La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le 27 juillet lors d'une conférence de presse (illustration)

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le 27 juillet lors d'une conférence de presse (illustration)

STEPHANIE LECOCQ / AFP

L'Union européenne solidaire de la France, au moins dans les mots. Cinq jours après le début de la crise diplomatique autour des sous-marins australiens, les dirigeants de l'UE ont apporté lundi leur soutien à Paris. Interrogée sur CNN, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen a jugé "inacceptable" la façon dont l'Hexagone avait été traité, tandis que le même jour le président du Conseil Charles Michel a dénoncé un "manque de loyauté" des Etats-Unis, plaidant pour un renforcement de la "capacité d'action" de l'UE sur la scène internationale.

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Dans le même temps, les ministres des Affaires étrangères des 27 leur ont emboîté le pas en marge de l'Assemblée générale de l'ONU à New York. D'après le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, ceux-ci ont ainsi fait part d'un "soutien clair" à la France, considérant qu'il ne s'agissait pas simplement d'"un sujet bilatéral" mais qu'il "affectait" toute l'UE. Pour autant, même si ces gestes amicaux sont les bienvenus pour Paris, des interrogations existent encore sur la suite à donner aux événements.

Le prochain Conseil américano-européen menacé ?

Pour l'heure, des premières incertitudes planent sur la tenue le 29 septembre prochain d'un nouveau Conseil américano-européen sur les technologies et le commerce, une instance censée coordonner les politiques mises en place dans ces deux domaines par Bruxelles et Washington. "Une date avait été prévue la semaine prochaine pour la première réunion du Conseil commun du commerce et de la technologie (EU-US Trade and Technology Council, TTC). Nous analysons l'impact de l'AUKUS (partenariat stratégique entre les Etats-Unis, l'Australie et le Royaume-Uni) sur cette date", a indiqué le porte-parole de la Commission européenne, Eric Mamer.

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"L'un des leviers à la disposition des Européens serait de le reporter, afin de montrer leur solidarité avec la France. Cela constituerait aussi un moyen de protester contre l'attitude unilatéraliste des Etats-Unis, qui avait déjà choqué un certain nombre de pays de l'UE lors du retrait d'Afghanistan", souligne à ce propos Sébastien Maillard, le directeur de l'Institut Jacques Delors. Un coup de semonce qui serait d'autant plus symbolique que la création du TTC avait été annoncée lors de la visite de Joe Biden en Europe en juin dernier. Selon un diplomate européen interrogé par l'AFP, cette idée soufflée par Paris susciterait toutefois l'hostilité des pays baltes et de l'Allemagne.

En parallèle, le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Clément Beaune, a aussi appelé ce mardi à monter au créneau concernant le traité de libre-échange entre l'UE et l'Australie, négocié par la Commission depuis 2018. "On ne peut pas faire comme si de rien n'était, nous devons ouvrir toutes les options", a-t-il déclaré lors d'une réunion ministérielle à Bruxelles. Mais là encore, suspense. "Il n'est pas du tout garanti que Bruxelles suive Paris sur ces différentes questions", prévient Yves Bertoncini, président du Mouvement Européen-France et ancien diplomate. "Les Européens sont dans leur majorité atlantistes et restent assez sceptiques vis-à-vis de l'attitude de cavalier seul qui est parfois celle de la France".

La question de l'autonomie stratégique

Cavalier seul ou pas, Clément Beaune a aussi insisté ce mardi sur la nécessité pour l'UE de renforcer son autonomie stratégique vis-à-vis de Washington, un cheval de bataille de longue date de Paris. "Nous devons, sans agressivité ou sans être contre nos alliés, être plus souverains, plus autonomes, plus capables de défendre nos intérêts, de penser par nous-mêmes, on l'a vu dans la crise afghane, on le voit dans cette tension du moment", a-t-il affirmé. De la même manière, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves le Drian avait appelé la veille au soir à "des réflexions lourdes entre Européens" face au "défaut de concertation" des Etats-Unis.

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Reste maintenant à voir l'écho que rencontreront les sollicitations françaises en la matière. "Le discours autour de l'autonomie stratégique imprime plus qu'avant en Europe, et cette affaire, comme le retrait américain d'Afghanistan y contribue. Mais les divergences entre Etats restent grandes et il est important que la France ne soit pas le seul pays à défendre cette position, car cela pourrait laisser penser qu'elle cherche surtout à défendre ses intérêts", glisse Sébastien Maillard.

A ce stade, la route semble encore longue : seule l'Allemagne a, publiquement, entrouvert la porte. "Ce qui a été décidé - et la manière dont cela a été décidé - est irritant et décevant, pas seulement pour la France", a ainsi estimé ce mardi le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas, ajoutant que "nous devons réfléchir en Europe au moyen de renforcer la souveraineté européenne". A coup sûr l'un des points chauds du sommet pour la défense européenne prévu au premier trimestre 2022, sous la présidence française.

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