Partager
Europe

Comment Rome sape les ambitions de Macron pour l’Europe

La tendance eurosceptique qui règne en Italie va durcir les relations avec Bruxelles et ralentir les projets voulus par le couple franco-allemand.

réagir
Sergio Mattarella, à Rome, le 27 mars. Malgré la médiation du président de la République, la classe politique italienne est dans l’impasse depuis les élections du 4 mars : le M5S et la coalition de droite ne parviennent pas à un accord pour former un gouvernement.

Sergio Mattarella, à Rome, le 27 mars. Malgré la médiation du président de la République, la classe politique italienne est dans l’impasse depuis les élections du 4 mars : le M5S et la coalition de droite ne parviennent pas à un accord pour former un gouvernement.

Silvia Lore/Nurphoto/AFP

Malgré les efforts du président de la République Sergio Mattarella, l’Italie peine à se trouver un gouvernement, face à un avenir politique semé d’incertitudes. Et pour cause : les législatives du 4 mars ont brouillé les pistes et glacé Bruxelles. Ce jour-là, un électeur sur deux a voté pour un des partis qui considère l’Union européenne comme responsable des malheurs de la Péninsule. Le mouvement populiste anti-système Cinq étoiles (M5S) a recueilli 32 % des voix, le parti d’extrême droite, la Ligue, 18 %.

La crise migratoire explique en partie le désenchantement de nos voisins. Seuls aux manettes pour gérer l’afflux de près de 700 000 migrants sur leurs côtes en cinq ans, ils ont le sentiment d’avoir été abandonnés par leurs partenaires. La stagnation qui plombe l’économie depuis une décennie, la progression de la pauvreté et le chômage endémique chez les jeunes ont achevé de les décourager. Résultat, la cote d’amour pour l’Union européenne ne cesse de dégringoler (voir graphique). Leader de la Ligue, Matteo Salvini, n’a eu qu’à souffler sur les braises : ouvertement europhobe, il a fait campagne pour en finir avec l’euro - qui « fut une erreur ». Il réclame une révision des traités et affiche sa proximité avec les pays souverainistes du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie). Grand défenseur du Brexit, l’eurodéputé britannique Nigel Farage sabre déjà le champagne. Pour lui, ces élections marquent « un pas important » vers un nouveau divorce.

Des priorités économiques…

Europhobes les Italiens ? Sébastien Maillard assure que non. Directeur de l’Institut Jacques Delors et ancien journaliste à Rome, il préfère parler d’« un vote de déception ». A l’appui de cette thèse, la position ambiguë du M5S, arrivé premier parti aux législatives. En 2016, son fondateur, l’humoriste Bepe Grillo, avait applaudi le Brexit et réclamé un référendum sur la sortie de l’euro. Mais au fur et à mesure que sa formation progressait dans les sondages, ces thèses se sont adoucies. Certes, le parti siège dans l’hémicycle de Strasbourg dans le même groupe que celui de Nigel Farage (ELDD), mais, tempère le politologue à l’université de Rome, Giampiero Gramaglia, « en faisant preuve d’une grande autonomie vis-à-vis des brexiters ». Selon la presse italienne, il serait même tenté par un rapprochement avec le mouvement LREM, après avoir échoué l’an dernier à rejoindre le groupe des Libéraux.

… opposées à Masstricht

Dans ce contexte, l’Europe pourrait tout simplement « ne pas être la priorité des futurs dirigeants italiens », analyse Piergiorgio Corbetta, professeur à la Fondation de recherche Cattaneo de Bologne. M5S et Ligue choisiraient de s’atteler aux dossiers intérieurs, avec deux priorités : baisse des impôts et instauration d’une flat tax pour la Ligue, création d’un revenu de citoyenneté en faveur des plus démunis pour M5S. Autant d’options économiques peu compatibles avec les critères de Maastricht…

Du coup, les choix futurs du Palais Chigi, le Matignon italien, risquent de plomber le nouvel élan voulu par Paris et Berlin, et les élections européennes de mai 2019. D’autant que l’on ignore si le très europhile Parti démocrate, laminé par le vote du 4 mars dernier, participera ou non à une coalition pour rassurer Bruxelles. « Au moment où le couple franco-allemand peut reprendre pied, il sera difficile de compter sur l’Italie », se désole Sébastien Maillard. Tandis que les tractations se poursuivent à Rome, ni lui ni aucun expert ne saurait dire si l’Italie, pays fondateur enthousiaste de l’Europe unie sera désormais un frein ou un simple poids mort pour Bruxelles.

Catherine Dabadie (à Rome)

 

Des banques sauvées… au prix fort

Les finances publiques viennent de se rappeler au bon souvenir des Italiens. Le déficit, que l’on croyait maîtrisé à 1,9 % du PIB en 2017, a été revu à la hausse, à 2,3 %, par l’Institut des statistiques. En cause : le sauvetage de plusieurs banques en difficulté - parmi lesquelles la mythique Monte dei Paschi di Siena -, qui menaçaient de s’écrouler sous le poids de leurs créances douteuses. Si le coût de cette intervention est élevé pour le contribuable, il a permis aux établissements d’entamer le redressement de leurs bilans. De quoi soulager Bruxelles et Francfort : 30 % des prêts douteux de la zone euro proviennent de la péninsule. Demeure une inconnue, de taille : la politique budgétaire conduite par le futur gouvernement.

SOURCE : INSTITUT JACQUES DELORS.

La cote d’amour pour l’Union européenne ne cesse de dégringoler.

Commenter Commenter

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite TOUT savoir de l’actualité et je veux recevoir chaque alerte

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Entreprise
Politique
Économie
Automobile
Monde
Je ne souhaite plus recevoir de notifications