Ursula von der Leyen s’est livrée à un véritable exercice d’équilibriste, mardi 6 février, en annonçant que les émissions nettes de CO2 au sein de l’Union européenne (UE) devront baisser de 90 % d’ici à 2040 par rapport à 1990. Cette nouvelle cible – en ligne avec les recommandations des scientifiques – complète l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030 et doit permettre aux Vingt-Sept d’atteindre, conformément à l’accord de Paris, la neutralité carbone en 2050.
La présidente de la Commission le sait : elle marche sur une ligne de crête. Comment inscrire dans la durée le Pacte vert européen, qui a pour vocation de lutter contre le réchauffement climatique et dont elle a jusqu’ici fait une priorité, sans braquer les oppositions et risquer, ce faisant, de lui porter un coup fatal ?
Alors que la colère agricole se fait entendre aux quatre coins du Vieux Continent, que les industriels se disent asphyxiés par un trop-plein de régulations écologiques et que de plus en plus de chefs d’Etat et de gouvernement, au premier rang desquels le Français, Emmanuel Macron, réclament une « pause » du Green Deal, l’ex-ministre d’Angela Merkel joue aussi son avenir dans cette affaire.
Ursula von der Leyen, qui souhaite briguer un second mandat à la tête de l’exécutif communautaire après les élections européennes, prévues du 6 au 9 juin, a en effet besoin du soutien des Vingt-Sept, auxquels il reviendra de nommer le prochain titulaire du poste, et du Parlement européen, qui sera consulté dans la foulée.
Message rassurant
Issue des rangs conservateurs du Parti populaire européen (PPE), elle ne peut ignorer les appels de son camp à aménager certains des soixante textes déjà adoptés (ou en passe de l’être) au nom du Pacte vert et à ne pas aller plus loin. Elle doit aussi ménager une extrême droite résolument hostile aux contraintes liées à la transition écologique, en hausse dans les sondages, et dont les voix pourraient s’avérer indispensables à sa reconduction.
Dans ce contexte politique à hauts risques, la Commission a fait le choix d’accompagner la présentation de la nouvelle cible 2040 d’un message politique destiné à en minimiser l’ambition. Elle part en effet du constat que, « dans un cadre politique inchangé, les émissions nettes théoriques de gaz à effet de serre reculeraient de 88 % par rapport à 1990 ».
Le message se veut rassurant : les mesures actées pour atteindre l’objectif 2030 – fin du moteur thermique pour les voitures, réforme du marché du carbone, mise en place d’une taxe carbone aux frontières, inscription dans la loi d’objectifs ambitieux en matière d’énergies renouvelables ou d’efficacité énergétique des bâtiments, lutte contre la déforestation importée… – suffisent presque. Rien n’obligerait donc l’UE à adopter un nouveau train législatif pour atteindre la cible 2040.
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