Économies de gaz : la Commission essuie les premiers refus des États membres

Dans la perspective d’une coupure totale du gaz russe, la Commission propose un plan en trois « S » : substitution, solidarité, sobriété. Mais certains États refusent déjà ce plan…

Par

Temps de lecture : 2 min

La Commission européenne anticipe une rupture totale des approvisionnements en gaz russe et propose un plan de réduction de la demande de gaz à déployer dans les plus brefs délais dans chacun des États membres. Il s'agirait pour les 27 de baisser de 15 % la consommation « au moins dans les huit prochains mois ». De quoi économiser 45 milliards de mètres cubes de gaz, pour l'instant sur une base volontaire. L'Europe ne part pas de rien. En quelques mois, elle a déjà fait la moitié du chemin et peut, assure le commissaire Thierry Breton, « se passer totalement du gaz russe l'hiver prochain […]. Si à la rentrée, certains États membres ont su se constituer plus de réserves que d'autres, il faudra faire jouer la solidarité. »

La newsletter débats et opinions

Tous les vendredis à 7h30

Recevez notre sélection d’articles tirée de notre rubrique Débats, pour comprendre les vrais enjeux du monde d’aujourd’hui et de notre société

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription à bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Pour le calcul des - 15 %, la période de référence prise en compte est celle des 5 précédentes années (2016-2021), entre le 1er août et le 31 mars. « L'effort qui est demandé par la Commission se situe à un niveau pertinent et à la hauteur de la situation critique, analyse Phuc-Vinh Nguyen, chercheur au centre énergie de l'Institut Jacques Delors. Pour mesurer l'ampleur, il faut savoir que les 45 milliards de mètres cubes du plan européen correspondent à environ une année de consommation de gaz de la France, laquelle est de 40 milliards de mètres cubes. »

La Finlande n'a pas attendu la Commission pour procéder à une telle réduction de la consommation de gaz et n'aura donc pas à fournir d'efforts supplémentaires, a indiqué Ursula von der Leyen, qui espère que l'échange des « bonnes pratiques » entre les États membres facilitera la réalisation de cet objectif. « Pour l'instant, l'effort de réduction au niveau européen a été de 5 % et il est clair que ce n'est pas suffisant », a indiqué la commissaire à l'Énergie, Kadri Simon. La Commission demande à chaque État membre de mettre à jour avant fin septembre son plan national d'économie d'énergie pour l'adapter à ce nouvel objectif commun. « Le fait que l'effort réclamé soit volontaire offre un temps de latence, propice à une négociation avec les États membres afin que tout le monde soit embarqué dans cette politique. Évidemment, la Pologne et la Hongrie marquent des réticences, le contraire eût été inquiétant », sourit Phuc-Vinh Nguyen.

Pas seulement : l'Espagne aussi a exprimé aussitôt un refus net. « Nous défendons les valeurs européennes, mais ils ne peuvent pas exiger de nous un sacrifice sur lequel ils ne nous ont même pas demandé un avis, a aussitôt réagi Teresa Ribera, ministre de la Transition écologique. Contrairement à d'autres pays, nous, nous n'avons pas vécu au-dessus de nos possibilités du point de vue énergétique. » Renversement de l'histoire : les fourmis du Sud font désormais la leçon à la cigale allemande… La Commission va passer un moment vraisemblablement dificile le 26 juillet lors du conseil des ministres européens de l'Énergie qui ont prévu de se réunir à Bruxelles pour débattre de cette mise à la diète gazière.

Poutine a déjà réduit ou stoppé le gaz dans 12 pays européens

Autre proposition qui passe mal : en cas de graves pénuries dans les semaines ou les mois qui viennent, la Commission demande la création d'un dispositif d'alerte qui lui permettrait de rendre obligatoire la réduction de 15 %. Une tentative de « prise de pouvoir » qui n'a échappé à aucun État membre. Ursula von der Leyen n'a pas voulu entendre les mises en garde des commissaires sociaux-démocrates et Renew (libéraux) qui l'ont prévenue que cette mesure serait rejetée par les États membres.

