Le drapeau ukrainien flotte à côté du drapeau de l'Union européenne devant le siège du Parlement européen pour montrer leur soutien à l'Ukraine après l'invasion du pays par la Russie le 24 février, à Bruxelles, le 28 février 2022.

Le drapeau ukrainien flotte à côté du drapeau de l'Union européenne devant le siège du Parlement européen, à Bruxelles, pour montrer leur soutien à l'Ukraine après l'invasion du pays par la Russie, le 28 février 2022.

AFP

Un vingt-huitième membre, inenvisageable il y a une encore quelques jours, pourrait-il rejoindre l'Union européenne (UE) dans un délai record ? Une main a été tendue, dimanche 27 février, à l'Ukraine par la présidente de l'exécutif européen, Ursula von der Leyen, dans un entretien donné à Euronews. "Nous avons de nombreux sujets sur lesquels nous travaillons en étroite collaboration et, au fil du temps, ils sont des nôtres et nous voulons qu'ils soient à l'intérieur" de l'UE, a-t-elle déclaré, au sujet de ce pays brutalement assailli par son voisin russe.

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A Kiev, la réponse n'a évidemment pas tardé. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a exhorté ce lundi l'alliance continentale à intégrer son pays "sans délai", "via une nouvelle procédure spéciale", a-t-il déclaré dans une vidéo. "Je suis sûr que c'est juste. Je suis sûr que c'est possible", a affirmé l'ancien acteur, actuellement sur tous les fronts. "L'Ukraine va transmettre une demande officielle, la Commission européenne devra exprimer un avis officiel et le Conseil se prononcera", a prudemment renchéri, dans la foulée, le président du Conseil européen, Charles Michel. Symbole de l'urgence côté ukrainien, le document requis a été signé dans l'après-midi.

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Comment analyser ce rapprochement ? Sur quoi peut-il aboutir ? Eléments de réponse avec le géopoliticien Cyrille Bret, enseignant à Sciences Po Paris et chercheur associé à l'Institut Jacques Delors.

L'Express : La demande d'intégration "sans délai" formulée par l'Ukraine est-elle réaliste ?

Cyrille Bret : C'est avant tout un geste symbolique extrêmement fort, car l'Ukraine n'est pas au niveau militairement, administrativement ou même politiquement pour engager des négociations d'adhésion à l'Union européenne. Il s'agit d'un processus extrêmement long, complexe et exigeant, qui réclame des kilos de législation à assimiler, à mettre en place, sous contrôle des institutions européennes, et que l'Ukraine n'est pas capable de conduire, encore moins durant cette guerre.

Pour l'Ukraine, cette déclaration marque surtout sa volonté de se détacher de l'orbite de la Russie, afin de se rattacher à l'Europe occidentale. Ceci tient aux racines de l'identité ukrainienne et à la révolution de Maïdan en 2013-2014 sur laquelle débouche le premier conflit entre la Russie et l'Ukraine, avec l'annexion de la Crimée. A l'époque, cette crise naît du refus du pouvoir ukrainien de conclure un accord d'association et de libre-échange avec Bruxelles. Ici, l'Ukraine manifeste un peu plus son désir d'Europe, à travers une action encore plus forte, une adhésion à l'UE. Et ce, donc, même si ce n'est pas réaliste dans l'immédiat, voire catastrophique au niveau diplomatique envers des pays qui négocient de longue date leur adhésion à l'Union européenne, comme la Macédoine du Nord, la Serbie ou encore l'Albanie.

Pourquoi cette demande intervient-elle maintenant ?

A mon sens, on se trouve au maximum des tensions. Une annexion est plausible, le recours à l'arme nucléaire a été brandi... La Russie ne peut pas faire plus de mal à l'Ukraine que ce qu'elle est en train de faire aujourd'hui. En pleine bataille donc, cette demande d'adhésion souligne l'intérêt de sa présidence de protéger les Ukrainiens, leur vie, leur Etat. Elle donne également une perspective de paix durable à la population. L'Europe fait rêver des millions d'habitants. Enfin, les Européens sont par ailleurs plus que jamais mobilisés pour la défense de l'Ukraine et ne peuvent pas donc laisser cette demande sourde. C'est un moment à saisir.

Mais sans adhésion possible à l'Union européenne dans un court délai, comment contenter l'Ukraine rapidement ?

Avec un traité d'amitié qui comprend plusieurs volets : juridique, militaire, sécuritaire, douanier, commercial, par exemple. En bref : un mécanisme de solidarité très fort, mais sans la complexité ni la durée d'une adhésion à l'Union européenne. Ce qui ne serait pas une surprise finalement, et pas seulement au vu du contexte actuel, puisque l'Ukraine est le membre le plus important du Partenariat oriental, qui régit déjà les relations avec de nombreux voisins de l'UE comme la Moldavie, la Géorgie ou encore l'Arménie. Il s'agit déjà d'un outil d'influence fort entre ses mains. C'est contre ce mécanisme que Vladimir Poutine a créé de son côté l'Union économique eurasiatique (UEE).

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Il reste, quoi qu'il en soit, très important pour l'UE de réagir vite, car opposer une fin de non-recevoir à l'Ukraine serait reçu comme une trahison dans le pays, et comme un signe de faiblesse en Russie. Il y a également une compétition à ne pas sous-estimer en matière d'influence avec les Etats-Unis et l'Otan, qui demeure la plus grande alliance militaire du monde et de l'histoire de l'humanité. C'est quelque chose que ne peut offrir l'UE, malgré l'aide militaire apportée récemment.

L'Union européenne ne doit donc pas flancher, afin de protéger l'Ukraine, les Ukrainiens, et elle a une vraie carte à jouer avec la crise des réfugiés qui s'annonce, en raison de cette invasion. Les Ukrainiens doivent être extrêmement bien reçus et accompagnés par les Européens, il y va de la crédibilité de l'alliance. C'est enfin quelque chose que les Etats-Unis, eux, ne peuvent offrir.

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