Que cache le budget de l'Union européenne ?

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Que cache le budget de l'Union européenne ?

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Conférence de presse sur le budget de l'Union européenne, à Bruxelles, en juin 2018
Conférence de presse sur le budget de l'Union européenne, à Bruxelles, en juin 2018
© Getty - Thierry Monasse

Repères. Comme n'importe quel État, l'Union européenne dispose d'un budget propre. Entre 2014 et 2020, il était par exemple de 963 milliards d'euros. Comment cette somme est votée ? Comment le budget est-il réparti entre les 28 pays membres ?

Les détracteurs de l'Union européenne lui reprochent de coûter trop cher. Ses défenseurs considèrent, au contraire, qu'elle n'a pas les moyens de mener à bien toutes ses actions. Régulièrement, le budget de l'UE est au cœur de polémiques, ou tout du moins de débats. Entre 2014 et 2020, son budget était de 963,5 milliards d'euros, ce qui représente 1% du PIB de l'ensemble des 28 pays de l'Union européenne. Pour la période précédente, de 2007 à 2013, les pays membres s'étaient accordé sur un budget de 864 milliards d'euros. Qui décide de cette somme ? Comment sont répartis les fonds européens ? À quel pays le budget bénéficie-t-il le plus ? Décryptage.

Le vote du budget de l'UE

Le budget de l'UE est voté pour une période de sept ans. Il s'agit exactement d'un "cadre financier pluriannuel". "Ce n'est pas un budget à proprement parler, c'est un règlement qui fixe un plafond maximal à dépenser pendant sept ans et par aire d'intervention", détaille Eulalia Rubio, chercheuse Senior en affaires économiques et sociales à l’institut Jacques Delors et spécialiste du budget de l'UE.

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Une fois que la Commission a proposé un projet de budget, il revient au Conseil européen, composé des chefs d'État et de gouvernement, de le négocier et de trouver un accord politique. Chaque État défend ses propres intérêts mais un compromis doit être trouvé car le vote du budget requiert l'unanimité des 28 pays membres. Une troisième étape est ensuite nécessaire : l'approbation du Parlement européen. "Le Parlement doit dire oui ou non : il utilise ce quasi droit de veto pour essayer d’obtenir des améliorations sur l’accord obtenu par les chefs d'État, des améliorations qui ne sont pas forcément quantitatives mais pour une meilleure utilisation des crédits, une meilleure flexibilité de manière à répondre aux objectifs politiques du Parlement", explique Stéphane Saurel, professeur à l’université catholique de Louvain et spécialiste des questions européennes. Les États membres négocient le volume global du budget, sa répartition entre les différentes politiques de l'UE et les critères d'allocation.

Les discussions pour le budget 2021-2027 ont commencé le 2 mai 2018, avec les propositions de la Commission européenne et de son président Jean-Claude Juncker.
Les discussions pour le budget 2021-2027 ont commencé le 2 mai 2018, avec les propositions de la Commission européenne et de son président Jean-Claude Juncker.
© AFP - Emmanuel DUNAND

La négociation du cadre financier pluriannuel dure en général deux ans. Pour la période qui s'étend de 2014 à 2020, 39% du budget de l'UE ont par exemple été alloués à la Politique agricole commune (PAC) et 34% à la politique de cohésion. "La politique de compétitivité (recherches et investigations) représente environ 15% du budget européen, la politique extérieure (Europe dans le monde) 9%, administration 5% et 2% sont consacrés à la sécurité et à la citoyenneté", liste Eulalia Rubio.

Lors des négociations, le Conseil européen fixe uniquement la répartition par pays des deux grandes politiques de l'UE : la PAC et de la politique de cohésion. Par exemple, pour le Fonds européen de développement régional (FEDER), qui fait partie de la politique de cohésion, "chaque pays sait au milliard près ce dont il bénéficiera pendant les négociations", selon Nicolas-Jean Bréhon, économiste à la Fondation Robert Schuman. Concernant les autres dépenses de l'UE, comme dans les domaines de la recherche et des transports, "leur montant est déterminé dans le cadre financier pluriannuel et il y a ensuite des appels à projets : une compétition s'instaure de manière à ce que l'UE finance les meilleurs possibles au titre de ces projets possibles au titre de ces politiques", selon Stéphane Saurel.

