", en réponse notamment aux mesures controversées prises par la Hongrie et la Pologne.

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Formé mi-octobre 2022, le nouveau gouvernement suédois devra d’abord, à l’amorce de cette présidence tournante, surmonter les interrogations sur l’impact de son alliance sans précédent avec les nationalistes des Démocrates de Suède (SD), grands vainqueurs des législatives de septembre 2022. Après huit ans de gauche au pouvoir, le Premier ministre conservateur Ulf Kristersson dirige une coalition composée de son parti des Modérés et ses alliés traditionnels, les Chrétiens-démocrates et des Libéraux. Mais le gouvernement repose sur une majorité parlementaire incluant aussi les SD. Si ce dernier ne mentionne plus dans son programme la sortie de l’UE, des frictions semblent inévitables, en particulier sur le dossier sensible de l’immigration.

Le peu d’expérience européenne des ministres

"Il y a beaucoup de jolis mots quand on lit l’article du Premier ministre sur les priorités de la présidence suédoise de l’UE. Mais l’inquiétude est grande quand, en pratique, ce sont les SD qui tiennent le bâton", affirme Heléne Fritzon, députée européenne des Sociaux-démocrates, désormais premier parti de l’opposition de gauche.

L’accord gouvernemental de Tidö - le château où il a été négocié - entre les quatre formations de la majorité prévoit que les SD soient informés de toutes les décisions prises par l’exécutif concernant l’Union européenne. "Mais de façon générale, les sujets UE sont exclus de cet accord", tempère Göran von Sydow, directeur de l’Institut suédois des études européennes (Sieps). Selon lui, le fait que "la plupart des ministres et leurs proches collaborateurs ont très peu d’expérience des réunions européennes" est en revanche source d’inquiétude.

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Néanmoins, comme le note Les Echos, la représentation permanente de la Suède à Bruxelles est dirigée par un diplomate chevronné, Lars Danielsson. Ce dernier a déjà coordonné la présidence tournante de 2001 depuis le secrétariat d’Etat aux Affaires européennes et connaît bien l’Allemagne, où il a été ambassadeur de 2015 à 2016, pendant la crise migratoire.

Si certains profitent de l’occasion pour mettre leur pays en pleine lumière sur le continent, la Suède a quant à elle opté pour une forme de retenue. Contrairement aux deux dernières présidences, française et tchèque, marquées par des sommets de chefs d’Etat à Versailles et à Prague, aucune grand-messe n’est prévue dans le pays nordique. Quant aux réunions ministérielles, elles se dérouleront dans un modeste centre de conférence voisin du principal aéroport de Stockholm.

Un rapport "assez distant" avec l’Europe

Sur le fond, la Suède, qui souhaite relancer des négociations d’accords de commerce international avec plusieurs pays et régions, pourrait se heurter à un calendrier défavorable et au couple franco-allemand, qui semble reprendre des couleurs dans sa quête d’une réponse commune à Washington.

La présidence suédoise coïncide en effet avec l’entrée en vigueur aux Etats-Unis de l’Inflation Reduction Act (IRA). Ce plan de 420 milliards de dollars, largement consacré au climat, revêt aussi un caractère protectionniste dénoncé avec vigueur par Emmanuel Macron lors d’un récent déplacement à Washington. Avec des aides exceptionnelles réservées aux firmes implantées outre-Atlantique, il entraînera "des distorsions de concurrence aux dépens des entreprises de l’UE" selon Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur.

"La présidence suédoise sera sans doute en porte-à-faux vis-à-vis des démarches franco-allemandes qui se préparent" en réponse au plan américain, prédit Sébastien Maillard, directeur de l’Institut Jacques Delors. "Stockholm va devoir gérer les tensions entre les Vingt-Sept sur le degré de riposte et d’agressivité" de l’UE face au plan américain, ajoute-t-il. Il souligne également que le Conseil des ministres franco-allemand, prévu le 22 janvier à Paris, pourrait envoyer un signal fort sur ce dossier. Par ailleurs, un Conseil européen extraordinaire se tiendra les 9 et 10 février à Bruxelles sur deux sujets cruciaux : la compétitivité de l’industrie et l’immigration. Pour Stockholm, ce sera l’occasion de se saisir du pacte sur la migration et l’asile proposé par la Commission européenne en septembre 2020.

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Si la ligne politique des partis suédois reste plutôt pro-européenne, l’Europe suscite un enthousiasme limité dans le pays nordique ces dernières années. Deux décennies après le "Non" au référendum sur l’adhésion à l’euro en 2003, les sondages estiment que deux Suédois sur trois rejettent la monnaie unique.

La Suède "garde un rapport assez distant avec l’Europe", observe Sébastien Maillard. Le directeur de l’Institut Jacques Delors prédit une présidence tournante qui "accomplira son devoir" mais "ne fera pas de zèle" et "n’aura pas un rôle d’impulsion".

Comme le rappelle Les Echos, le premier grand rendez-vous sera un sommet UE-Ukraine dès le 3 février. Pour la présidence suédoise, il s’agira donc de préserver l’unité des Vingt-Sept alors que l’élaboration du neuvième paquet de sanctions contre la Russie et le vote de l’aide à Kiev pour 2023 ont pris du temps à la fin de l’année 2022, parasités par d’autres dossiers sans rapport.

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