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A l'approche des élections européennes, les droites radicales ont le vent en poupe

A moins de six mois des élections européennes, les droites extrêmes progressent partout, ou presque. Les deux familles de la droite radicale pourraient faire jeu égal avec le groupe centriste au Parlement de Strasbourg à l'issue du scrutin de juin.

Matteo Salvini, leader de la Ligue italienne, avec Marine Le Pen le 17 septembre. Les deux groupes de la droite radicale au Parlement de Strasbourg pourraient obtenir entre 80 et 90 sièges chacun à l'issue des européennes de juin.
Matteo Salvini, leader de la Ligue italienne, avec Marine Le Pen le 17 septembre. Les deux groupes de la droite radicale au Parlement de Strasbourg pourraient obtenir entre 80 et 90 sièges chacun à l'issue des européennes de juin. (Claudio Furlan/Ap/SIPA)

Par Vincent Collen

Publié le 8 janv. 2024 à 06:30Mis à jour le 9 janv. 2024 à 09:02

Du Portugal à la Finlande, en passant par la France et les Pays-Bas, la tendance est générale. A moins de six mois des élections européennes, l'extrême droite progresse partout, ou presque, sur le Vieux Continent. Pour la première fois, les deux groupes qui représentent la droite radicale au Parlement de Strasbourg pourraient obtenir entre 80 et 90 sièges chacun, si l'on en croit la dernière compilation des sondages nationaux réalisée par Europe Elects.

Les Conservateurs et réformistes européens (CRE) comprennent les Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni, le PiS polonais ou les Espagnols de Vox. Identité et démocratie (ID) regroupe le Rassemblement national français, la Ligue de Matteo Salvini en Italie, le VVD du néerlandais Geert Wilders ou encore l'AfD allemand. Ces deux formations sont désormais au coude-à-coude avec Renew Europe, le groupe du centre dominé par les macronistes français, en perte de vitesse.

Revers en Pologne et en Espagne

« Les deux familles de l'extrême droite progressent à la fois en Europe occidentale et en Europe orientale, ce qui est nouveau, depuis environ 18 mois dans les sondages et, plus important, dans les scrutins nationaux : en Italie, aux Pays-Bas, en Finlande, en Suède, en Slovaquie… constate Gilles Ivaldi, chargé de recherche CNRS au Cevipof. Cependant je ne parlerais pas d'une vague qui donnerait l'idée d'une submersion uniforme. »

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Des exceptions notables ont marqué l'année 2023, en effet. Le PiS a perdu le pouvoir en Pologne. En Espagne, Vox, qui espérait former une coalition avec la droite modérée, a perdu des sièges lors des législatives de juillet et reste dans l'opposition. Ces deux partis demeurent puissants malgré leurs revers récents.

Autorité, sécurité, hostilité à l'immigration

Certains petits pays restent à l'écart du mouvement pour l'instant, comme l'Irlande, le Danemark ou encore la Slovénie. Mais ils pèsent peu démographiquement, au regard de la montée en puissance en Allemagne de l'AfD. Ou même par rapport à des pays de taille moyenne comme l'Autriche et la Belgique, où une forte poussée de l'extrême droite est attendue lors des élections législatives programmées en 2024.

« Il faut distinguer les deux familles de la droite radicale, estime Thierry Chopin, de l'Institut Jacques-Delors. Il y a aujourd'hui une ligne de partage géopolitique forte entre ECR, qui regroupe des formations atlantistes favorables au soutien à l'Ukraine, et ID, qui comprend des partis traditionnellement ambigus vis-à-vis de Vladimir Poutine. Mais les deux groupes convergent sur les thématiques de l'autorité, de la sécurité, de l'identité nationale et de l'hostilité à l'immigration. »

L'europhobie en sourdine

Les droites radicales sont aussi portées par « l'anxiété économique, renouvelée par l'inflation, et un sentiment de déclassement des classes moyennes », reprend Gilles Ivaldi. Plus récemment, une résistance aux mesures de protection de l'environnement a favorisé leur essor dans certains Etats, comme les Pays-Bas. Le rejet des élites traditionnelles est un autre thème porteur pour elles.

Nouveauté, beaucoup d'entre elles ont mis en sourdine leur europhobie. Il n'est plus question de « Frexit » au Rassemblement national, ni de « Nexit » pour le néerlandais Geert Wilders. La plupart des partis d'extrême droite ne remettent plus en question l'appartenance à l'euro, une revendication qu'ils portaient en étendard lors de la crise des dettes souveraines il y a dix ans. « Ces thèmes sont moins porteurs dans l'électorat, qui réalise que l'Europe a bien fonctionné pendant la crise sanitaire, ou encore face à l'invasion de l'Ukraine, décrypte Thierry Chopin. C'est la fin de l'euroscepticisme le plus dur. »

La normalisation pour accéder au pouvoir

« D'une façon générale, ils sont prêts à un gros effort de normalisation pour accéder au pouvoir », note Gilles Ivaldi. Giorgia Meloni, cheffe du gouvernement en Italie depuis octobre 2022, est un modèle plus ou moins avoué pour beaucoup. La leader des Fratelli d'Italia a surpris à Bruxelles par sa volonté de coopérer avec les autres Etats de l'Union européenne, y compris sur des dossiers ultrasensibles comme la lutte contre l'immigration illégale ou le Pacte vert européen.

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« Les partis européens de la droite radicale essaient de modérer leurs discours pour séduire un électorat plus large et se présenter comme une alternative crédible aux formations traditionnelles », explique Sam van der Staak, directeur du programme Europe pour le think tank International Idea.

Ceux qui n'ont pas suivi cette stratégie en pâtissent parfois. Ce fut le cas de Vox en Espagne. Aux législatives de juillet, le parti d'extrême droite a perdu des sièges, certains électeurs se détournant d'un programme jugé trop radical.

Influer sur la construction européenne

« Ces partis n'ont plus besoin d'être aussi radicaux sur les questions européennes parce que, d'une certaine manière, le terrain politique européen dans son ensemble s'est rapproché d'eux. Au lieu de quitter l'Europe, ils espèrent modeler le projet européen de l'intérieur », explique Sam van der Staak.

Outre l'Italie, des partis des groupes ECR ou ID participent à des coalitions gouvernementales ou les soutiennent : en Finlande, en Slovaquie, en République tchèque, en Suède… Sans parler du Fidesz de Viktor Orban, au pouvoir en Hongrie depuis 2010, qui, s'il n'est dans aucun de ces deux groupes au Parlement européen, est clairement d'extrême droite lui aussi. De quoi influer sur la dynamique de la construction européenne, à la fois au Parlement de Strasbourg et à la table du Conseil de l'UE.

Vincent Collen

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