Brexit : le Royaume-Uni pourrait-il ne pas payer la «facture», comme le veut Boris Johnson ?

Boris Johnson, favori pour succéder à Theresa May à la tête du Royaume-Uni, a prévenu qu’il pourrait refuser de payer la somme que doit son pays à l’Union européenne.

 L’ancien ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, fait la course en tête parmi la dizaine de candidats à la succession de la Première ministre Theresa May.
L’ancien ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, fait la course en tête parmi la dizaine de candidats à la succession de la Première ministre Theresa May. AFP/Tolga AKMEN

    Une ultime provocation? Boris Johnson, grandissime favori pour succéder à Theresa May à la direction du parti conservateur et donc à la tête du Royaume-Uni, a fait une nouvelle preuve de son opiniâtreté ce dimanche dans les colonnes du Sunday Times. L'ancien ministre des Affaires étrangères a déclaré qu'il menacerait de ne pas payer la facture du Brexit s'il devient Premier ministre, tant que l'Union européenne (UE) n'acceptera pas de meilleures conditions de sortie pour son pays. « Nos amis et partenaires doivent comprendre que l'argent sera conservé jusqu'à ce que nous ayons plus de clarté sur la voie à prendre », prévient-il.

    Qu'est-ce que la « facture » ?

    Le terme de « facture » désigne « le paiement dû à l'Union européenne par le Royaume-Uni pour honorer sa part des engagements financiers pris conjointement avec les autres États membres européens alors qu'il appartenait encore à l'UE », explique Eulalia Rubio, chercheuse à l'Institut Jacques Delors. Il recouvre notamment le budget communautaire pluriannuel 2014-2020, pour lequel Londres s'est déjà engagé à certaines dépenses sur six ans. « La facture » comprend également des engagements financiers à plus long terme. Par exemple, le versement des droits à la retraite des fonctionnaires européens. Enfin, « la facture » englobe les paiements résultant de la fin de l'appartenance du Royaume-Uni aux organes ou institutions de l'UE, tels que la Banque centrale européenne (BCE) ou la Banque européenne d'investissement (BEI).

    « La facture » est donc l'addition de sommes difficiles à estimer. Elle avait déjà fait l'objet d'âpres négociations entre Londres et Bruxelles. Theresa May, alors Première ministre, avait accepté dans l'accord conclu en novembre 2018, un mode de calcul du montant que devrait verser le Royaume-Uni. Aucun chiffre n'avait fuité du côté européen, mais le gouvernement britannique avait avancé une somme comprise entre 40 et 45 milliards d'euros. Problème : cet accord n'a jamais été voté par le parlement britannique, malgré trois tentatives.

    Le Royaume-Uni peut-il se soustraire au paiement de ce qu'il doit à l'UE ?

    S'il est désigné, Boris Johnson peut très bien bloquer tout paiement en direction de Bruxelles. Mais il s'expose à des conséquences désastreuses.

    S'agissant du budget communautaire pluriannuel 2014-2020, la Grande-Bretagne s'est déjà engagée. « Ils doivent donc des comptes à l'UE », prévient Florence Chaltiel-Terral, professeure de droit et rédactrice en chef de la Revue de l'Union européenne. « S'ils ne payaient pas, l'UE pourrait donc saisir la cour de justice de l'UE pour manquement. »

    Pour le reste, les traités européens, et notamment le fameux article 50 du traité de Lisbonne, ne prévoient rien. « Après, juridique et politique s'entrechoquent », souligne Florence Chaltiel-Terral. « Car l'UE aussi a moyen de faire pression sur Londres. Les économies sont tellement imbriquées que l'UE pourrait déclencher une guerre commerciale », à terme plus dangereuse pour le Royaume-Uni.

    Paris a déjà calmé les ardeurs de Boris Johnson après sa déclaration. « Ne pas honorer ses obligations de paiement, c'est un non-respect d'engagement international équivalent à un défaut sur sa dette souveraine, avec les conséquences que l'on connaît », a réagi dimanche l'entourage du président Emmanuel Macron.

    Pourquoi Boris Johnson fait-il cette déclaration ?

    Boris Johnson se positionne comme la figure de proue d'une ligne europhobe très dure. Son objectif est de contraindre les Européens à renégocier l'accord de novembre 2018 signé par Theresa May, tout en déclarant ne pas craindre une sortie sans accord de son pays. Quand bien même cette hypothèse donne des sueurs froides aux économistes.

    « Avec cette déclaration, Boris Johnson n'est pas dans un début de négociation. Il s'inscrit d'abord dans le processus pour prendre la tête du parti conservateur. Il s'adresse avant tout à son électorat, très europhobe », analyse Emmanuelle Saulnier-Cassia, professeure de droit public, spécialisée en droit de l'Union européenne à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Pressé par le très bon score du parti du Brexit du très anti-UE Nigel Farage aux élections européennes, Boris Johnson doit se présenter comme le seul capable de tordre le bras de l'UE pour l'obliger à renégocier, même si les dirigeants européens ont toujours refusé cette option.

    Mais pourront-ils continuer sur cette ligne ? « Bruxelles sera bien contraint de prendre en compte l'arrivée d'un nouveau Premier ministre britannique, prévient Emmanuelle Saulnier-Cassia. Et avec le renouvellement à la tête des instances européennes après les élections de mai dernier, toutes les cartes sont remises sur la table. Dans ce contexte, toute prospective devient presque inutile. »