Par ailleurs, le plan de la Commission se décline en trois « S » : substitution, solidarité et sobriété. L'approvisionnement de douze pays, dont la Pologne, l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Slovaquie, les Pays-Bas et l'Italie, a été déjà réduit ou stoppé. Depuis la mi-juin 2022, les flux via Nord Stream 1, l'une des plus grandes routes d'importation vers l'UE, ont été réduits de 60 %. Cependant, Gazprom a annoncé mercredi soir la reprise des livraisons à l'issue de la période de maintenance au même niveau qu'avant les travaux. À Bruxelles, on s'attendait plutôt à l'arrêt complet…

À LIRE AUSSITransition énergétique : la facture s'annonce salée

Accélérer la diversification des sources d'énergie

De toute façon, la substitution du gaz russe par d'autres sources est en cours avec l'augmentation des livraisons de gaz naturel liquéfié en provenance des États-Unis, d'Israël, du Qatar, ou via les gazoducs de Norvège, d'Algérie, d'Azerbaïdjan… La présidente von der Leyen était à Bakou, en début de semaine, pour sceller un accord avec le président Aliev. L'Azerbaïdjan fournit actuellement 8 milliards de mètres cubes de gaz par an. L'accord prévoit un accroissement de la fourniture pour atteindre 20 milliards de mètres cubes d'ici quelques années et 12 milliards de mètres cubes dès l'année prochaine.

Mais le gaz pour le gaz n'est pas satisfaisant – ne serait-ce qu'en raison des objectifs climatiques de l'Union – s'il ne s'accompagne pas d'une hausse des autres sources d'énergie. « Le premier pas, c'est de découpler nos besoins énergétiques de la Russie, souligne Thierry Breton, en charge du marché intérieur. La substitution, ce n'est pas seulement changer une source de gaz contre une autre. C'est aussi accélérer le passage du gaz vers d'autres sources d'énergie. Vers les énergies vertes partout où c'est possible ; vers d'autres sources d'énergie quand cela est nécessaire. » Pour ce faire, le plan « RepowerUE » a été précédemment présenté par la Commission. Thierry Breton a entrepris depuis deux mois, avec des entreprises européennes fortement intensives, écosystème par écosystème, une révision des besoins énergétiques pour parvenir à des conversions du gaz au fioul. Une économie potentielle de 17 milliards de mètres cubes.

Changer les habitudes de consommation

Le sort des Européens repose entre leurs mains s'ils parviennent eux-mêmes à réduire leur consommation par un comportement de sobriété. La Commission publie des lignes directrices dans ce domaine qui prolonge « RepowerUE » : réduire la température de la maison ; avoir un usage modéré de la climatisation dès cet été ; raccourcir les douches ; éteindre les appareils au lieu de les mettre en veille ; cuisiner, réfrigérer et congeler efficacement… Des changements d'habitude qui, en outre, se traduiront par des factures moins élevées et le maintien de l'outil de production européen. « Mon objectif est clair : mettre tout en œuvre pour trouver les substitutions afin d'éviter les fermetures d'usines. Pour l'intégrité du marché intérieur, bien sûr, mais surtout pour préserver l'emploi et le niveau de vie des Européens », déclare le commissaire français.

À LIRE AUSSISobriété énergétique : une campagne de com en préparation

« Certains États membres sont plus directement exposés que d'autres au gaz russe et ils sont, bien sûr, plus vulnérables que d'autres aux perturbations, admet Ursula von der Leyen. Mais tous les États membres subiront les conséquences d'une telle perturbation à travers le marché unique. C'est pourquoi il est important que tous les États membres contribuent désormais aux économies, au stockage et soient prêts à partager le gaz avec les autres voisins en cas de rupture. La solidarité énergétique est un principe fondamental de notre traité. » Sur ce point, l'Espagne et le Portugal, qui sont isolés du reste du continent par absence de raccordement (par l'absence de volonté de la France), ne pourront pas apporter grand-chose…

La sécurité gazière prévue depuis 2009

Ceux qui demanderont la solidarité de la part de leurs voisins devront avoir eux-mêmes accompli tous les efforts demandés pour réduire leur consommation de gaz. En fait, il existe déjà un Règlement sur la sécurité gazière, adopté en 2009 (révisé en 2015). Ce règlement a créé des « groupes de risque gazier » entre les États membres de sorte que « si la plus grosse infrastructure du pays tombe en panne le jour le plus froid de l'année », indique une source à la Commission, les autres pays du même groupe soient en mesure de le dépanner. C'est sur la base de règlements existants que la Commission construit l'instrument d'urgence qu'elle présente aujourd'hui, en s'appuyant sur l'article 122 du traité sur le fonctionnement de l'UE. Or, celui-ci précise bien que le Conseil, et non la Commission, conserve la main : « Le Conseil, sur proposition de la Commission, peut décider, dans un esprit de solidarité entre les États membres, des mesures appropriées à la situation économique, en particulier si de graves difficultés surviennent dans l'approvisionnement en certains produits, notamment dans le domaine de l'énergie. »

À LIRE AUSSI Transition écologique : que se cache-t-il derrière la « sobriété » ?

« Donc, le choix que nous avons aujourd'hui est de déclencher la solidarité maintenant ou d'attendre une urgence qui nous forcera à la solidarité alors que les circonstances seront alors beaucoup plus laides et la réponse beaucoup plus compliquée », conclut le vice-président Frans Timmermans, en charge de la politique du climat.

