Enfin ! Après plus de quatre ans de psychodrames à répétition, les Européens et Londres ont conclu, jeudi 24 décembre, un accord – environ 1 500 pages – qui régira leurs relations dès le 1er janvier 2021. « Mission accomplie, j’ai pris ma part », commente, sobrement, Michel Barnier, qui représentait les Vingt-Sept dans cette négociation « extraordinaire ». Le Français n’est pas du genre expansif, d’autant que, comme il le dit, « le Brexit, c’est perdant-perdant pour tout le monde. Je ne vais pas sauter de joie à cette perspective ».
Il n’empêche. Pour ce gaulliste social, avoir mené à terme cette mission à haut risque c’est, après quasi cinquante ans d’une vie politique bien remplie, une revanche sur tous ceux qui, y compris dans son camp, n’ont jamais cru en lui. Pour cet européen convaincu, qui a été deux fois commissaire et dont la photo de la poignée de mains entre le général de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer signant le traité de l’Elysée, en 1963, orne toujours le bureau, c’est une consécration. Au poste de « M. Brexit », « il a accédé à une reconnaissance de chef d’Etat », juge Clément Beaune, secrétaire d’Etat aux affaires européennes. Et sans conteste, il est aujourd’hui le Français avec la plus belle carrière européenne depuis Jacques Delors, qui fut dix ans président de la Commission.
Pourtant, quand le 23 juin 2016, les Britanniques ont voté pour le « Leave », personne n’imaginait assister, dans la foulée, au retour de M. Barnier. « Il y a quatre ans, si on vous parlait de Barnier, vous disiez : il est à la retraite, non ? », s’amuse un diplomate. Mais, c’est une caractéristique de l’homme, il ne lâche jamais, il rebondit toujours.
Pour relancer sa carrière, il a fallu le Brexit
A l’époque, donc, il n’était pas en haut de l’affiche, pas plus à Bruxelles qu’à Paris. Après avoir achevé son mandat de commissaire au marché intérieur et aux services financiers fin 2014, et essuyé une défaite dans la course à la présidence de la Commission, contre le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, puis s’être vu refuser par l’UMP une investiture pour les élections régionales à venir en France, M. Barnier œuvrait, depuis février 2015, comme conseiller défense de M. Juncker. « Il arpentait les couloirs, discutait avec tout le monde. Comme s’il n’avait jamais quitté Bruxelles », raconte Benoît Le Bret, son chef de cabinet quand il était commissaire à la politique régionale (1999-2004). Comme s’il attendait son heure.
Il vous reste 80.16% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.