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Directive européenne sur les salaires minimaux : « C’est une avancée pour l’Europe sociale »

Sans imposer un niveau de salaire minimum dans les pays européens, une directive européenne contraint les gouvernements à évaluer ces revenus selon des critères objectifs et contraignants.

Mathilde Durand , Mis à jour le
Union européenne, photo d'illustration.
Union européenne, photo d'illustration. © Reuters

Dans la nuit de lundi à mardi, l’Union européenne a trouvé un accord sur des règles communes pour garantir dans chaque pays un salaire minimum qui « assure un niveau de vie décent ». Ce texte, provisoire, prévoit des règles contraignantes pour les 21 États membres qui disposent de salaire minimum. Ces derniers devront « évaluer » si ce revenu légal existant est suffisant pour assurer un niveau de vie en fonction de critères objectifs - panier de biens et services à prix réels, niveaux nationaux de productivité du pays par exemple - ou en s’appuyant sur certaines valeurs de référence comme « 60 % du salaire médian brut » ou « 50 % du salaire moyen brut »

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« La substance de cette directive n’est pas de fixer un niveau de salaire minimum mais de contraindre les gouvernements à mettre en place une méthode objective et précise pour fixer le niveau du salaire minimum selon des critères », décrypte Amandine Crespy, professeure de sciences politiques à l’Université libre de Bruxelles. Le texte prévoit également des contrôles, pour « garantir le respect des dispositions », précise le Parlement dans un communiqué, et une révision de ces critères tous les deux ans. « Cette dernière, notamment lorsqu’on est dans une période très inflationniste comme celle que l’on vit actuellement, est importante car elle permet de veiller à ce que les salaires suivent l’évolution de l’inflation », ajoute la professeure.

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Le renforcement des négociations collectives

« C’est vraiment une avancée pour les travailleurs en Europe et pour l’Europe sociale », se réjouit Klervi Kerneïs. Cette chercheuse associée à l’Institut Jacques-Delors salue l’équilibre de l’accord : « Les compétences de l’Union européenne dans ce domaine sont limitées : il y avait une ligne juridique à ne pas franchir et une ligne politique compliquée à gérer car certains États étaient dès le début très réticents de voir l’Union légiférer dans ce domaine. »

Les Vingt-Sept sont divisés depuis longtemps sur la question. Et l'instauration d'un « Smic européen » est contraire aux traités. Six pays ne disposent pas de salaires minimaux inscris statutairement dans la loi, parmi lesquels Chypre, l’Italie ou encore la Suède et le Danemark. Dans ces États, les niveaux de rémunération sont déterminés par des négociations collectives.

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Un autre paramètre est à prendre en compte : les écarts de revenus entre chaque pays, même s’ils sont à nuancer en raison du niveau de vie, sont importants : un salaire minimum en Bulgarie s’élève à 332 euros en Bulgarie contre 2 202 euros au Luxembourg, selon des chiffres de 2021. Avec cette directive, « les critères que les États devront prendre en compte sont stables et transparents. Il y aura des augmentations de salaires et ça aura un impact », explique Klervi Kerneïs.

 

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C’est objectivement une bonne victoire pour Emmanuel Macron

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La directive insiste aussi sur le renforcement du poids de la négociation collective. Les États dans lesquels moins de 80 % de la main d’œuvre est protégée par une convention collective ou des négociations devront mettre en place des actions pour augmenter cette couverture et ainsi impliquer davantage les partenaires sociaux. « Dans les pays où il y a un fort taux de couverture, on voit bien que les salaires sont plus élevés et que les inégalités salariales sont moins importantes », analyse la chercheuse associée de l’institut Jacques-Delors. « Dans certains pays d’Europe centrale ou orientale, il y a moins de tradition syndicale forte », cite par exemple Amandine Crespy.

Une victoire pour la France ?

Cette directive européenne était une promesse d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Dans les tuyaux depuis octobre 2020, elle a fait l’objet de huit trilogues. Sur Twitter, Emmanuel Macron a salué ce texte « pour que chaque Européen puisse vivre dignement de son travail ». Une victoire pour la France durant la période de sa présidence du Conseil ? Le chef de l’Etat avait largement mis en avant cette question dans son discours de présentation en janvier.

« C'est une avancée majeure pour laquelle la France s'est battue », a de son côté salué Clément Beaune, ministre délégué chargé de l’Europe. « Emmanuel Macron et la PFUE ont mis ce dossier très haut à l’agenda, indique Klervi Kerneïs. C’est objectivement une bonne victoire. » « La France a pesé de son poids politique pour conclure le dossier, mais le processus était déjà lancé », nuance Amandine Crespy.

 

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L’annonce a fait politiquement beaucoup de bruit, il serait difficile de faire marche arrière

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La directive doit encore être formellement votée par le Parlement et adoptée par le Conseil. Probablement sans le Danemark et la Suède, qui ont manifesté leur opposition tout au long des négociations. « Les pays Scandinaves sont toujours très réticents quant aux interventions européennes en matière de social car leurs systèmes fonctionnent très bien et ils craignent des perturbations, explique Amandine Crespy. La symbolique est forte de faire passer ce texte contre deux États membres qui sont considérés comme des modèles dans ce domaine. »

La majorité qualifiée des États étant nécessaires, et non l’unanimité, cela ne devrait pas empêcher l’adoption du texte. « Je pense qu’il y a peu de risque que la directive soit rejetée, avance Klervi Kerneïs. L’annonce a fait politiquement beaucoup de bruit, il serait difficile de faire marche arrière désormais. »

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