Autant le petit monde européen de Bruxelles s’était inquiété de voir Marine Le Pen arriver à l’Elysée, avant l’issue de l’élection présidentielle française, autant la perspective d’imaginer Jean-Luc Mélenchon, eurosceptique revendiqué, à Matignon lui semble, à ce stade, relever de la pure politique-fiction. Vu de la capitale des institutions communautaires, ce n’est pas l’accord que La France insoumise (LFI) a signé avec Europe Ecologie-Les Verts (EELV), le Parti socialiste (PS) et le Parti communiste qui change la donne. « La singularité de notre système politique les interroge plus que la perspective de voir l’extrême gauche arriver au pouvoir ne les inquiète », résume Sébastien Maillard, directeur de l’Institut Jacques Delors.
Dans une Europe plus familière des régimes parlementaires, le modèle hexagonal – les Français ont élu Emmanuel Macron, mais pourraient ne pas lui donner de majorité au Parlement – suscite nombre de questions. « Si les ultranationalistes de gauche et de droite gagnaient une majorité à l’Assemblée nationale, la seule personne en dehors de France qui ferait la fête serait Poutine », commente néanmoins un diplomate, à titre personnel.
« Prêts à désobéir »
Même si ce scénario semble aujourd’hui hautement improbable aux partenaires de la France, une cohabitation avec la Nouvelle Union populaire écologique et sociale de Jean-Luc Mélenchon « isolerait la France au sein de l’Union européenne [UE], elle ne serait plus une roue d’entraînement », observe Sébastien Maillard. Lors des conseils des ministres européens, le gouvernement serait à la manœuvre, sur des positions souvent éloignées de celles d’Emmanuel Macron. En revanche, au Conseil européen, qui réunit les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept, le président serait aux manettes.
Au Parlement européen, l’alliance autour de LFI pose, en revanche, des questions réelles. Pas tellement chez les socialistes, qui ont obtenu six sièges à Strasbourg à l’issue des élections européennes de 2019 et pèsent peu dans le groupe des sociaux-démocrates (S&D). Ni chez les communistes, qui n’ont pas d’élu au Parlement européen. Mais au sein du groupe des Verts, où les douze Français représentent la deuxième délégation après celle de l’Allemagne.
Mercredi 4 mai au soir, les eurodéputés Verts se sont réunis à Strasbourg, pour discuter de l’accord signé entre LFI et EELV quelques jours plus tôt. Celui-ci stipule qu’il leur « faudra être prêts à désobéir à certaines règles européennes ». De quoi, en théorie, faire bondir les alliés de EELV, très attachés aux traités communautaires, et alimenter les critiques des eurodéputés macronistes, qui contestent désormais le pedigree proeuropéen des Verts français.
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