Le précédent de la campagne japonaise « Setsuden »

La Fondation Jacques Delors s'était déjà penchée sur la problématique de la sobriété énergétique en allant beaucoup plus loin que les quelques pistes esquissées par la Commission. Le Japon, après l'épisode nucléaire de Fukushima, avait lancé une campagne « Setsuden » (« économiser l'électricité » en japonais ), parvenant à réduire sa demande en électricité et éviter les coupures généralisées. Les particuliers et les PME étaient libres de fixer eux-mêmes leurs objectifs de réduction.

« Les sociétés fortement consommatrices (de plus de 500 kilowatts) étaient, en revanche, contraintes de réduire leur consommation de 15 %, voire 30 % pour les sociétés les plus consommatrices », peut-on lire dans cette étude. Afin de baisser la climatisation ou le chauffage, les codes vestimentaires ont été assouplis. Les entreprises ont également décalé les heures, voire les jours, de travail pour éviter les pics de demande. L'éclairage inutile, de vitrines et présentoirs par exemple, a été éteint. La vitesse des trains a été réduite et les escaliers mécaniques mis à l'arrêt. Les panneaux lumineux publicitaires ont été proscrits ou réservés aux messages en faveur des économies d'électricité. Aux heures de pointe, la consommation d'électricité a ainsi baissé de 15 %. « Les Pays-Bas ont lancé un plan vélo après le choc pétrolier de 1973. Pourquoi ne pas profiter de cette crise pour pérenniser ce type de plan partout où c'est pertinent ? » s'interroge le chercheur de la Fondation Jacques-Delors.

À LIRE AUSSI « Sur le nucléaire, ni sortie précipitée ni fuite en avant ! »

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation

Commentaires (110)

  • CLAUDINALBI

    Merci ! Maintenant que je suis enfin tranquille, je vais aller visiter le site bellequipment, je sens que je vais tomber sur une pépite !... Je ne manquerai pas de vous en donner mes "ressentis", ailleurs où je vous verrai sous d'autres sujets, intervenir... Je comprends tout à fait que l'odeur des engins revenant de la bouillasse puisse vous manquer... Ce qui manque surtout, et ceux que l'on oublie souvent, sont les hommes, leur sueur, leur plaisir du devoir bien accompli, bon je vais encore dire une ânerie, pour eux, aucun télétravail !... Bises, Claudine...

  • Le sanglier de Génolhac

    L'aventure de la sté Bell commence en A. D. S aprés 1945. Irvine Bell, ancien mécanicien de l'armée, commence à construire ses propres machines pour extraire de l'eau et récolter la canne à sucre. Ceci à partir de pièces de récupération. Puis les fermiers alentour lui commandent des machines, il s'agrandit, innove, contourne l'embargo grâce à la bienveillance d'un groupe américain qui lui permet d'accéder au stade industriel. Au fil des années, il passe avec bonheur de l'agriculture aux travaux publics. Ses machines sont puissantes, fiables et moins chères que ses concurrents. En France il s'adjoint les services d'un directeur commercial compétent, convaincant et qui veut vendre, aime vendre et sait vendre. Nous avons acheté 17 machines chez eux, aucun souci, S. A. V parfait, rien à redire. De nos jours c'est Gary le patron. Une intelligence hors norme, un génie de la mécanique (comme son père) et un véritable homme de chantier comme on les aime. Par contre, côté éducation, point ne faut être trop regardant. Ce sont des sud africains, tout est dans le mot ! L'usine d'Allemagne a été construite pour diminuer le coût de transport des machines et surtout pour être au coeur du marché européen. Là, il y a peu, Belle vient de sortir, aprés le 50 tonnes, le premier dumper articulé de 60 tonnes de C. U ! Et bien entendu, tout ce matériel est motorisé... Par Mercedes. Normal, le meilleur demande le meilleur. Si vous saviez comme l'odeur des engins qui reviennent de la bouillasse me manque ! Pour être complet, jetez quand même un oeil sur le site internet "bellequipement", tout y est dit en détail de 1945 à nos jours.

  • CLAUDINALBI

    Je viens juste de comprendre les bouquins de luc, du coup, je me désespère de n'avoir jamais entendu parlé des frères Bell... Racontez nous leur histoire, d'apartheid jusqu'en Allemagne... Pas envie de me renseigner sur wiki, j'aime trop lorsque c'est vous qui me racontez... Prenez votre temps, sachez que vous ne répondrez pas pour des prunes, un jour ou l'autre, je vous lirai avec plaisir... Claudine... PS : cela fera du bien à tous ceux qui lisent par dessus nos épaules !