Une sortie de crise politique se dessine en République tchèque
Alors que le silence autour de l'état de santé du président tchèque Miloš Zeman est jugé de plus en plus suspect, la classe politique songe à le démettre de ses fonctions pour procéder à la nomination d'un gouvernement. Le Premier ministre sortant, Andrej Babiš, reconnaît désormais sa défaite.
Un président de la république hospitalisé en urgence juste après l'annonce de l'échec de son candidat favori aux élections législatives. Un entourage qui entretient depuis le plus grand mystère sur son état de santé. Une classe politique survoltée alors qu'il relève du pouvoir du seul chef de l'Etat de désigner le responsable politique chargé de former un gouvernement. Depuis le lendemain du scrutin du 9 octobre, la République tchèque est plongée dans une crise politique digne de la guerre froide, moment plutôt surréaliste dans un pays de l'Union européenne.
En coulisses, les responsables politiques se sont activés pour sortir de l'impasse. Les présidents des deux chambres du Parlement ont décidé de démettre, au moins provisoirement, le président Miloš Zeman de ses pouvoirs. Mardi, la commission des affaires constitutionnelles du Sénat a lancé une procédure en incapacité du chef de l'Etat.
« L'état de santé actuel du président ne lui permet pas d'exercer ses fonctions, et le pronostic est qu'il est très peu probable qu'il puisse reprendre ses fonctions dans les semaines à venir », a déclaré le président de cette commission, Zdeněk Hraba, lors d'un point de presse télévisé sur la base d'un rapport de l'hôpital que le président du Sénat, Milos Vystrčil, a lui-même commandé. La chambre haute, dominée par les opposants au Premier ministre sortant Andrej Babiš, pourrait voter ce texte le 5 novembre, pour autant que les médecins de Miloš Zeman confirment, d'ici là, la gravité de son état.
Doutes sur l'authenticité du document
La chambre basse, à qui incombe aussi la responsabilité de voter le texte, devrait se réunir le 8 novembre. La convocation aurait été signée de la main même du président Zeman, selon ses proches, mais des doutes ont immédiatement surgi sur l'authenticité du document. Même sans la signature du président Zeman, cette réunion aurait eu lieu à cette date de plein droit, assurent les connaisseurs de la constitution tchèque. L'Assemblée pourra alors procéder à la nomination de son nouveau président qui, compte tenu des nouveaux équilibres politiques issus des élections des 8 et 9 octobre, sera issu des rangs de la droite.
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Ce dénouement devrait faciliter l'arrivée au pouvoir de la coalition qui a remporté le scrutin. A sa tête, Petr Fiala, qui a regroupé autour de son parti libéral conservateur - l'ODS - deux partis centristes. Il avait annoncé au soir des résultats son intention de former un gouvernement majoritaire avec l'autre alliance d'opposition du centre gauche, baptisée « Pirates et maires ». C'est donc lui qui devrait être choisi par le prochain président de la chambre basse du Parlement.
Scénario noir
Ainsi s'éloigne le scénario noir redouté par les forces démocratiques du pays qui aurait vu le premier ministre sortant, Andrej Babiš, nommé par son allié inconditionnel, le président Zeman eurosceptique et pro-russe, pour tenter de former une majorité, comme il l'avait déjà fait en 2017 et en 2018, une option qui aurait ouvert une longue période d'instabilité puisqu'aucun parti politique ne voulait gouverner avec lui.
Le leader populiste, très critiqué pour sa gestion de la crise sanitaire, s'est d'ailleurs résolu à ne pas revendiquer la victoire des élections législatives : « Andrej Babiš a multiplié les signaux ces derniers jours indiquant qu'il reconnaissait sa défaite et ne s'accrochera pas au pouvoir », explique Lukáš Macek, chercheur associé à l'Institut Jacques Delors.
Il serait même déjà en train de songer à son prochain coup politique : « Il a compris que son alliance avec un Miloš Zeman déchu et victime de son entourage pourrait lui nuire désormais. Il est probablement déjà en train de se positionner pour l'élection présidentielle qui pourrait se tenir dès l'année prochaine. Et pour cela, il doit se forger une stature d'homme d'Etat. »
Catherine Chatignoux