Chaque année, le budget annuel est ensuite voté, au sein même de ce cadre financier pluriannuel dont les plafonds ont été fixés en amont. Le budget de l'UE est d'environ 150 milliards d'euros par an.

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Les critères de répartition

Il existe cinq fonds européens structurels et d'investissement : d'un côté, le Fonds européen régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE) et le Fonds de cohésion relevant de la politique de cohésion ; de l'autre, le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) qui font partie de la PAC. Ces fonds sont répartis en fonction de plusieurs critères, comme le Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant de chacune des régions de l'UE.

Le PIB pèse, par exemple, pour "80% dans le calcul d'attribution d'un fonds européen", mais il y a d'autres critères, comme "le taux d'emploi, le taux de chômage et la démographie", selon Stéphane Saurel, professeur à l’université catholique de Louvain et spécialiste des questions européennes. "La Commission européenne propose que l'on tienne aussi compte de critères liés par exemple à l’accueil des migrants pour la prochaine période (2021-2027)", précise-t-il. L'UE est divisée en régions pour la répartition de ces fonds, plusieurs catégories ont été établies : celles qui sont le moins développées, dont la richesse est en dessous de 75% de la moyenne européenne, celles qui sont dites en transition, dont le PIB par habitant oscille entre 75 et 90 % de la moyenne et puis les régions les plus développées, au-delà de 90 % de la moyenne.

Ces fonds structurels financent donc des projets qui "visent à financer des projets qui concourent à la convergence entre les régions européennes, c’est-à-dire de permettre aux régions qui accusent des retards de développement de converger vers la moyenne européenne", selon Stéphane Saurel. Grâce aux fonds structurels de l'UE, des pays comme l'Irlande sont passés d'un statut de pays rural à celui de "tigre irlandais", rappelle Sylvain Kahn, géographe et historien, spécialiste des questions européennes et prof à Sciences Po. "Les fonds de cohésion dont bénéficie la Hongrie représentent par exemple chaque année 4% de son PIB, c'est énorme", insiste-t-il.

Manifestation de jeunes agriculteurs dans l'Ain contre le retard de paiement de la Politique agricole commune, le 2 novembre 2016. La France est l'un des pays qui bénéficie le plus de la PAC.
Manifestation de jeunes agriculteurs dans l'Ain contre le retard de paiement de la Politique agricole commune, le 2 novembre 2016. La France est l'un des pays qui bénéficie le plus de la PAC.
© Maxppp - LAURENT THEVENOT

Les bénéficiaires du budget de l'UE

Tous les pays membres de l'UE participent au budget européen en fonction de leur richesse nationale, mais certains versent plus d'argent à l'UE qu'ils n'en reçoivent. Si l'on s'en tient seulement au montant des fonds que reçoivent les pays de l'UE, la France apparaît comme étant le premier pays bénéficiaire du budget de l'UE. En 2017, elle a en effet reçu 13,5 milliards d'euros, dont 9,1 milliards d'euros au titre de la PAC. Alors que dans les faits, la France a un solde net négatif : elle a payé 4,6 milliards d'euros de plus qu'elle n'en a reçus en 2017.

La France est en fait un pays qui fait partie de la catégorie des contributeurs nets, contrairement à la Pologne, qui est un bénéficiaire net. En 2017, la Pologne avait un solde net positif de 8,5 milliards d’euros : elle reçoit donc davantage qu'elle ne contribue au financement du budget de l'Union européenne. Dans le classement des pays de l'UE qui ont le statut de bénéficiaire net, viennent ensuite la Grèce, la Roumanie, la Hongrie, la République Tchèque et le Portugal.

