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Droit d'asile : l'Europe cherche une politique commune

Le Parlement européen va débattre du nouvel accord conclu jeudi entre les Vingt-Sept afin d’harmoniser les législations nationales.

Camille Neveux , Mis à jour le
La Cour Nationale du Droit d'Asile (CNDA) statue sur les recours contre des décisions refusant le bénéfice de l'asile rendues par l'Office Français de protection des refugies et apatrides (OFPRA) en matière d'asile.
La Cour Nationale du Droit d'Asile (CNDA) statue sur les recours contre des décisions refusant le bénéfice de l'asile rendues par l'Office Français de protection des refugies et apatrides (OFPRA) en matière d'asile. © DURAND FLORENCE/SIPA

La Commission européenne et les États membres n’en finissaient plus de débattre sur le sujet depuis 2019. Autant dire que l’accord décroché de haute lutte jeudi soir, au ­Luxembourg, par les ministres de l’Intérieur de l’Union européenne sur le pacte migration et asile était plus qu’attendu, alors que les Vingt-Sept veulent se doter d’une véritable politique en la matière avant les élections européennes de 2024. En 2022, environ 966 000 demandes d’asile ont été déposées dans l’Union européenne, contre 632 315 en 2021. Au Parlement européen désormais de trancher d’ici au mois de février.​

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Durcissement européen​

Si, à ce stade, aucune procédure d’asile européenne commune n’a été décidée, comme l’a suggéré vendredi Gérald Darmanin, le ministre français de l’Intérieur, cet ensemble de mesures consacre plusieurs nouveautés. D’abord, la mise en place aux frontières extérieures de l’Union européenne de centres de transit pour les migrants ayant peu de chances d’obtenir le statut de réfugié, comme ceux venus du Sénégal, de Tunisie ou d’Albanie, à l’exclusion des mineurs. Leurs demandes d’asile y feraient l’objet d’un examen accéléré – six mois maximum – afin de faciliter leur renvoi vers leur pays d’origine ou de transit, chaque État membre étant libre de définir quels sont les pays sûrs et quelle doit être la pertinence des liens entre le débouté et le pays de retour.

Quelque 30 000 places seront créées dans toute l’Union pour accueillir par roulement jusqu’à 120 000 personnes par an. La majorité des demandeurs, de Syrie, d’Afghanistan ou du Soudan si l’on s’en tient aux chiffres des dernières années, auront droit à une procédure ordinaire. « Il faut se réjouir qu’il y ait un accord, car le système fonctionnait jusqu’ici de manière bancale, résume Jérôme Vignon, conseiller migrations et asile à l’Institut Jacques Delors. Les Vingt-Sept se sont néanmoins entendus jeudi sur un durcissement des conditions d’accueil, une régression des droits humains garantis jusqu’ici. »​

Le paquet introduit également un mécanisme de solidarité des États membres envers les pays en première ligne, notamment ­l’Italie et la Grèce. La relocalisation de 30 000 demandeurs d’asile par an est ainsi prévue pour les soulager – la France pourrait en accueillir 4 000, l’Allemagne un peu plus. En contrepartie, ces pays, qui n’enregistraient pas toujours les candidats à l’asile arrivant sur leur sol faute de moyens ou de structures administratives suffisantes, devront faire plus d’efforts.

Les États membres qui refuseront leur « quota » d’exilés seront, eux, tenus de verser une compensation financière de 20 000 euros par personne refusée. La mesure a d’ores et déjà été jugée « inacceptable » par le Premier ministre hongrois, le nationaliste Viktor Orbán, qui a d’ailleurs voté contre cet accord jeudi.

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Les pays les plus durs

Sa position n’a rien d’étonnant. Déjà, au moment de la crise de 2015, la Hongrie ainsi que la Pologne avaient refusé de prendre des quotas de demandeurs d’asile. Ces pays figurent parmi les plus stricts au regard du nombre de réfugiés acceptés, même si la crise ukrainienne a changé la donne, la confession chrétienne des réfugiés ayant joué à plein. Près de 1 million d’Ukrainiens vivent ainsi sur le territoire polonais.

Mais le pays le plus restrictif vis-à-vis du droit d’asile en Europe reste sans aucun doute désormais le ­Danemark, pourtant dirigé par le centre gauche. La loi sur les étrangers y a été durcie 135 fois depuis 2002, avec le renvoi de déboutés vers des pays en guerre comme la Syrie, ou la confiscation des biens des candidats à l’immigration… « Les juristes s’interrogent sur la légalité de ces politiques non pas même au regard du droit européen, mais de la Convention de Genève », signale Jérôme Vignon.

Les pays bienveillants

À l’inverse, la France et l’Allemagne sont, en valeur absolue, les pays les plus accueillants, cette dernière hébergeant sur son sol 1 million de réfugiés ukrainiens et 1 million de Syriens. « Le système allemand est généreux à la fois pour accorder l’asile et pour régulariser les personnes déboutées avec une intégration par le travail, détaille Jérôme Vignon. La France, elle, est plus généreuse en matière de droits accordés aux personnes qui entrent sur son territoire. »

La demande d’asile en France est toutefois en baisse, inférieure à 11 000 dossiers mensuels sur le début de l’année 2023, selon le ministère de l’Intérieur, contrairement au dernier trimestre 2022, où elle oscillait entre 13 000 et 14 000 demandes par mois. En 2021, la France a accordé une protection à 54 379 personnes pour 121 368 demandes. L’an dernier, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides a réussi à réduire la durée d’examen des dossiers de neuf à cinq mois.​

Les pays débordés​

L’Italie est sans conteste le pays européen qui subit, depuis des années, la pression migratoire la plus importante, ce qui la conduit à appliquer les procédures européennes de manière plus ou moins discrétionnaire. Depuis 2018, date à laquelle le leader d’extrême droite Matteo Salvini s’est retrouvé à la tête du ministère de l’Intérieur, les directives sont toutefois appliquées de manière plus stricte, et le taux de reconnaissance de l’asile y est moins élevé que par le passé.

Rome a ainsi reçu 51 000 des 68 000 personnes entrant dans l’Union européenne par la mer au cours des cinq premiers mois de cette année, ce qui l’a conduite à déclarer l’état d’urgence. L’État enregistre près de 80 % des arrivées sur le territoire européen, bien plus que l’Espagne et la Grèce, qui sont les autres principaux points d’entrée par la mer Méditerranée. D’où l’importance du mécanisme de solidarité voté jeudi.

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