Brexit : 5 minutes pour comprendre le dernier round des négociations

Les pourparlers sont encore dans l’impasse après un échange téléphonique très attendu entre le Premier ministre britannique et la présidente de la Commission européenne, et alors qu’un accord doit être trouvé avant le 31 décembre.

 Boris Johnson, Premier ministre britannique, et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen en janvier.
Boris Johnson, Premier ministre britannique, et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen en janvier. Reuters/Toby Melville

    À moins de 30 jours de la rupture avec le Royaume-Uni, les nouvelles négociations entamées ce dimanche pour trouver un accord post-Brexit patinent. Aveu d'échec ce lundi, après un long entretien téléphonique, Boris Johnson et Ursula von der Leyen ont reconnu que « les conditions n'étaient pas réunies » pour un accord entre Londres et Bruxelles.

    Le Premier ministre britannique et la présidente de la Commission européenne ont demandé à leurs négociateurs de préparer une « rencontre physique à Bruxelles dans les prochains jours », selon un communiqué commun. Un porte-parole de Downing Street a précisé que Boris Johnson comptait faire le déplacement. Trois points majeurs restent au cœur des crispations : la pêche, la concurrence et la gouvernance.

    Où en sont les négociations ?

    Les discussions doivent normalement arriver à leur terme. Mais après huit mois d'impasse, Britanniques et Européens, qui ont entamé dimanche deux jours de discussions supplémentaires, n'avaient toujours rien à proposer ce lundi. Et le calendrier est plus que serré : ils doivent conclure un accord avant le 31 décembre, fin de la période transitoire. « L'Union Européenne a eu une angoisse, celle de ne pas parvenir pas à un accord pour conserver les intérêts économiques et financiers des entreprises. […] Si l'on doit tenir le calendrier, c'est donc maintenant ou jamais, car n'oublions pas que les institutions européennes doivent ratifier cet accord », prévient Patrick Martin-Génier, enseignant à Sciences Po et spécialiste des questions européennes. Le Brexit devrait dans tous les cas s'inviter au sommet européen des 10-11 décembre à Bruxelles.

    Y a-t-il eu des avancées ?

    Oui, le gouvernement britannique s'est dit disposé ce lundi à renoncer aux clauses controversées d'un projet de loi remettant en cause le traité encadrant le départ du Royaume-Uni de l'Union européenne. Il s'agit d'une vraie concession à Bruxelles en pleine ligne droite des difficiles négociations sur la relation post-Brexit.

    En revanche, sur les sujets qui bloquent depuis mars, pas d'évolution visible. Selon un diplomate européen, une « zone d'atterrissage » semblait se dessiner dimanche soir sur la question de la pêche. Mais le négociateur européen, Michel Barnier, n'a « pas vraiment » constaté d'avancées ces dernières heures dans la discussion, selon Nathalie Loiseau, eurodéputée centriste. Selon elle, « il reste encore des divergences profondes, à la fois sur les conditions d'une concurrence équitable, la pêche et la gouvernance de l'accord ».

    Pourquoi n'y a-t-il pas d'évolution sur ces sujets ?

    « La pêche est le point qui symbolise la souveraineté des Britanniques », insiste Elvire Fabry, chercheuse senior à l'Institut Jacques Delors Paris. « Les deux camps sont partis avec des propositions très maximalistes : côté britannique, on ne donnera rien, et côté Union européenne, on veut tout garder », analyse-t-elle.

    Parmi les tenants d'une position très ferme, la France. Et pour cause, ces eaux sont très poissonneuses et représentent une véritable manne pour les pêcheurs français. « Mais le Royaume-Uni souhaite contrôler l'accès à ses eaux, quand la France souhaite pouvoir continuer à pêcher autant dans les eaux territoriales britanniques qu'avant », résume Catherine Mathieu, économiste au département Analyse et Prévision à l'OFCE (Observatoire Français des Conjonctures Economiques), spécialiste du Royaume-Uni et des questions européennes.

    Second point d'achoppement, l'Union Européenne ne souhaite pas voir s'installer une concurrence déloyale au sein du marché unique. Surtout si le Royaume-Uni décide, à sa sortie, de baisser sa fiscalité sur les entreprises, ou de changer ses normes environnementales. Sur ce point, rappelle Catherine Mathieu, les inquiétudes sont exagérées, tant Boris Johnson se veut à la pointe sur ces questions. « Sur cette question, le Premier ministre va plutôt dans le sens de plus de mesures. Sur les salaires également, le gouvernement conservateur a revalorisé le salaire minimum, presque au niveau de celui en France », illustre-t-elle.

    La question de l'aide publique aux entreprises est en revanche centrale, selon Elvire Fabry. « Les négociateurs veulent des garanties et un mécanisme de règlement des différends pour ne pas laisser se créer des distorsions de concurrence au sein du marché unique, si le gouvernement britannique décide de déréglementer ou s'il veut renforcer le soutien financier public aux entreprises, comme l'a laissé entendre Boris Johnson dans de récentes déclarations », affirme la chercheuse.

    Quelles sont les options qui se présentent désormais ?

    Une des pistes serait de signer un accord transitoire, à la fin de l'année, et de négocier lors du premier trimestre 2021. « Cela permettrait de gagner du temps, et de détourner l'aspect juridique », confie un expert s'exprimant anonymement. Mais ce lundi, Londres a fermé la porte à une telle option. « Nous sommes prêts à négocier tant qu'il reste du temps disponible, si nous pensons qu'un accord reste possible », a déclaré à la presse le porte-parole de Boris Johnson. Interrogé sur la possibilité d'une reprise des discussions l'année prochaine, sur la base d'un accord provisoire, il a répondu: « Je peux l'exclure ».

    Faute d'accord, les échanges entre Londres et l'UE se feront dès le 1er janvier selon les seules règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). « Cela signifie un retour des frontières et des droits de douane, qui ne sont que de l'ordre de 3 à 4 % en moyenne, mais peuvent atteindre 50 % pour certains produits agricoles. Cela pourrait être catastrophique pour certains secteurs, dont les éleveurs de moutons », note Catherine Mathieu. Reste à savoir si Boris Johnson veut s'engager dans cette voie, rassurante pour une partie de ses électeurs, mais plus que risquée économiquement en temps de pandémie. « Aujourd'hui, la question, ce n'est plus le coût économique du no-deal, mais à quel point un no-deal peut retarder la croissance », souligne Elvire Fabry.