À quelques semaines de reprendre les négociations formelles sur la réforme du marché européen de l’électricité après l’échec de fin juin, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, se dit « confiante » sur le respect des exigences françaises.
Contre l’envolée des prix de l’électricité en 2022 et 2023, la Commission européenne a proposé en mars dernier de réformer le cadre du marché de l’électricité qui régit la fixation des prix de gros.
Les baisses d’approvisionnements en gaz russe et en électricité issue du nucléaire français ont obligé l’appel à production d’autres sources d’énergie, carbonées et plus chères, entrainant la hausse des prix pour toute la production d’électricité, suivant le principe de « l’ordre de mérite » (merit order, en anglais).
En réponse, la Commission européenne a donc proposé que les futurs actifs de production d’électricité décarboné puissent profiter de garanties sur leurs prix de vente grâce à des contrats d’écarts compensatoires (contract for difference, CfD, en anglais), motivant ainsi leur développement.
La France a proposé en juin dernier que ces mécanismes puissent fonctionner pour les actifs nucléaires existants afin de financer une partie du programme de maintenance du parc de réacteurs français et assurer des prix régulés et moins élevés pour le consommateur.
La proposition a fait choux blanc, ralentissant l’adoption de la réforme que la Commission européenne et Paris souhataient initialement boucler avant l’hiver.
Mardi dernier (29 août), la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a donc rouvert les hostilités.
Devant un parterre de chef d’entreprise et d’industriels réunis à Paris par le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), elle a déclaré que si les négociations sur la réforme du marché européen n’aboutissait pas à une solution satisfaisante, elle activerait « des instruments relevant de la compétence exclusive des autorités françaises ».
Des propos qui n’étaient « pas clairs » selon Phuc-Vinh Nguyen, chercheur en politique énergétique auprès du think tank européen Institut Jacques Delors. Un sentiment partagé par d’autres observateurs et représentants du secteur contactés par EURACTIV.
Multiplier les types de contrats
Interrogé lundi (4 septembre) sur le sujet, l’entourage de Mme Pannier-Runacher avance que les propos de la ministre tenaient plutôt d’une volonté d’assurer aux acteurs économiques et aux Français que, outre les CfD, la puissance publique dispose de plusieurs autres leviers pour réduire la pression sur les prix de l’électricité.
« Nous souhaitons disposer de la boite à outils la plus complète possible : plafonds, régulation, offres de marché, etc. », précise le cabinet de Mme Pannier-Runacher, lors d’une rencontre organisée par l’association des journalistes de l’énergie.
Le gouvernement souhaite par exemple disposer de contrats de gré à gré pour les industriels gros consommateurs d’électricité. Ce que défend d’ailleurs le PDG d’EDF, Luc Rémont, qui souhaite financer son programme de maintenance et de prolongation de la durée de vie de ses réacteurs existants grâce aux produits de ses ventes.
« Nous estimons qu’il est intéressant d’avoir cette discussion avec EDF, et d’autres producteurs, pour partager la contrainte sur le long terme (contrats de 10 à 15 ans) et permettre ainsi de garantir une production livrée au prix le plus proche possible de son coût de production », explique le cabinet de la ministre.
Préparer la sortie de l’Arenh
La signature de contrats de long terme gré à gré pourrait aussi permettre d’offrir un cadre pour la sortie du dispositif d’ « accès régulé à l’énergie nucléaire historique » (Arenh) prévue pour le 31 décembre 2025.
L’Arenh permet, depuis 2011, aux concurrents d’EDF de disposer d’une partie de la production nucléaire à des prix avantageux afin qu’ils puissent eux-mêmes les répercuter sur leurs clients finaux. Une façon de conformer le marché français de l’électricité aux règles européennes de concurrence.
Or, pour préparer la sortie de l’Arenh, « pas besoin d’avoir tout bouclé dans le texte de la réforme du marché européen », explique l’entourage de la ministre.
Néanmoins, le risque de ce type de contrat gré à gré est qu’en cas de recours massif, EDF se retrouve en position dominante sur le marché. Une situation qui obligerait à la vigilance pour éviter tout abus au regard des règles européennes de concurrence.
Les PME concernées ?
En ce qui concerne les plus de 140 000 petites et moyennes entreprises (PME) françaises, celles-ci « ne peuvent s’engager sur des contrats d’aussi long terme » que pour les industriels gros consommateurs, rappelle le cabinet.
Le sujet pourrait d’ailleurs être abordé lors d’une réunion avec les grands fournisseurs d’électricité prévue par le ministère vendredi (8 septembre).
En d’autres termes, « il n’y a pas nécessairement besoin de CfD : il ne faut pas confondre l’objectif d’avoir un mix électrique abondamment doté avec des prix proches du coût de revient, et la technicité qui permet d’y arriver », précise le cabinet.
Reprise des négociations à Bruxelles
Mme Pannier-Runacher, elle, se dit « confiante sur nos capacités à conclure en Européens » les négociations en cours de la réforme du marché européen.
En juin, les discussions n’avaient pas abouti. L’Allemagne, le Luxembourg et l’Autriche notamment s’étaient fermement opposés à la proposition française d’intégrer des CfD sur le nucléaire existant, au motif qu’elle pourrait créer une distorsion de la concurrence sur le marché intérieur.
Les États membres partie prenante de l’ « alliance du nucléaire », comme les Pays-Bas, n’avaient pas spécialement soutenu la proposition française, tandis que les observateurs belges et italiens avaient rejoint la position allemande.
Les 27 ministres en charge de la thématique énergétique se réuniront de nouveau mi-octobre en conseil « Énergie » pour continuer les négociations.
En attendant, les discussions se poursuivent cette semaine au niveau des ambassadeurs de l’UE, confirme le cabinet de la ministre.
[Edité par Frédéric Simon]