La pression s'accroît sur l'Union européenne. Alors qu'un sixième train de sanctions est en préparation à Bruxelles, la Russie a mis ses menaces à exécution en suspendant ses livraisons de gaz à la Bulgarie et à la Pologne. Les deux pays avaient refusé de payer en roubles, comme l'exige Moscou depuis le 1er avril. Les entreprises européennes qui se plieraient à cette nouvelle exigence feraient face à un risque juridique élevé pour violations des sanctions à l'égard de la Russie.

"C’est inédit, prévisible mais inédit", réagit Thomas Pellerin-Carlin, chercheur et directeur du Centre Energie de l’Institut Jacques Delors. "Il n’y avait jamais eu d’interruption de livraison de gaz depuis la Russie vers un pays de l’Union européenne, ni à l’époque de l’URSS, ni au moment du conflit russo-ukrainien de 2009", ajoute-t-il. Depuis mardi 26 avril au soir, la Russie a mis ses menaces à exécution et a stoppé ses livraisons de gaz à la Pologne et à la Bulgarie parce qu’elles avaient refusé de payer en roubles. Si les deux pays, désormais approvisionnés en gaz par leurs voisins européens, se veulent rassurants quant à d’éventuelles pénuries, la décision du Kremlin vient bousculer Bruxelles.
"C’est une nouvelle provocation de la Russie qui utilise le gaz comme instrument de chantage. C’est injustifié et inacceptable. Mais ce n’est pas une surprise, nous sommes préparés à ce scénario. Notre réponse sera immédiate, unie et coordonnée car le Kremlin n’a pas réussi à semer la division entre nous", a tout de suite réagi Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. L’Union européenne planche sur un sixième train de sanctions qui devrait a priori uniquement cibler le pétrole, après un embargo sur le charbon décidé quelques semaines auparavant.

L’Allemagne plus gros importateur d’hydrocarbures russes au monde


Une réunion des ministres de l’Énergie va être convoquée le plus vite possible, sous l’impulsion de la France, qui préside le conseil de l’Union européenne jusqu’à fin juin. La question d’un embargo sur le gaz russe devrait y être débattue. L’Allemagne, qui s’y oppose, est mise sous pression. Le pays est le plus gros importateur d’hydrocarbures russes au monde, et notamment de gaz. Selon un nouveau rapport du Centre for Research on Energy and clean Air (Cera), Berlin a versé plus de 9 milliards d’euros à Moscou depuis le début du conflit. L’Italie se classe deuxième avec 6,9 milliards d’euros, devant la Chine, les Pays-Bas, la Turquie et la France.

Largest importers of fossil fuels from Russia @CREA

Les plus gros importateurs d’hydrocarbures russe dans les deux premiers mois de l’invasion en Ukraine. Source : CREA


"Le monde attend de l’Allemagne qu’elle fasse preuve de force et de détermination envers la Russie, mais au lieu de cela, elle finance la guerre et bloque un embargo européen sur le pétrole russe. L’Allemagne se vante d’être un leader mondial, mais à ce stade, cela signifie se sevrer de l’énergie russe dès que possible", a réagi Bernice Lee, directrice de recherche au sein de Chatham House. Mais selon une estimation publiée par la banque centrale allemande la semaine dernière, un embargo européen immédiat sur le gaz russe pourrait coûter jusqu’à 5 % du PIB allemand cette année.

Les entreprises mises en garde


Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, l’UE a versé 44 milliards d’euros à la Russie pour s’approvisionner en énergies fossiles, soit 71 % du revenu total de la Russie provenant du pétrole, du gaz et du charbon. Mais la Commission européenne, qui doit présenter son plan détaillé Repower EU le 18 mai, a déjà mis sur la table des pistes pour se sevrer des deux tiers des hydrocarbures russes d’ici la fin de l’année et de 100% à compter de 2027.
Cela passe majoritairement par un approvisionnement en gaz naturel liquéfié, notamment à partir des États-Unis, la recherche d’autres sources alternatives, le déploiement du solaire, de l’éolien et du biogaz, la rénovation énergétique des bâtiments et la sobriété. "L’ère des combustibles fossiles russes en Europe va bientôt être révolue", a déclaré Ursula von der Leyen. La présidente de la Commission européenne a également mis en garde les entreprises qui paieraient leurs transactions en roubles, quand ce n’est pas indiqué dans leurs contrats (97% des contrats). Elles feraient feraient face à un risque juridique élevé pour violation des sanctions à l’encontre de Moscou.
Or, selon Bloomberg, quatre acheteurs de gaz européens auraient déjà payé leurs livraisons en roubles, comme l’exigeait la Russie, citant une source anonyme proche du géant gazier russe Gazprom. L’agence ajoute que dix entreprises européennes auraient ouvert les comptes nécessaires auprès de Gazprombank pour répondre aux demandes de paiement du président Vladimir Poutine. L’agence Bloomberg ne cite pas le nom des entreprises. 
Concepcion Alvarez @conce1

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