Crise de l’hôpital : la France n’est pas un cas isolé en Europe

Plus de 120 services d’urgence en France ont dû fermer ou réduire leur capacité d’accueil en raison du manque de personnel, selon l’association Samu-Urgences de France (SUdF). [Delpixel/Shutterstock]

Emmanuel Macron se rend aujourd’hui au centre hospitalier de Cherbourg où il évoquera la crise de l’hôpital public. Ailleurs en Europe, d’autres systèmes de santé sont en crise, soufflés par deux années de pandémie.

A Cherbourg, dans la Manche, accompagné de la ministre de la Santé Brigitte Bourguignon, le président évoquera notamment le problème « de l’accès aux soins, tant aux urgences hospitalières qu’en médecine de ville », a indiqué l’Elysée lundi (30 mai).

En effet, plus de 120 services d’urgence en France ont dû fermer ou réduire leur capacité d’accueil en raison du manque de personnel, selon l’association Samu-Urgences de France (SUdF).

Selon Zaynab Riet, déléguée générale de la Fédération hospitalière de France (FHF), à l’origine de la crise il y a d’abord le manque d’accès aux soins et à des spécialistes de santé en ville, soit les fameux déserts médicaux.

« En 20 ans nombre  de passage aux urgences a doublé passant de 10 millions en 1996 à plus de 20 millions  en 2019 », alerte-t-elle lors d’un entretien avec EURACTIV.

Avant d’ajouter : «  La crise est révélatrice des difficultés de  l’accès aux soins de premier recours en ville. Sans réponse ,les gens se tournent automatiquement vers l’hôpital public. Cette surcharge d’activité des soins non programmés aux urgences hospitalières désorganisent le fonctionnement des services d’urgence et de l’hôpital  »

Même son de cloche pour Christophe Prudhomme, médecin urgentiste à l’hôpital Avicenne à Bobigny en Seine-Saint-Denis (93), où 20% des lits ont dû fermer faute de personnel.

Qu’en est-il ailleurs en Europe ? Dans la plupart des pays de l’UE, les dépenses de santé ont diminué depuis 2019, d’après l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).

Avant la pandémie, la France consacrait 12,4% de son produit intérieur brut (PIB) à ses dépenses de santé, contre 11,1% en 2020. En Italie, les dépenses de santé représentent près de 10% du PIB en 2019, en 2020 elles représentent moins de 9%.

Le nombre de lits disponibles est également baisse. En Allemagne dans les années 2000, il y avait 8,2 lits pour 1 000 habitants contre 7,9 aujourd’hui, toujours selon l’OCDE.

« Trop de diversité pour faire des généralités »

Selon M. Prudhomme, ces chiffres sont le résultat de « politiques libérales prônées par l’Europe ».

Mais pour Pascal Garel, directeur général de la Fédération européenne des hôpitaux (HOPE), l’impact des politiques européennes n’est pas aussi direct : « Il y a un manque d’informations sur chacun des pays. Il subsiste trop de diversité pour faire des généralités », prévient-t-il lors d’un entretien avec EURACTIV.

« La photographie de l’hôpital n’est pas la même partout et varie selon les critères utilisés. Mais la situation des sytèmes de santé est globalement meilleure dans les pays du nord », confirme Isabelle Marchais, chercheuse associée en politique de santé à l’Institut Jacques Delors. A titre d’exemple, le Danemark a récemment ajouté deux points de PIB dans les soins longue durée pour développer l’autonomie des personnes âgées.

En revanche, certaines politiques budgétaires de l’UE peuvent avoir une influence sur les dépenses en santé publique des Etats membres.

 « Les Etats membres ont accepté que l’on regarde dans leurs dépenses publiques à la suite de la crise de 2007-2008, dont les dépenses sur la protection sociale et le système de santé. L’UE a insisté sur ‘éviter l’endettement public’ et ‘faire des économies sur les dépenses de santé’ », explique M. Gradel.

Certains pays comme la Lettonie et la Grèce ont suivi ces indications. Mais encore une fois pas d’homogénéité européenne, puisqu’à l’inverse l’Allemagne a continué ses dépenses de santé, rappelle le délégué général.

Covid et pénurie de personnel soignant

Il y a cependant un dénominateur commun auxquels ont dû faire face les hôpitaux européens : la Covid. « Cette pandémie a accentué la crise des hôpitaux. Elle a servi de révélateur et favorisé une prise de conscience dans tous les pays européens », note Isabelle Marchais.

La pénurie de personnel soignant est également un « phénomène général », qui existait bien avant la crise Covid, selon la chercheuse.

« En France comme ailleurs, les Etats s’interrogent sur la soutenabilité pour les finances publiques de taux de croissance à deux chiffres pour les dépenses de santé », rappelle Frédéric Pierru dans le livre « Politiques sociales : l’état des savoirs » (Editions La Découverte, 2022).

« Avec la Covid-19, le phénomène s’est accru. Les gens partent, les jeunes se désintéressent des études de santé, on le voit un peu partout. Il y a un problème de recrutement et de rétention », appuie M. Garel.

A l’approche de l’été, face au manque de personnel, la tension monte encore d’un cran au sein des hôpitaux. « La situation va être catastrophique. Il faut établir des mesures immédiatement. », conclu Christophe Prudhomme. Alors qu’Emmanuel Macron est au chevet des hôpitaux, soignants et médecins attendent des annonces fortes.

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