« Communauté politique européenne » : comment Macron s’est inspiré d’une idée de Mitterrand

Lancé en 1989 dans la foulée de la chute du mur de Berlin, le projet d’une confédération politique européenne avait fait long feu. Trente ans plus tard, l’idée renaît de ses cendres, portée par la guerre en Ukraine et le casse-tête du processus d’élargissement de l’Union européenne.

Emmanuel Macron a proposé lundi la mise en place d’une « communauté politique européenne », qui offrirait aux pays désireux de rejoindre l’Union européenne « une autre forme de coopération ».
Emmanuel Macron a proposé lundi la mise en place d’une « communauté politique européenne », qui offrirait aux pays désireux de rejoindre l’Union européenne « une autre forme de coopération ». (AFP)

Le projet a ressurgi au détour d’un discours du président français. Emmanuel Macron a proposé lundi la mise en place d’une « communauté politique européenne », qui offrirait aux pays désireux de rejoindre l’Union européenne « une autre forme de coopération ». Ce nouvel ensemble, aux contours encore flous, permettrait notamment « aux nations européennes démocratiques adhérant à notre socle de valeurs, de trouver un nouvel espace de coopération politique, de sécurité ».

L’idée est loin d’être inédite. Elle s’inspire ouvertement de celle émise en 1989 par un autre président français, François Mitterrand, qui avait, juste après la chute du mur de Berlin, émis le souhait de réunir tous les pays du continent européen au sein d’une confédération. Cette initiative, qui avait été pourtant bien accueillie dans un premier temps, ne verra finalement jamais le jour.

Des limites

« L’idée de François Mitterrand était très bonne mais elle contenait deux bugs : il y avait la Russie dedans - là, il s’agit de créer un camp alternatif à Moscou - et la proposition était arrivée trop tôt, il n’y avait pas encore eu la réunification allemande », analyse rétrospectivement l’ancien président du Conseil italien, Enrico Letta.

Par ailleurs, « les pays concernés avaient une double obsession, celle de l’adhésion à l’Otan et celle à l’Union européenne. Et cette idée ne leur avait pas semblé assez dense et formelle », abonde Christine Verger, vice-présidente de l’institut Jacques Delors.

Plus de trente ans après, la nouvelle proposition se veut cette fois-ci plus transparente : rejoindre cette nouvelle communauté « ne préjugerait » en aucun cas « d’une adhésion future à l’UE », a insisté Emmanuel Macron. « Comme elle ne serait pas non plus fermée à ceux qui ont quitté cette dernière ».

Faciliter l’intégration

Parmi les pays appelés à la rejoindre, l’Ukraine mais aussi des pays peu avancés sur la voie de l’adhésion, comme la Bosnie-Herzégovine, qui pourrait ne pas intégrer le bloc avant des décennies, a-t-il ajouté. Le processus d’adhésion à l’UE fait effectivement figure de chemin de croix pour les pays candidats qui doivent s’armer de patience avant de remplir les critères requis.

À l’heure actuelle, cinq pays (Albanie, Macédoine du Nord, Monténégro, Serbie, Turquie) sont officiellement candidats pour rejoindre le bloc. La Bosnie-Herzégovine et le Kosovo sont, eux, des candidats potentiels. Ils ont été rejoints par l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie, qui ont déposé des demandes d’adhésion dans la foulée de l’offensive militaire russe en Ukraine.

Laisser le temps aux pays de se préparer

« Aujourd’hui, nous devons ancrer solidement l’Ukraine en Europe, tout comme la Moldavie ou les pays des Balkans occidentaux », a estimé lundi le Premier ministre belge Alexander de Croo, et permettre ainsi « à leurs citoyens de bénéficier directement de notre espace démocratique et de notre marché unique, en les faisant participer à certaines de nos institutions ».

Au-delà d’envoyer un signal positif à l’Ukraine, l’instauration de ce « sas » permettrait de régler temporairement l’épineuse question de l’élargissement et celle d’une adhésion trop rapide qui inquiète plusieurs pays. Paris n’a notamment jamais caché son hostilité à un nouvel élargissement qui complexifierait encore davantage le fonctionnement des institutions européennes. Le nouvel ensemble offre l’opportunité de « prendre le temps nécessaire pour que les pays qui ne sont pas prêts se préparent », estime M. Letta.

Des questions à trancher

Pour Letta, la mise en place d’un tel ensemble pourrait être très rapide et une première réunion pourrait tout à fait se tenir « dès l’automne » à Bruxelles. Autour de la table, pourraient se retrouver les Vingt-Sept et neuf pays se trouvant actuellement hors du bloc (Albanie, Macedoine du Nord, Montenegro, Serbie, Kosovo, Bosnie, Moldavie, Ukraine, Géorgie), suggère le président de l’institut Jacques Delors.

Reste à savoir comment les pays concernés accueilleront cette proposition. « L’idée peut faire figure de compromis positif, à condition de lui donner de la chair et du contenu », reconnaît Mme Verger. « Est-ce que la clause d’assistance mutuelle contenue dans le traité de l’UE s’appliquerait aux membres de cette nouvelle communauté ? C’est une question ouverte. »

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« Qu’est-ce qu’on entend par coopération politique ? Et comment on va la faire fonctionner ? », s’interroge également Camino Mortera, du think tank Centre for European Reform. « Certains pays qui sont bloqués à la porte de l’UE depuis des années pourraient peut-être voir dans cette annonce un progrès mais il faut voir ce qu’il y a derrière ».

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