Stéphane Saurel : "Il y a deux types d'État membre : les contributeurs et les bénéficiaires nets"

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Une deuxième méthode de calcul rapporte le solde net d'un pays à son PIB par habitant. Dans ce cas, ce n'est plus la Pologne, mais la Lituanie qui est le premier bénéficiaire du budget de l'UE. "Son solde net, soit la différence entre ce qu'elle paie et ce qu'elle reçoit est l'équivalent de 3% de son PIB", détaille Eulalia Rubio, chercheuse Senior en affaires économiques et sociales à l’institut Jacques Delors et spécialiste du budget de l'UE. Avec cette manière de calculer, le classement évolue : la Lituanie est suivie de la Bulgarie, de la Hongrie, de la Grèce et de l'Estonie. "Il vaut mieux calculer en pourcentage du revenu national brut, c’est-à-dire de la richesse parce qu’évidemment l’enveloppe de la Pologne est considérable mais c’est aussi un grand pays au niveau démographique", souligne Stéphane Saurel, professeur à l’université catholique de Louvain et spécialiste des questions européennes. 

Il est donc important de préciser quelle méthode de calcul est utilisée pour affirmer que tel ou tel pays est le premier bénéficiaire du budget de l'UE : la France est le premier pays bénéficiaire en termes de volume mais ne l'est pas en solde net, par exemple.

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Le contrôle du budget

Entre 2014 et 2020, la Pologne a reçu 82 milliards d'euros au titre de la politique de cohésion. Cette enveloppe va-t-elle rester la même sachant que le gouvernement polonais a été épinglé pour son respect de l'État de droit, notamment avec sa réforme controversée du système judiciaire ? "Aujourd’hui, il n’y a pas un système pour conditionner la réception de l’argent européen au respect de l’État de droit en général, il n’existe pas de mécanisme qui puisse suspendre les fonds, mais c’est en discussion", affirme Eulalia Rubio. Pour le prochain cadre financier pluriannuel (2021-2027), la Commission européenne a en effet proposé un règlement "qui vise à pouvoir suspendre le bénéfice de ses politiques dans les pays où le système judiciaire est considéré comme défaillant", selon Stéphane Saurel. Cette proposition est en cours de discussion avec les États membres et le Parlement européen. Il faudra ensuite établir des indicateurs d'évaluation, comme l'explique Sylvain Kahn, géographe et historien, spécialiste des questions européennes. Mais quels critères prendre en compte pour évaluer le respect de l'État de droit ? Si ce règlement européen n'est pas voté, les pays comme la Pologne ou la Hongrie pourront donc continuer à ne pas respecter l'État de droit dans leur pays sans être inquiété par la suspension de fonds européens.

Les contrôles qui existent actuellement portent donc sur la bonne utilisation de l'argent européen. Il s'agit de mécanismes pour contrôler que l'argent est dépensé en suivant des règles établies dans le programme budgétaire. 

Il y a parfois l'obligation de lancer un appel d'offre pour un marché public, un pays ne peut pas juste donner de l'argent à une entreprise amie pour construire une infrastructure. Eulalia Rubio, chercheuse Senior en affaires économiques et sociales à l’institut Jacques Delors

Il y a un premier contrôle national : "les autorités nationales sont censées suivre ces règles et surveiller qu’elles soient respectées", selon Eulalia Rubio. La Cour des comptes européennes intervient également chaque année dans la publication d'un rapport annuel pour vérifier que l'argent est bien dépensé.

"Si les choses n’ont pas été faites comme elles étaient censées être faites dans le projet présenté, la Commission européenne demande à être remboursée à due proportion de ce qui na pas été réalisé comme le porteur de projet s’y était engagé", rappelle Sylvain Kahn. Selon lui, des porteurs de projet en Hongrie sont dans le viseur de la Commission car "l'entourage de Viktor Orban a un peu détourné des financements européens pour faire du clientélisme".

Journal de 22h
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