Le président français Emmanuel Macron est arrivé à la gare de Kiev jeudi 16 juin au matin, pour une visite commune avec le chancelier allemand Olaf Scholz et le chef du gouvernement italien Mario Draghi.

Le président français Emmanuel Macron est arrivé à la gare de Kiev jeudi 16 juin au matin, pour une visite commune avec le chancelier allemand Olaf Scholz et le chef du gouvernement italien Mario Draghi.

Ludovic MARIN / POOL / AFP

La photo promet d'être historique, ce jeudi 16 juin : le président français, en compagnie des premiers ministres allemand et italien, à Kiev pour soutenir un pays en guerre et son président héroïque, Volodymyr Zelensky. L'Europe historique réunie au chevet d'un peuple martyr, agressé par un régime dictatorial aux portes de l'UE. "Cette visite reste très importante, au moins en termes d'images, estime Ricardo Borges de Castro, directeur adjoint du European Policy Center. Il s'agit d'un signal majeur : malgré les approches et les sensibilités différentes, l'Europe, pleine et entière, soutient sans réserve l'Ukraine."

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Depuis plusieurs semaines, des rumeurs prévoyaient un tel déplacement d'Emmanuel Macron à Kiev : avant la campagne présidentielle, entre les deux tours, au lendemain de sa réélection, avant les législatives... Ce sera finalement avant le second tour des législatives, dimanche. "Pour le symbole, les Français souhaitaient se rendre en Ukraine aux côtés des Allemands, mais ces derniers n'étaient pas forcément les bienvenus à Kiev en raison de leurs hésitations face à la Russie, explique une diplomate allemande. L'embargo sur le pétrole russe et de nouvelles promesses de livraisons d'armes changent la donne."

Des armes et un avenir européen pour l'Ukraine

Au-delà du symbole, la France, l'Allemagne et l'Italie apportent du concret à l'Ukraine, à la veille de grandes décisions pour son avenir européen. Vendredi, la Commission rendra son avis sur l'adhésion de Kiev à l'UE, et les Vingt-Sept décideront le 23 juin de lancer ou non le processus d'intégration. "Pour un chef d'État européen, se rendre en Ukraine confère une certaine allure, pointe Sébastien Maillard, directeur de l'institut Jacques Delors. Mais il faut y aller avec un message nouveau, soit concernant la candidature de l'Ukraine à l'Union européenne, soit concernant les livraisons d'armes, soit de nouvelles sanctions contre la Russie. Les conditions doivent désormais être réunies."

Face aux attentes des autres pays européens, Paris a toujours martelé qu'Emmanuel Macron se rendrait en Ukraine uniquement à la demande de Volodymyr Zelensky et avec un objectif précis. "Le président a toujours dit qu'il se rendrait en Ukraine au bon moment, et pour lui le bon moment sera celui le plus utile au président Zelensky, soulignait un conseiller diplomatique d'Emmanuel Macron avant l'officialisation de la visite. Nous voulons être très clairs dans notre soutien à l'Ukraine et donc nous rendre sur place le moment venu. Nous devons aussi faire en sorte que le Conseil européen envoie un signal très clair à l'Ukraine, que notre position soit parfaitement cohérente et partagée avec le plus grand nombre possible de partenaires européens, afin d'envoyer un message positif et d'intérêt direct pour les Ukrainiens."

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Ce voyage intervient toutefois bien tard dans le calendrier. Les dirigeants français, allemands et italiens se rendent à Kiev quatre mois après le début de l'invasion russe, le 24 février, et surtout après des délégations venues de toute l'Europe : Roberta Metsola, Ursula Von der Leyen, Charles Michel, Boris Johnson, Pedro Sanchez, les Polonais, les Baltes, les Danois, les Finlandais... Même Justin Trudeau a fait le déplacement depuis le Canada, et Jill Biden, la Première dame américaine, depuis Washington.

L'unité fragilisée des Européens

Macron, Scholz et Draghi n'ont pas brillé par leur empressement, et leur absence en Ukraine n'est pas passée inaperçue. Ces dernières semaines, un fossé s'est creusé entre deux Europes, notamment autour de la phrase du président français estimant qu'il "ne faut pas humilier la Russie". Les Baltes et les Polonais voient dans ces propos un signe de soumission à Vladimir Poutine, quand le couple franco-allemand assure qu'une négociation avec le Kremlin reste indispensable pour mettre un terme à cette guerre.

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D'après une étude du European Council of Foreign Relations parue le 15 juin, l'écart ne cesse d'augmenter entre les Européens qui favorisent "la paix" en Ukraine, et ceux qui donnent la priorité à "la justice". Une visite pour rappeler l'objectif commun de l'Europe - soutenir l'Ukraine dans son combat contre la Russie - devenait urgente.

"Jusqu'à présent, l'unité des Européens a surpris Poutine, et les Européens eux-mêmes, mais des problèmes majeurs s'annoncent, souligne Mark Leonard, directeur du European Council on Foreign Relations et coauteur de l'étude. L'inflation, les réfugiés et la peur de l'escalade nucléaire sont autant de facteurs de divisions potentielles, mais le grand schisme sépare ceux qui désirent mettre fin à la guerre dès que possible et ceux qui veulent punir la Russie. Si le fossé entre ce 'camp de la paix' et ce 'camp de la justice' n'est pas géré correctement, il pourrait créer autant de dégâts que celui entre les créanciers et les débiteurs pendant la crise de l'euro."

Une photo de famille à Kiev pourrait être un bon début pour ressouder l'Europe.

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