Elections européennes : les centristes risquent de perdre leur rôle pivot
Renew, qui regroupe les centristes européens, lançait officiellement sa campagne mercredi. Ce groupe, qui comprend les macronistes en France, est en déclin dans plusieurs pays d'Europe. Il pourrait perdre en influence au sein des institutions européennes dans la prochaine législature.
Par Vincent Collen
Il y a cinq ans, les centristes européens étaient en plein essor, portés par l'émergence des macronistes en France. Aujourd'hui, à moins de trois mois des élections européennes, tous les sondages leur prédisent un net déclin au Parlement de Strasbourg. Ce groupe des centristes libéraux comprend, outre Renaissance en France, le FDP allemand ou encore le VVD néerlandais .
Le lancement officiel de la campagne de Renew, dans un musée de Bruxelles mercredi soir, n'était donc pas un exercice facile. Parmi les leaders centristes européens, seule la Première ministre estonienne, Kaja Kallas, était présente. Elle a eu du mal à se faire entendre dans une salle grandiose mais à l'acoustique déplorable.
Derrière l'extrême droite
Emmanuel Macron n'était pas là, pas plus que le Premier ministre belge, Alexandre De Croo, et le chef du gouvernement sortant des Pays-Bas, Mark Rutte. Parmi les commissaires européens de la famille centriste, la Danoise Margrethe Vestager et le Français Thierry Breton sont venus défendre le bilan des cinq dernières années.
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Renew est actuellement le troisième groupe au Parlement européen, derrière les deux poids lourds historiques que sont le PPE (droite) et S&D (gauche). Au lendemain du scrutin du 9 juin, il pourrait être relégué à la quatrième ou même la cinquième place, si l'on en croit les sondages.
Il arriverait derrière l'extrême droite ID (RN français, AfD allemande…) et serait au coude-à-coude avec les nationaux conservateurs de CRE (Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni, PiS polonais…). La dernière projection de Europe Elects attribue seulement 86 sièges à Renew, soit une quinzaine de moins qu'aujourd'hui.
Recul en France, aux Pays-Bas, en Espagne…
C'est le recul de Renaissance en France qui explique le gros du déclin annoncé, étant donné son poids qui lui assure le leadership du groupe au Parlement européen. Mais les centristes sont aussi à la peine aux Pays-Bas, où ils ont perdu les dernières législatives, et en Allemagne, où les sondages créditent le FDP, membre de la coalition au pouvoir, de moins de 5 % des voix. En Espagne, Ciudadanos a presque disparu du paysage politique.
« Le déclin annoncé de Renew aura des conséquences importantes sur la dynamique politique générale de l'Union européenne », analyse Thierry Chopin, de l'Institut Jacques Delors. Lors du précédent scrutin en 2019, pour la première fois, PPE et S&D n'ont pas obtenu ensemble la majorité des sièges. Les deux partis dominants ont dû s'appuyer constamment sur Renew pour faire voter les textes.
« Au centre du jeu »
« Pendant cinq ans, Renew a été de toutes les coalitions. Le soutien des centristes a été crucial pour avancer », reprend Thierry Chopin. « Nous avons réussi à mettre notre groupe au centre du jeu », s'est félicitée mercredi la Française Valérie Hayer , l'une des trois têtes de liste européennes de Renew aux côtés de l'Allemande Marie Agnes Strack-Zimmermann et de l'Italien Sandro Gozi.
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C'est ce rôle de pivot ou de « faiseur de rois » que les centristes risquent de perdre dans la prochaine législature. « Ils devraient en tout cas perdre en influence », estime l'expert. Avec le recul de Renew, « c'est aussi la place de la France dans les institutions européennes qui est en question », selon lui. Les eurodéputés français sont déjà très peu nombreux au sein des deux groupes les plus puissants, PPE et S&D. Leur recul au sein de la famille centriste fragiliserait encore l'influence des Français au Parlement européen.
Une politique migratoire « humaine »
Pour convaincre les électeurs, le manifeste de Renew, dévoilé mercredi, met l'accent sur le renforcement de la défense européenne , la compétitivité, la mise en oeuvre du Pacte vert et la défense de l'Etat de droit face aux régimes comme celui du Hongrois Viktor Orban .
Les centristes promeuvent une politique migratoire « humaine », cherchant à se distinguer de la ligne de plus en plus dure de leurs concurrents du PPE dans ce domaine. Valérie Hayer a promis mercredi qu'il n'y aurait, avec Renew, « pas d'ambiguïté vis-à-vis des populistes et des extrémistes ».
Vincent Collen (Envoyé spécial à Bruxelles)